InterviewPatrick Bruel: «Mes enfants me disent que je suis devenu un grand cuisinier»
Après avoir attrapé la Covid et s’être blessé à un genou, le chanteur annonce une nouvelle plus joyeuse avec la sortie d’un album et DVD live «Ce soir… Ensemble». Il nous parle de sa tournée aux moyens gigantesques, mais aussi de ses douze derniers mois parfois compliqués.

- par
- Fabio Dell'Anna

Patrick Bruel sera en concert le 20 mai 2021 à l’Arena de Genève.
En raison de la crise sanitaire, les dernières dates de la tournée de Patrick Bruel ont été reportées au printemps 2021. Mais le chanteur ne souhaitait pas laisser son public sans musique. Il revient avec un CD/DVD de son concert à La Paris La Défense Arena donné en décembre 2019 afin de permettre de (re)vivre plus de 2 h 30 de spectacle avec quelques duos surprises et de découvrir les coulisses du spectacle
«Il s’agit de la tournée où l’on a vu les choses en grand et elle est dédiée à mon public. Cela me paraissait normal de leur offrir ce cadeau», nous confie-t-il. Le chanteur de 61 ans revient également sur cette période inhabituelle que l’on traverse et affirme «garder espoir pour l’année qui vient». «Vivement que l’on puisse se prendre à nouveau dans les bras», se réjouit-il.
L’année 2020 a été difficile pour tout le monde, mais pour vous les complications ont commencé déjà en janvier lorsque vous êtes tombé de scène lors des répétitions du concert des Enfoirés. Aujourd’hui, comment ça va?
Dès le 15 janvier, j’ai compris que ça n’allait pas être simple. (Rires.) Mais je suis toujours de nature à positiver. Je suis tombé de 1,60 m de haut en arrière et sur le dos. Logiquement, soit je ne devrais pas être là pour vous parler soit je devrais être dans un état tragique.
Qu’est-ce qui s’est passé?
Je parlais, j’étais avec le téléphone. À un moment je recule sans savoir pourquoi et je tombe. C’est mon genou qui a pris lors de la chute. J’ai encore mal. Je me suis fait opérer il y a deux mois et j’ai eu rendez-vous la semaine passée chez mon chirurgien, car j’ai toujours des douleurs.
Puis, en mars, vous avez attrapé la Covid-19.
Exact. Je l’ai attrapée quand c’était à la mode. (Rires.) Je ne fais jamais les choses à moitié. C’était une période très particulière, car on s’est tous retrouvés devant une situation inédite. Il a fallu s’adapter et trouver une nouvelle façon d’aborder son quotidien. Nous sommes revenus à des valeurs essentielles.
C’est-à-dire?
Nous nous sommes remis à faire la cuisine, à faire le ménage… Je suis resté six semaines tout seul chez moi. C’est long. Un moment donné, je me suis dit qu’il fallait quand même garder le lien avec l’extérieur. Je me suis alors mis à faire des spectacles sur les réseaux sociaux. Je suis assez fier de cette idée, car je ne me suis pas rendu compte de l’impact de ces directs. Je pensais que cela aurait un petit effet. Au bout d’un mois et demi, on m’a annoncé que 19 millions de personnes m’ont suivi. Dans la rue, tout le monde m’en a parlé. Cela marche encore mieux qu’un prime sur TF1. J’ai réalisé à quel point les réseaux sociaux sont parfaits pour communiquer. De manière générale, cette année a été une période particulière mais très enrichissante.
Avez-vous vécu de la même façon ces deux confinements?
Non pas du tout. Le premier avait quelque chose de nouveau et d’exotique. Il a fait très beau, ce qui est un facteur important. J’étais malade aussi, donc j’étais coincé chez moi. J’ai beaucoup lu, j’ai beaucoup réfléchi, je me suis beaucoup remis en question, j’ai écrit, j’ai travaillé, j’ai fait des live sur les réseaux sociaux… Je suis devenu un grand cuisinier! (Rires.) Ce sont mes enfants qui le disent. Ils ont remarqué un avant et un après, donc tant mieux.
Et le deuxième confinement?
Il est très différent. Il ne tombait pas du tout bien. On se dit qu’on aurait peut-être pu l’éviter. C’est dommage d’avoir lâché les chiens comme ça à partir du mois de juin. Mais je faisais aussi partie de ces gens qui sont sortis de chez eux et qui étaient contents de retrouver des amis. Aujourd’hui, il faut que ça nous serve de leçon. C’est-à-dire que pendant les quinze jours qui viennent, voire durant le mois, faisons tout pour qu’il n’y ait pas un troisième confinement au printemps. Ce serait une tragédie. Tout le monde essaie de gérer la situation comme il le peut, mais c’est vrai que, le 6 mai, j’aimerais être à Clermont-Ferrand (F) pour recommencer cette tournée.
Vous devez d’ailleurs venir à l’Arena de Genève le 20 mai 2021.
Oui! Cela fait un moment que je ne suis pas venu chanter en Suisse. J’espérais revenir en juin, puis en septembre et là… (Il fait une pause) J’espère que ce sera la bonne. La Suisse m’a toujours beaucoup fêté. J’aimerais bien que l’on remette ça.
Vous avez sorti le 4 décembre votre album et DVD live intitulé «Ce soir… Ensemble». Avez-vous hésité à montrer un projet qui rappelle notre vie avant la pandémie?
C’est un live qui est dans toute la logique de ce qui s’est passé. Je l’ai fait enregistrer, on l’a capté, je l’ai monté et j’ai vécu avec ce projet quelques mois. Je me disais: «P***, j’ai l’impression que c’était hyper loin ce moment où l’on se prenait dans les bras, on sautait en l’air et on était 10 000 dans une salle.» En l’occurrence, là on était 30 000 car c’était La Paris La Défense Arena. Finalement, je me suis dit que ce n’était pas si mal de sortir le coffret maintenant. En attendant de retourner sur les routes et de se retrouver, c’est un bon moment que l’on peut partager à distance. Ce n’est pas un show comme les autres, il parle avant tout de ma relation avec le public et c’est quelque chose d’unique.
«Durant le confinement, je me suis aperçu à quel point c’est un bonheur d’être tout seul face à la technologie»
Dès les premières images, on remarque tout de suite la scénographie incroyable. Est-ce qu’il s’agit du show où vous avez mis le plus de moyens?
Tout à fait. Avec une volonté farouche de faire un spectacle d’envergure. La tournée précédente m’avait emmené dans des lieux incroyables et je me suis aperçu que ma scénographie, qui était déjà pas mal, n’était pas forcément adaptée. Quand on se retrouve devant 100 000 personnes au Festival de Québec ou 60 000 personnes aux Vieilles Charrues, tu te dois d’avoir une scénographie digne des plus grands spectacles anglo-saxons. Et ce show va un peu sur le terrain de Muse, de U2 ou de Coldplay. Quand je voyais ces groupes jouer, je me souviens m’être dit: «Ah ce que j’aimerais bien faire ça un jour.» Je ne savais pas que c’était possible. On s’est donné les moyens et je suis heureux du résultat. D’autant plus que, malgré l’ampleur du concert, on a réussi à préserver une intimité avec les gens. C’est ce qui me plaît le plus.
En parlant d’intimité, si le gouvernement vous permet de reprendre les routes et de jouer devant 1000 personnes maximum. Vous accepteriez?
C’était prévu avant même que la pandémie ne s’installe. Avant même de commencer cette grosse tournée, je savais que je voulais faire une série de concerts en acoustique. L’idée s’est confirmée lors des live Instagram en avril dernier. Je me suis aperçu à quel point c’est un bonheur d’être tout seul face à la technologie. Je confirme qu’il y a quelque chose de plus intime qui va arriver. On va voir si je pars seul ou à deux. Je pense plutôt à deux, car je n’ai pas forcément envie de me retrouver abandonné après les shows. (Rires.)
Vous avez sorti la semaine passée le titre «Le Fil» remixé pour l’occasion par Yuksek. Comment est venue l’idée de faire appel à un artiste electro?
Je pensais que ce serait marrant de tenter une piste un peu pop electro. J’ai écouté le travail de Yuksek et j’ai trouvé qu’il arrivait à mettre de l’émotion dans quelque chose de très technologique. Je l’ai appelé, je lui ai fait écouter la chanson et il m’a proposé cette version qui est juste magnifique.
Vous aimez vous aventurer vers l’inconnu et collaborer avec de jeunes artistes, n’est-ce pas? On le voit d’ailleurs dans votre DVD lorsque vous partagez la scène avec Vianney, Slimane, Boulevard des airs ou encore Erza Muqoli.
Totalement. J’ai aussi fait un duo avec La Fouine il y a quelques années et sur mon dernier album j’ai collaboré avec Skalpovich, un artiste qui vient de l’univers urbain. J’ai bossé à Los Angeles avec des gars qui sont dans le milieu hip-hop. C’est une musique qui me touche et qui me transporte. Je peux me balader allègrement de Mozart à Soolking. J’aime toute forme musicale, si elle est adaptée aux propos. Toutes mes tentatives, aussi audacieuses soient-elles, restent très cohérentes.
Pour finir cette interview sur une touche positive, quel a été le moment le plus heureux que vous ayez vécu en 2020?
(Il sourit et réfléchit.) Certainement celui de retrouver mes enfants après six semaines de confinement. Sinon sur le plan professionnel, ce sont les live du premier confinement. Ha non! Je vais vous dire quel a été exactement le meilleur moment. J’étais en train de terminer un live et mes enfants venaient d’arriver à Paris. Ils m’attendaient en bas de l’escalier quand je venais d’appuyer sur le bouton «terminer». C’était fort!