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RencontreNicolas Bedos: «Je cherche juste un peu de sérénité»

C'est dans son petit nid parisien que l'écrivain nous a reçus pour causer de ce que ce génie du verbe va pourtant arrêter: ses chroniques et ses coups de sang.

Fred Valet
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Fred Valet

«D'ici là, votre manteau aura vécu bien des aventures.» Quelques heures avant de l'avertir par SMS qu'on se les gèle carrément sans notre cache-misère abandonné dans son séjour, Nicolas Bedos nous y accueillait. Jean, baskets, casquette. Bonne franquette ou presque. On fait un peu comme chez nous, alors qu'il n'y est lui-même que depuis une semaine. Une American Spirit plantée dans sa grande gueule au repos, le cerveau bobo beau gosse nous propose un café très serré, peste contre le réservoir d'eau qui fuit et le Marais, quartier vitrine qu'il vient tout juste de quitter. «C'est devenu une caricature. L'antichambre de la Fashion Week. Etouffant! J'en discutais récemment avec Jean (ndlr: Dujardin), lui aussi n'en peut plus. En même temps, qui suis-je pour critiquer tout ça?»

La politique, un matériau

Nicolas Bedos, justement. Dramaturge ultrademandé, chroniqueur redoutable et redouté, écrivain, scénariste, acteur, artilleur de la vanne consistante et bien torchée, bref, des casquettes plus nombreuses que celle qui trône au sommet de son grand corps endimanché. Dans son nouveau petit nid, planté dans le Xe arrondissement et cerné par les théâtres de deuxième zone, le Bedos est cool et la peinture fraîche. On déflore la discussion par le tome II de son «Journal d'un mythomane», une autofiction aiguisée et déguisée en best-of des billets politiques qu'il publie chaque semaine dans Marianne. «Dès le premier papier, je pensais au livre. Je n'avais peut-être pas encore les couilles de me lancer dans un roman. La politique, je m'en fous. C'est une matière première qui me permet de raconter des histoires.» Plus tellement mytho, Nico. Comme il n'a jamais été profondément méchant. Il en a ras le bol de faire chialer Tristane Banon «qui est venue me chercher des noises alors que tout le monde l'avait déjà oubliée». Du coup, on lui pardonnerait presque son ego en crue, que les téléphages insomniaques ont découvert sur le plateau de Franz-Olivier Giesbert. Car depuis qu'il tape sur plus fort que lui, de Marine Le Pen à son père, Guy, et qu'il arme ses colères dans des chroniques comme autant de missiles littéraires, il se dit beaucoup plus fréquentable. «Avant, je me déchargeais sur mes proches. Je me suis assagi en devenant chroniqueur, c'est vrai. J'ai fait de la télé pour draguer les lumières et les braquer sur mes écrits. Sauf qu'en voulant faire ma pute, j'ai aussi découvert une vraie passion. Vous ne vous emmerdez pas trop avec mes histoires? On parle que de moi, c'est déstabilisant.» Son esprit file à cent à l'heure. Bedos déborde. Dans les médias et dans les faits. Même vautré dans son canapé, il ne tient pas en place, s'excuse, fume machinalement, évoque Philippe Roth, s'échappe trois secondes pour revenir avec un troisième Coca Zero.

Fatigué de courir après lui-même — un sprint qui lui a permis de se rendre indispensable auprès l'élite artistique parisienne — il s'est désormais emmitouflé dans des projets qui lui ressemblent. «Je vais disparaître. Bon, on me verra beaucoup l'année prochaine, mais pour de bonnes raisons. Au cinéma. Des scénarios et des premiers rôles. Je veux aussi me créer un monologue. Monter sur scène. Ouais, comme mon père, mais sans amuser la galerie.» Il avoue même ne penser à son arbre généalogique prestigieux qu'en présence des journalistes. «C'est horrible, parfois j'oublie que je suis le fils de mon père!»

«Fatigant d'être Nicolas Bedos»

Il se lève, ouvre la fenêtre. On en profite pour évoquer l'ascension d'un petit Suisse qui, contrairement à lui, ne fait pas de vagues. «Joël Dicker a du talent. J'ai aussi lu son premier bouquin, totalement différent d'ailleurs. Mais on ne court pas dans la même catégorie. Vous n'imaginez même pas tout ce que j'ai pris sur la gueule pour qu'on me laisse travailler. Qu'on me laisse cette liberté. Ce qu'on ne m'enlèvera pas, c'est l'approbation et les compliments de ceux que j'admire profondément.»

En le quittant, on se dit qu'on n'a pas fini de l'entendre. Tant mieux. Car s'il chahute parfois les puissants dans des micros qui s'ouvrent très grands sur son passage, c'est sur scène, dans les livres et les cinémas qu'il bouscule le plus. C'est fatigant d'être Nicolas Bedos, non? «Oui, parfois. Souvent même. Je cherche juste un peu de sérénité. Si, si, il faut me croire! Vous êtes sûr de n'avoir rien oublié?»

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