HumeurNoël: le culot du ski à tout prix
Pourquoi le secteur économique des remontées mécaniques devrait-il mettre en péril tous les autres?

- par
- Eric Felley

Si l’épidémie repart en 2021 et que les stations de ski suisse sont impliquées, certains devront s’expliquer.
L’annonce de l’ouverture complète des stations d’hier en Suisse pour les Fêtes de fin d’année, au moment où l’on n’est pas encore sorti de la deuxième vague (4500 nouveaux cas hier encore), suscite une polémique légitime. Nous émergeons avec peine d’une vague qui a battu des records, la Suisse alémanique est encore bien touchée, le nombre de décès reste très élevé, mais le souci premier de certains est de pouvoir skier à Noël, sinon… Sinon quoi?
Tout le monde est conscient qu’il y a un gros risque: le brassage des gens durant cette période qui peut favoriser la propagation du virus parmi les milliers de touristes suisses et étrangers, qui rentreront ensuite chez eux. On a beau dire que toutes les mesures de protection seront prises, quand la foule sera là, on ne mettra pas des policiers partout. Et, pour qui connaît bien l’air chaud des restaurants de montagne saturé par l’haleine des skieurs, les masques ne suffiront pas, sans doute, à faire barrage au virus.
Mais c’est devenu une question d’honneur. Pour le président du Conseil d’État valaisan, Christophe Darbellay, une fermeture des remontées mécaniques durant les fêtes lui semble aussi inconcevable que la défaite pour Donald Trump. Il parle d’un «délit de faciès» contre le ski. Et voilà tout le Valais qui se met en boule comme un hérisson. Pourtant, il n’y a pas péril en la demeure et les stations survivraient forcément à une telle fermeture.
La question se pose: pourquoi ce secteur économique devrait-il mettre en péril tous les autres? Pourquoi ce secteur doit faire prendre un risque, dont tous les autres devront assumer les conséquences en cas de reprise de l’épidémie? Il faudra de nouveau fermer les coiffeurs, les fitness, les cinémas, les musées, les restaurants… Et les hôpitaux devront remettre la compresse aux soins intensifs.
Franchement, pour deux semaines, les hôtes de nos stations pourraient passer un très bon Noël en allant faire de la luge (s’il neige), en montant à pied les skis sur le dos ou en se baladant dans les forêts. Ce seraient d’aussi belles vacances, originales en plus, plutôt que de tenter le diable en s’agglutinant en bas et en haut des pistes. Mais il semble que la cause du ski soit devenue une posture politique qui ne s’embarrasse pas de nuances et doit passer en force. L’avenir dira si c’est un bon calcul et comment faire les comptes.