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Musique«On n'a jamais été désabusés»

Le phénomène FAUVE ≠ est de retour avec «Vieux frères - Partie 2». Interview de deux membres du collectif français que l'on aime détester.

par
Caroline Piccinin

FAUVE, le groupe français phénomène créé en 2010, revient. Plutôt: le «collectif à géométrie variable», comme il aime à se définir. Si son noyau dur compte 5 personnes, le Corp. (c'est son nom) travaille avec une vingtaine de potes.

Le mystère, FAUVE le cultive depuis ses débuts en refusant d'apparaître en photo où que les entretiens soient personnalisés. Hier à Lausanne, on dira juste qu'on a rencontré deux des cinq membres pour parler de leur nouvel album autoproduit, «Vieux frères - Partie 2», qui sort mi-février. Deux membres qui tiennent à rester anonymes et à répondre en chœur. Sauf sur la polémique née il y a un an sur le «vol» du nom Fauve au Suisse Nicolas Julliard. Ça, le collectif ne veut pas l'évoquer.

Entre ascension fulgurante, amour immodéré que certains leur vouent et dédain que d'autres leur portent, les deux jeunes hommes gardent la tête sur les épaules.

Vous avez dit, au sujet de ce disque: «Nous sommes toujours en thérapie, mais ça va mieux. Il seraplus adulte.» Y êtes-vous arrivés?

On l'espère! On est peut-être moins premier degré. Avant on se cherchait encore. Mais cet album est plus lumineux, moins à fleur de peau, plus apaisé. Le single «Les hautes lumières» reflète exactement ce qu'on veut faire maintenant. On en est très contents.

Ça se travaille comment,la désillusion?

Mais on n'a jamais été désabusés. C'est marrant cette considération qui revient sans cesse, parce qu'on travaille l'espoir et la rage de combattre. On veut être constructifs. Démolir pour démolir, ce n'est pas notre truc, sauf peut-être dans le morceau «Sainte Anne», où il n'y avait pas de porte de sortie.

Pourtant, vous parlez beaucoup de moments difficiles, de clopes et d'errances nocturnes.

C'est surtout une façon d'exorciser. D'exorciser l'angoisse, mais pas la tristesse. On n'est pas des gens tristes, cyniques ou destructeurs, on est carrément fleurs bleues.

Comment s'est passé l'enregistrement de ce deuxième album?

Toujours à la maison, comme on n'a pas de label on fait comme on veut. On s'autoproduit, donc on choisit tout. On bosse avec les moyens du bord. Pour «Blizzard», c'était le summum du bricolage, maintenant on est plus rodé grâce aux scènes, on a absorbé les sonorités et on a acheté un peu plus de matos. Les prises de voix sont un peu plus longues que les intrus, parfois c'est trop brouillon, on refait pour être exacte dans les mots. On est des bricoleurs super-maniaques!

Vous faites de la chanson à message. Vous vous sentez plutôt NTM ou Noir Désir?

Impossible de choisir! Ils ont beaucoup en commun. Chez Noir Désir, on prend la qualité du vocabulaire. Chez Cantat il y a des trucs déments (ndlr: il récite par cœur les paroles de «Bouquet de nerfs»), c'est Vian, c'est Ferré, c'est Aragon. Et les guitares aussi. Chez NTM c'est cette sauvagerie sans filtre qu'on aime. Le côté instinctif et intelligent des mecs, comme eux, on ne s'impose pas de censure.

Par rapport à votre image au mystère, vous avez dit être victimes du «syndrome du lapin pris dans les phares». Ça veut dire quoi?

Que l'on n'est pas obligé de savoir qui nous sommes, parce qu'au final ce n'est pas ça l'important. Ce choix de l'anonymat c'est parce qu'on partage tous ce peu d'aisance à être mis en avant. On n'a pas envie de se faire chier avec des trucs d'image.

Même si vous êtes ultraprésent sur les réseaux sociaux et avez une appli?

C'est vrai qu'il y a du monde, mais ce truc nous dépasse. C'est irréaliste, l'autre jour un pote nous dit «ne m'en voulez pas, j'ai dit que je vous connaissais pour séduire une fille», ça, ça nous fait marrer. Mais faut pas non plus mettre trop d'importance là où il n'y en a pas, FAUVE, ce n'est pas non plus Stromae.

Beaucoup de médias qui vous encensaient, vous flinguent aujourd'hui. Avec vous, c'est soit amour, soit haine?

Ce n'est pas seulement dû à FAUVE. C'est sûrement ce truc du «c'était mieux avant quand ce n'était pas connu». Même si on est polarisant, on n'a pas tellement cette impression. La voie d'entre deux ne se manifeste pas: quand tu t'en fous, tu ne le dis pas.

Vous trouvez ça injuste?

Non, mais comme on a eu du succès très vite, certains pensent qu'on n'est pas légitimes. C'est le retour de bâton de l'emballement qu'on a suscité au début. Avant même notre premier EP on nous encensait, les concerts étaient sold-out. Même pour nous c'était trop. Mais on arrive à comprendre qu'il peut y avoir un truc agaçant dans notre musique. Y compris pour nous c'est dur de réécouter certains titres, comme «Les nuits fauves». On s'agace parfois!

Quand on pense à votre concept, on vous imagine bien aux manettes d'un film. Vous prévoyez quelque chose?

On en parle. Pas forcément de faire un gros film, mais de participer à des BO, à des projets. On a eu des propositions, mais ça n'a pas pu se faire par manque de temps. On a bien un court-métrage dans les cartons… On voulait le sortir avec l'album, le timing était trop serré. Il est écrit on s'en occupera bientôt, c'est un gros chantier.

FAUVE ≠ SAINTE ANNE Un morceau sans concession.

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