Publié

MusiqueOrelsan: «Il y a des mamans qui m'écoutent»

Le rappeur, dont l'album «La fête est finie» cartonne, passe par l'Arena de Genève ce vendredi. Rencontre.

par
Caroline Piccinin
«Avec Gringe, on a fait un film et deux albums en commun. Ça faisait 4 ans qu'on était tout le temps ensemble, alors on s'est dit qu'on allait faire nos albums solos» Orelsan, artiste

«Avec Gringe, on a fait un film et deux albums en commun. Ça faisait 4 ans qu'on était tout le temps ensemble, alors on s'est dit qu'on allait faire nos albums solos» Orelsan, artiste

Maxime Schmid

C'était encore l'automne 2017 quand nous avons rencontré Orelsan à Lausanne. «La fête est finie» venait de sortir et nous nous étions tranquillement posés sur un canapé pour parler avec lui de cette nouvelle aventure alors qu'il rentrait d'Ukraine, où il avait tourné les deux clips de «Basique» et de «Tout va bien». Depuis, la fête s'est prolongée puisque avec ce troisième album solo, le rappeur d'Alençon a fait exploser les scores. Triple disque de platine, des critiques unanimes de la presse et du public et une tournée qui cartonne et qui passera par Genève vendredi soir.

Des clips et des clins d'œil

Encore habité par l'Ukraine, Orelsan explique: «On a tourné «Tout va bien» à Kiev. La chanson raconte l'histoire d'un gars qui ment à un enfant et on finit par se demander s'il se ment aussi à lui-même, s'il y croit. C'est une allusion à tout ce qui se passe généralement sur le Net et les médias. Le fait que tout est un peu brouillé, qu'on ne vérifie plus rien», raconte Orelsan alors qu'on lui glisse avoir remarqué que le petit garçon – qui parle en ukrainien à la fin du clip – ne dit pas «tout va bien» comme sous-titré, mais «ne croyez pas tout ce qui est écrit». Pour la suite, il ne sait pas quel titre sera mis en images. «On ne sait pas encore ce que l'on va clipper, ça dépendra des moments, du temps et des idées. Si ça ne tenait qu'à moi, je clipperai tout l'album!» confesse-t-il, toujours soucieux du bien-fondé des idées. «J'aimerais bien faire «Défaite de famille», mais il faudrait vraiment trouver un bon concept, parce que la chanson est tellement explicite d'elle-même que si c'est juste pour mettre en scène le texte je pense que ça perdrait en intensité.»

Le paradis paparazzé

L'intensité, nous, on l'a ressentie en écoutant «Paradis», ce que l'on pourrait qualifier de première chanson d'amour du rappeur. Et à l'heure où l'on s'entretenait avec lui, il venait de faire la une de Voici, photographié avec sa copine. «C'est trop bizarre, j'ai toujours fait en sorte de préserver ma vie privée. Là, ils nous ont pris en photo un dimanche matin et ont fait des recherches sur ma copine pour trouver son nom.» Il marque un silence et reprend: «Quand on a découvert ça, on a hurlé «quoi?» mais après je me console en me disant que ça aurait pu être plus bizarre. Ça ne me fait pas plaisir, mais c'est comme ça.» Quant au moment où il a fait écouter «Paradis» à sa douce, il confie: «On passait une soirée cool tous les deux, et je me suis dit, «allez, je me lance» et je lui ai fait écouter. Elle était contente, ça m'a fait plaisir. Parce que imagine si elle avait été mal à l'aise, ça aurait été gênant. (Rires.)»

Des moments gênants, il en a connu dans sa carrière, comme en 2009 avec la polémique qu'avait suscitée son titre «Salue pute», défini par certains comme misogyne. Avec «Bonne meuf» sur cet album certains voient une manière de tourner définitivement cette page, Orelsan nuance: «Franchement, il y a beaucoup de gens qui l'analysent, mais je l'ai écrite de manière assez spontanée. Comme on me demande depuis longtemps ce que ça fait d'être connu, je réponds souvent en blaguant: «C'est comme être une bonne meuf!» Dans cette chanson en gros, je joue un peu le rôle de l'arroseur arrosé. C'est à la fois marrant et à la fois vrai, mais ce n'est pas une thèse.» Une écriture toutefois souvent très réfléchie chez lui comme on le constate sur cet album. «Oui, un titre comme «Note pour trop tard» j'ai mis un an à l'écrire et à le peaufiner. Mais j'ai une part de spontané aussi, comme pour «Christophe», que j'ai écrit en une après-midi.»

Une nouvelle audience

Passer de «Note pour plus tard» à «Christophe», c'est un peu faire le grand saut et c'est là, tout particulièrement, qu'Orelsan est doué. Si doué, qu'avec ce disque son public n'a pas changé mais muté. Il raconte: «Je crois que j'ai ajouté beaucoup de monde sur ce coup! Depuis cet album, c'est la première fois qu'il y a des gens d'une soixantaine d'années, des mamans vraiment tout ce qu'il y a de plus mamans, qui me disent qu'ils écoutent mes chansons! Alors qu'avant, ça parlait plus aux gens de mon âge, ou à ceux qui écoutaient du rap.» Du rap comme celui des Casseurs Flowters, groupe qu'il partage avec Gringe qui sortira également bientôt un disque. Complice, il nous explique: «Avec lui, on a fait le film «Comment c'est loin» et deux albums en commun. Ça faisait 4 ans qu'on était tout le temps ensemble, alors on s'est dit qu'on allait faire nos albums solos.»

À propos de ce retour, 6 ans après «Le chant des sirènes», il admet avoir eu une hantise: trouver ce qu'écoutent les 15-16 ans aujourd'hui. «Je me demandais si cet album allait leur plaire. D'ailleurs, ça me ferait chier qu'eux ne m'écoutent plus, parce qu'à cet âge-là la musique c'est tellement important. Moi, je suis trop content de les avoir dans mon public, je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui disent que j'ai un public de gamins. J'aime qu'ils soient là aussi parce que quand j'avais leur âge et que j'allais à des concerts, c'était des moments hallucinants pour moi.»

Une scénographie de «ouf»

Avec son audience, tout comme sur cet album, Orelsan est dans l'équilibre. Tour à tour, on peut passer d'un morceau introspectif à un «basique» qui aligne les punchlines sur un beat endiablé. Pour cette tournée, «l'ordre des chansons se déroulera par rapport à une histoire, à un propos. Un titre comme «Tout va bien», qui n'est pas du kickage pur, se retrouvera entre «défaite de famille» et un titre qui monte en intensité. J'aime beaucoup faire mes setlists, réarranger mes morceaux pour la scène. D'ailleurs, j'ai une scénographie de ouf sur cette tournée», promet un Orelsan hyperenthousiaste. Tout va bien, pour Aurélien, la fête ne fait que débuter.

Ton opinion