MédecineOn vit très bien avec un bout de poumon en moins
Le pape François s'est fait retirer un lobe pulmonaire dans sa jeunesse.
- par
- Elodie Lavigne. En collaboration avec www.planetesante.ch
En Suisse, environ neuf cents personnes subissent chaque année une intervention chirurgicale du thorax, à l'image du pape François, à qui on a enlevé un lobe de poumon à la fin des années 50. Qu'est-ce qu'un lobe pulmonaire? «Nos poumons sont formés de plusieurs lobes: deux pour le poumon gauche et trois pour le droit, chacun étant séparé par des «feuillets de viscères». Ces entités, pareilles à des soufflets qui communiquent entre eux, ont leurs propres voies aériennes, leurs artères et leurs veines», explique le professeur Laurent Nicod, médecin-chef à l'Unité de pneumologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Quelle est leur fonction? «C'est le lieu même où se font les échanges gazeux, c'est-à-dire où l'air entre en contact avec le sang et lui permet de s'oxygéner et d'éliminer son gaz carbonique», répond Pierre-Olivier Bridevaux, médecin adjoint agrégé au Service de Pneumologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Causes multiples
Environ une intervention chirurgicale sur dix fait suite à un traumatisme (déchirure du poumon causée par un accident de la route, une blessure par balle ou par arme blanche), à une infection (la tuberculose se traitait souvent par une lobectomie avant l'avènement des antituberculeux), voire à une malformation congénitale. «On a affaire alors le plus souvent à des patients jeunes chez qui l'ablation d'un poumon n'entraîne pas de conséquences fonctionnelles importantes», précise le Dr Pierre-Olivier Bridevaux.
Les neuf autres entrent dans le cadre d'un traitement contre le cancer du poumon. Sur quatre personnes cancéreuses, une seule subira une opération visant à enlever la partie infectée du poumon, car une ablation totale ou partielle d'un poumon n'est possible qu'en cas de cancer précoce, quand l'état général du patient le permet. Quand elle est possible, cette option thérapeutique représente une vraie chance de guérison. Les possibilités de récupération dépendront ensuite de la fonction du poumon restant – l'opération est risquée voire impossible si celle-ci est inférieure à 40%. Dans les cas de cancer avancé ou quand le patient est trop affaibli par d'autres maladies, la chirurgie n'est pas recommandée et d'autres traitements tels qu'une chimiothérapie et/ou une radiothérapie sont envisagés. Malheureusement, le pronostic vital sera alors bien moins bon.
Ablation de tout ou partie du poumon
On distingue deux grands types de chirurgie thoracique: la lobectomie (ablation d'un lobe de poumon) et, plus rare, la pneumonectomie (ablation d'un poumon entier). La lobectomie se pratique de plus en plus par thoracoscopie, une technique chirurgicale très peu invasive qui consiste à ouvrir le thorax au moyen de trois petites ouvertures entre les côtes. La pneumonectomie nécessite le plus souvent une ouverture d'une dizaine de centimètres.
Cette intervention, appelée thoracotomie, est nettement plus lourde et risquée que la lobectomie. Le chirurgien enlève le poumon droit ou gauche après avoir ligaturé l'artère, les veines et la bronche correspondantes. Selon les spécialistes, les résultats de ces opérations se sont améliorés ces dernières années, en raison notamment des progrès en anesthésie qui permettent d'épargner le poumon sain. Néanmoins ces interventions sont à haut risque: le taux de mortalité s'élève en Suisse à environ 2% pour la lobectomie et de 5 à 10% pour la pneumonectomie. «Dans notre pays, précise Pierre-Olivier Bridevaux, ce taux est plus faible qu'ailleurs. On travaille souvent en équipe. Chirurgiens, pneumologues, anesthésistes effectuent un bilan extensif avant l'opération, qui permet de mieux prévenir les complications durant et après le passage au bloc opératoire.»
La vie après l'opération
Si la lobectomie du pape n'a que peu agité la planète, c'est que les conséquences sur la qualité de vie et les capacités respiratoires sont relativement minimes. En tout cas si la santé du patient avant l'intervention est bonne, comme le confirme le spécialiste genevois: «Le patient ne va rien ressentir de particulier. Après trois mois environ, il pourra travailler normalement, faire du sport, sans être gêné dans des efforts courants.» L'ablation d'un lobe n'enlève en effet que 15 à 20% des capacités respiratoires totales.
Les conséquences d'une pneumonectomie sont en revanche plus lourdes, car l'absence d'un poumon entier amoindrit les possibilités d'échanges gazeux. Certains patients éprouvent des difficultés à l'effort, par exemple pour monter des escaliers ou une rue escarpée. Les spécialistes estiment toutefois qu'un seul poumon permet de conserver 60% de ses capacités respiratoires. L'organe, doté d'une très grande faculté d'adaptation, peut en effet augmenter son volume: «Le poumon restant occupe l'espace laissé par celui qui manque», explique le professeur Nicod. Mais en matière de récupération, tout dépend encore une fois d'une part de la santé initiale du patient et, d'autre part, de la cause de l'intervention.