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TennisNovak Djokovic, toute une histoire, tout un drame

Malade et affecté par des problèmes personnels, Novak Djokovic a encore pris le dessus, porté par une force obscure. C'est sa vie, sa bataille.

Christian Despont
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Reuters
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Ainsi soit accomplie sa deuxième année de règne, conclue par une gastro-entérite et des allers-retours en Serbie, au chevet d'un père souffrant. L'œil est noir, captif, mais lassé. Il ne voit plus le mal partout, seulement un match de tennis, le 83e de la saison, remporté avec une force de persuasion au-dessus de la moyenne, au-dessus de tout (4-6 6-3 7-5).

Novak Djokovic paraît blafard, mélancolique, dominé par Andy Murray, mais il gagne. Il est pâle, il est triste, mais il gagne encore, mu par une force obscure. C'est sa vie, sa bataille. «J'ai dû apprendre plus vite que les autres. Je n'avais pas d'autre choix que de réussir», s'excuse-t-il dans L'Equipe Magazine.

Né pour braver

Telle est sa deuxième année de règne, entamée par le décès de son grand-père Wladimir, «mon modèle», et achevée par les graves problèmes respiratoires de son père, «mon héros». Novak Djokovic, 25 ans, se construit dans le drame, dont il fait toute une histoire; la sienne. Né pour braver. Elevé dans la conscience d'un destin supérieur et une certaine idée de son personnage. «J'essaie seulement de vivre l'instant présent, ici et maintenant. Juste croire en soi, en son jeu, en son instinct.»

Quand il n'a plus d'adversaire à combattre, il sauve la planète. «Mes engagements humanitaires ajoutent un sens à ma carrière. J'en tire des énergies positives.» Tout semble obéir à cette force obscure qui, fondamentalement, n'a rien à voir avec le tennis, ni même avec la compétition. Novak Djokovic est en mission, au nom du père, du fisc, et de la mère patrie. «Je joue pour gagner, pour mettre ma famille à l'abri, pour donner une bonne image de la Serbie.» Et de rappeler qu'il n'a reçu aucune aide, que sa culture de la gagne vient de là, qu'elle vient du blues, celui d'un pays en guerre dont il a surgi, fier, des décombres encore fumantes.

«Une année difficile»

Il sacralise la famille, la nation, le clan. Deuxième année de règne traversée comme un bandit, pressé d'en découdre, jamais apaisé. «Une année difficile, une de plus…» Djoko continue comme si de rien n'était, ni titre ni gloire, comme s'il n'avait toujours pas d'autre choix que de réussir; pas même l'ombre d'un doute. «La confiance en soi, il faut beaucoup de temps pour la construire, et un jour pour la perdre», dit-il prudemment, cramponné à ses certitudes.

Il a tout gagné, ou presque: seul Roland-Garros lui échappe encore. Il a tout prouvé et, pourtant, subsiste cette force impétueuse, tantôt roublarde ou belliqueuse, naturellement romantique pour qui, dans sa vision manichéenne du sport, préfère les détrousseurs de vertus aux talents enchanteurs. «Je voudrais conserver la première place mondiale le plus longtemps possible. Pourquoi ne pas égaler les six années de Sampras? Je comprends que pour certaines personnes je puisse paraître arrogant, mais j'ai toujours poursuivi des objectifs élevés. J'en ai besoin pour avancer.»

Les diseurs de mésaventures ne l'attendent plus en salle d'interview, avec leurs visions prophétiques et leurs gueules d'Antéchrist. Djokovic est reconnu, adoubé. Il attendait seulement que son règne vienne. Ainsi soit-il.

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