AlimentationPas touche à mon cervelas!
Malmenée par une enquête de la Télévision alémanique, la saucisse préférée des Suisses se porte comme un charme.
- par
- Benjamin Pillard et Vicky Huguelet

Un taux anormalement élevé de bactéries a été détecté dans près d'un cervelas sur deux. Pas de quoi dégoûter les Suisses des grillades.
La catastrophe annoncée n'a pas eu lieu. Mercredi, pourtant, l'heure était grave: les médias de tout le pays relayaient les résultats d'un test de qualité diffusé la veille dans l'émission de télévision «Kassensturz» (le pendant alémanique d'«A bon entendeur»): près de la moitié des 36 cervelas analysés contenaient trop de germes. Une quantité 20 à 40?fois supérieure à la limite légale (jusqu'à 140?fois plus élevée pour l'un d'entre eux!); et même des bactéries d'origine fécale!
Qu'à cela ne tienne, les ventes de cervelas n'ont pas diminué. Bien au contraire: elles ont littéralement explosé! +40% chez Manor (d'où provenait pourtant le fameux spécimen garni de matières fécales), +22% chez Migros… «Nous sommes heureux de constater que nos clients continuent à nous faire confiance», se réjouit Elle Steinbrecher, cheffe des relations publiques chez Manor. Du côté de Coop, sur les 800 appels que reçoit quotidiennement le service clientèle du géant orange, seuls 14 consommateurs ont fait part de leur «mauvaise humeur» ou «inquiétude». «Ce chiffre relativement bas montre bien que nous n'avons pas subi de véritable perte de confiance de la part de nos clients», analyse Denise Stadler, responsable médias.
«Un produit unique»
Il faut dire que le président de l'Association suisse des chimistes cantonaux est très vite monté au front pour rassurer les consommateurs: ce taux anormalement élevé de germes ne représente aucun danger pour la santé. L'Office fédéral de la santé publique n'a d'ailleurs enregistré aucun cas d'intoxication dû à un cervelas contaminé.
Mais comment expliquer que les gens sont allés jusqu'à augmenter leur consommation? «On l'aime tellement, notre cervelas…» lance spontanément Marcel Portmann, de Pro Viande, l'interprofession suisse des produits carnés qui a offert 55?000 saucisses ornées d'un ruban le jour du 1er Août. «C'est un produit unique, important pour la Suisse, qui a une histoire.» Une histoire jalonnée de crises, comme à Bâle en 1890, lorsque la corporation des bouchers a dû renoncer à augmenter de 30% le prix du cervelas face aux menaces de boycott. Ou, plus récemment, en 2008, lorsqu'une «Task Force Cervelas» (délégation réunissant hauts fonctionnaires et producteurs de viande) a été créée pour négocier avec l'Union européenne, qui interdit l'importation de boyaux de bovins brésiliens. Cette même année, la sacro-sainte saucisse a été inscrite au Patrimoine culinaire suisse. Ceci pourrait bien expliquer cela…