enquêtePerquisition au domicile d'un journaliste du «Matin»
Dans le cadre de l'affaire de plagiat de l'Université de Neuchâtel, la police a perquisitionné tôt ce matin le domicile conjugal de l'enquêteur Ludovic Rocchi, journaliste au «Matin» et prix Dumur 2010.
- par
- Le Matin

Le journaliste du «Matin» Ludovic Rocchi a dû remettre son ordinateur à la police tessinoise sur mandat neuchâtelois. Le portable a été placé sous scellés.
Muni d'un mandat de perquisition, le procureur Nicolas Aubert, accompagné de quatre inspecteurs et d'un expert informatique, ont fouillé l'intégralité du domicile conjugal de l'enquêteur du «Matin» Ludovic Rocchi.
Ils ont saisi du matériel informatique et des notes appartenant non seulement au journaliste mais également à son épouse qui était seule présente au moment des faits.
La justice neuchâteloise a fait ensuite appel, dans la matinée, à ses homologues tessinois pour saisir l'ordinateur professionnel de Ludovic Rocchi, en reportage au festival du film de Locarno.
Le procureur neuchâtelois est intervenu sur plainte du directeur de l'institut de l'entreprise de la faculté des sciences économiques de l'Université de Neuchâtel. Ce professeur est impliqué dans une série d'affaires qui minent l'institution depuis maintenant une année, dont plusieurs ont été révélées par «Le Matin». Une plainte pour diffamation, calomnie et violation du secret de fonction a été déposée contre Ludovic Rocchi, notamment. Selon plusieurs experts en droit des média suisses, une perquisition au domicile privé d'un journaliste est exceptionnelle et même une première pour la Suisse.
«Le Matin» est choqué par la façon de procéder de la justice neuchâteloise. « Je ne comprends pas pourquoi la justice n'a pas suivi le cours habituel qui prévaut dans ce genre d'affaire», déclare Sandra Jean, rédactrice en chef du quotidien romand. «Comment se fait-il qu'un journaliste et sa famille se retrouvent pareillement traités? Ludovic Rocchi a enquêté avec sérieux et preuves à l'appui. L'action de la justice semble démontrer qu'elle est prête à tout pour mettre la main sur les sources de notre enquêteur, quitte à déployer des moyens disproportionnés, comme l'intrusion au domicile privé de notre collègue et l'interrogatoire de son épouse. Nous sommes face à une grave entrave à la liberté de la presse.»
Soutien syndical
Le syndicat des journalistes impressum dénonce lui aussi «ces procédés disproportionnés qui constituent une violation de la protection des sources des journalistes, ainsi qu'une violation crasse de la liberté de presse».
Pierre angulaire de la liberté des médias, comme l'a rappelé la Cour européenne des droits de l'homme, le secret rédactionnel ne saurait être mis à mal, en particulier dans une affaire où la prétendue infraction n'est pas une infraction grave, renchérit l'avocat d'impressum en Suisse romande, Me Alexandre Curchod. Cité dans le communiqué du syndicat, ce dernier est chargé de cours en droit des médias à l'université.
Protestation de RSF contre les méthodes de la justice neuchâteloise
De son côté, Reporter sans frontières a aussi réagi via un communiqué de presse: «Reporters sans frontières s'insurge contre la façon de procéder de la justice neuchâteloise dans l'affaire qui oppose Ludovic Rocchi, journaliste au Matin, au professeur Sam Blili, directeur de l'Institut de l'entreprise de la faculté des sciences économiques de l'Université de Neuchâtel, qui a déposé plainte pour diffamation, calomnie et violation du secret de fonction contre l'enquêteur du Matin.
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