Interview indiscrètePierre Richard: «Enfant, j'étais sage, lunaire et étourdi!»
Le comédien était ce week-end en Suisse à l'occasion des 30 ans de la Nuit des Neiges pour soutenir Cerebral Valais qui aide les enfants handicapés.
- par
- Didier Dana

Il est occupé à répéter «La maison d'os», pièce de Roland Dubillard qu'il va jouer à Paris au Théâtre du Rond-Point en mars prochain. Pierre Richard, «Le grand blond avec une chaussure noire», 79 ans, vif, généreux et drôle, vient ce soir en Suisse, à Crans-Montana, soutenir la Fondation Nuit des Neiges qui fête ses 30 ans et œuvre, cette année, au profit de l'association Cérébral Valais et de la fondation Sport For Life. Nuit des Neiges a déjà aidé 70 associations suisses et étrangères pour un total de 3,5 millions de francs.
Pourquoi vous engagez-vous pour Cerebral Valais?
Quand on a la chance d'être en bonne santé et de faire ce que l'on aime, on peut, de temps en temps, s'occuper des plus défavorisés.
Comment avez-vous connu l'association qui fête ses 50 ans?
Par un ami Suisse, Jacques-Manu Quéry. J'espère que nous allons récolter beaucoup d'argent ce soir afin d'aider les enfants handicapés à s'insérer dans la société et leur apporter un peu de joie. Qu'ils ne soient pas exclus du monde à cause de leur infirmité.
Pierre Richard, qui êtes-vous?
(Rires.) Je suis un homme heureux!
Quel est votre tout premier souvenir?
Le jour où j'ai vu mon premier Allemand au début de la guerre. J'étais tout seul sur une route dans un petit village. J'avais 5 ans. Un jour, l'un d'eux m'a offert une tablette de chocolat. Ma mère la prise et m'a flanqué une baffe. Elle m'a reproché ma première collaboration en fait! ( Rires.)
Étiez-vous un enfant sage?
Sage, lunaire et étourdi. Je pouvais provoquer des catastrophes dont je me suis servi plus tard au cinéma.
De quoi aviez-vous peur?
De ma mère! Elle était sévère. J'en garde un souvenir un peu effrayé.
Enfant, quel fut votre plus grand choc?
Un après-midi d'école buissonnière, j'ai vu un immense acteur au cinéma: Danny Kaye. Je suis sorti en me disant: «Ça y est, je sais ce que je vais faire: acteur!» J'avais 17 ans. J'ai eu le coup de foudre pour ce type qui était grand, blond, drôle, savait chanter et danser. Si vous m'aviez demandé avant de rentrer dans la salle, ce que je voulais devenir, j'aurais été bien incapable de répondre.
Votre mère vous disait-elle «je t'aime»?
Ce n'était pas dans sa nature. Elle a commencé à me couver vers 22 ans. Presque trop. Comme pour se rattraper.
Comment avez-vous gagné votre premier argent?
En jouant aux billes au lycée. C'était un commerce pendant la guerre. Si on était habile on gagnait des bonbons ou 1 franc.
Que vouliez-vous devenir?
Rien! Je n'avais aucune passion avant la révélation Danny Kaye.
L'amour pour la première fois. C'était quand et avec qui?
J'avais 14 ans. C'était une grande blonde qui avait des cheveux longs qui descendaient jusqu'au bas des fesses. Je trouvais ça sublimement beau. Après, j'ai été fasciné par Marina Vlady. Un pur fantasme! (Rires.) Je ne l'ai pas connue.
C'est quoi, le vrai bonheur?
C'est une question d'équilibre entre ce que l'on désire et ce que l'on a. Il faut désirer ce qu'on peut afin d'atteindre une certaine sérénité.
Vous avez dit un jour, «je lutte contre un bonheur accablant»!
C'est joli ça, c'est de moi? J'ai changé un peu: le bonheur ne m'accable plus…
La plus belle de vos qualités?
Demandez à mes amis.
Votre plus grand regret?
J'en ai un: je devais faire un film avec Louis de Funès et j'ai dit non au dernier moment. Un an après, j'ai dit m… J'ai raté ça et c'est dommage. C'était «L'aile ou la cuisse» qui avait été écrit pour lui et moi. Et c'est Coluche qui en a hérité. Je n'aimais pas le rôle et depuis je le regrette, je n'ai plus eu l'occasion de tourner avec de Funès qui m'aimait bien.
Avez-vous déjà volé?
Non, jamais. J'avais trop peur de me faire prendre. J'aurais eu honte à tout jamais.
Avez-vous déjà tué?
A la chasse avec mon père. Jamais plus je ne pourrais tuer un animal. Le peu que je voyais mon père, c'était à la chasse. Alors je m'y rendais. On chassait le canard sauvage. J'aimais plus les marais que le canard!
Si vous aviez le permis de tuer quelqu'un, qui serait-ce?
L'intolérance.
Avez-vous payé pour l'amour?
Vous voulez dire par là que je me suis fait payer? ( Rires.) Non, jamais!
Avec qui aimeriez-vous passer une soirée?
Avec Raimu. J'avais une passion pour cet acteur. Il faut dire qu'il ressemblait à mon grand-père qui était italien. Il avait, comme lui, des colères qui montaient jusqu'au plafond et s'arrêtaient net pour des élans de tendresse.
Qui trouvez-vous sexy?
Mireille Darc, la première fois que je l'ai vue, le dos nu jusqu'aux fesses! (ndlr: «Le grand blond avec une chaussure noire», 1972). On m'avait caché Mireille Darc et la robe! Yves Robert s'était débrouillé pour que je ne la voie pas. En ouvrant la porte la première fois, j'en ai eu la voix coupée.
Votre tout dernier baiser?
Pour la femme avec laquelle je vis.
Vos dernières larmes?
A la mort de «Zoulou», mon chat. J'étais effondré. Arrêtez de m'en parler, sinon je vais recommencer.
De quoi souffrez-vous?
De voir des enfants souffrir. C'est intolérable.
Avez-vous déjà frôlé la mort?
Ma première Vespa a fini sous un camion. J'ai fait un saut périlleux arrière. Tout le monde regardait sous le poids lourd alors que j'étais derrière. Les gens racontaient ce qui s'était passé. J'ai dit: «Non, c'était pas comme ça!» On m'a répondu: «Ecoutez, vous, vous n'avez rien vu!»
Croyez-vous en Dieu?
Parfois oui et parfois il m'énerve!
Quel est votre péché mignon?
La truffe, blanche ou noire sur des pâtes ou une omelette. J'en mets dans mes poches, comme ça ma veste sent les truffes dans la journée.
Trois objets culturels à emmener sur une île déserte?
«Capitaines des sables» de Jorge Amado, tout Charles Trenet et «Dersou Ouzala» de Kurosawa.
Combien gagnez-vous par an?
Je ne sais pas. Ma sœur me dit: «Attention, tu n'as plus d'argent!» C'est elle qui s'occupe de mes affaires.
Pensez-vous gagner assez par rapport au travail fourni?
Le problème n'est pas ce que je gagne, c'est ce que je donne à l'État!
Qui sont vos vrais amis?
Pas forcément des acteurs. J'en ai eu, comme Jean Carmet.
Que souhaitez-vous à vos pires ennemis?
Il m'a parfois frôlé l'idée qu'ils pourraient mourir, mais je me suis dit que personne ne le méritait. A commencer par moi, bien sûr.
Qui aimeriez-vous voir répondre à ce questionnaire?
Avec sincérité? La personne avec laquelle je vis! ( Rires.) J'en apprendrais peut-être un peu plus…