MotocyclismePeur sur la piste
Chaque année, le circuit de Phillip Island offre un spectacle dantesque. Ce ne fut pas différent ce week-end. Même si on a eu très, très peur pour Johann Zarco.
- par
- Jean-Claude Schertenleib

C'est un vieux de la vieille, présent sur les GP depuis plus de vingt ans. Sa petite phrase exprime le sentiment de beaucoup: «Chaque année, je suis content de quitter Phillip Island sans avoir à écrire un hommage à un pilote disparu...» Il n'y a pas de vie sans danger, les pilotes le savent, mais quand on voit l'expression d'Andrea Iannone, premier témoin de la scène qui a fait peur à tout le monde – Johann Zarco est incapable d'éviter le contact avec l'arrière de la moto de Marc Marquez et il tombe à près de 300 km/h! -, on comprend un peu mieux ce que vivent ces héros: «Quand j'ai vu la moto de Johann dans les airs, j'ai freiné comme un damné, pour éviter tout contact, avec la moto en perdition ou avec son pilote, qui glissait sur le sol en rebondissant à plusieurs reprises. C'est un miracle que ni Zarco, ni Marquez – qui, lui, n'est pas tombé – ne se soient blessés.»
Un miracle oui, comme il y en a eus des dizaines ce dimanche, en Moto3 comme en Moto2, dans la classe d'Aegerter et de Raffin comme dans la catégorie reine. Parce que, sur ce circuit australien, l'aspiration – on se place le plus proche possible derrière un adversaire, pour qu'il nous protège de la résistance de l'air et du vent – tient un rôle clef. Dans ce sixième tour, Zarco était dans le sillage de la Ducati de Jack Miller et il a été lui-même surpris par le gain de vitesse ainsi obtenu; et quand Marquez s'est déplacé sur la gauche pour attaquer le premier virage du circuit, Johann a été incapable d'éviter le contact. Il s'est relevé, indemne.
TOM LÜTHI: S'IL N'EN RESTE QU'UN, CE SERA LUI...
Une nouvelle fois seizième – on distribue des points mondiaux jusqu'à la quinzième place -, Thomas Lüthi est désormais le dernier pilote titulaire de la classe MotoGP avec un compteur bloqué sur le chiffre 0. A Phillip Island, le Belge Xavier Siméon (Ducati) a terminé juste devant lui: «Que veut dire un point, dans une course où il y a eu plusieurs chutes? Pas grand-chose en vérité. La réalité? Il nous manque toujours de la vitesse de base. Mon début de course a été intéressant, j'avais un bon rythme, je suivais sans trop de problèmes Dani Pedrosa et Siméon, j'étais devant Nakagami (14e) et Redding (13e). Puis, ça s'est gâté. J'ai perdu tout le grip, je devais me battre pour rester sur mes roues. Mais je ne baisse pas les bras, je vais me battre, il me reste deux courses avant de mettre un terme au chapitre MotoGP et de commencer une nouvelle histoire.»
JESKO RAFFIN EN VOULAIT BEAUCOUP PLUS
Pilote remplaçant pour les dernières courses de la saison, le Zurichois Jesko Raffin a brillamment terminé huitième de ce GP d'Australie Moto2, sur un circuit où il avait réussi, il y a douze mois et alors qu'il venait d'apprendre qu'on le considérait «insuffisant pour poursuivre son aventure en GP», son plus grand exploit, une quatrième place.
Cette année? «Je suis très déçu. De tout le week-end, sur chaque tour, il me manquait entre 10 et 15 km/h de vitesse de pointe par rapport aux meilleurs. Et ça ne pardonne pas. Dans les premiers tours, je me suis retrouvé avec des adversaires qui étaient beaucoup plus lents que moi dans la plupart des secteurs, mais qui me reprenaient chaque fois sur la ligne droite. Ce n'est que lorsque j'ai pu émerger du groupe que j'ai pu montrer quel était mon vrai potentiel.» Et dans cette ultime phase de la course, Jesko était tout simplement le plus rapide de tous en piste: «Mais le peloton du podium ne m'a pas attendu», rage le Zurichois.
DOMINIQUE AEGERTER: LA PREUVE PAR SIX!
C'est bien d'être persuadé d'être toujours au top, c'est encore mieux quand on le confirme par un résultat. C'est fait, pour Dominique Aegerter, sixième à Phillip Island et dont le sourire était beau à voir après la course, parce que «Domi» a éprouvé beaucoup de plaisir en Australie. Et qu'il en a offert à son équipe: «Pour nous tous, dans l'époque que nous traversons – gros doutes sur le futur -, cette performance va faire du bien. Même si je ne suis pas certain que cela va changer beaucoup de chose à ma situation. J'ai des propositions, mais il faut que j'amène de l'argent, beaucoup d'argent. Et les sponsors ne se bousculent pas, j'en ai même perdu un, qui avait fait un effort particulier cette année et qui ne peut pas poursuivre.»
Pourtant, la preuve est faite, par cette sixième place, qu'Aegerter a toujours sa place parmi les meilleurs: «Oui, je suis content de m'être montré ce week-end. Malheureusement, moi et ma moto, nous n'étions pas assez forts dans les freinages pour jouer le podium jusqu'à la fin.»