Publié

LOI SUR LE TRAVAILQue cache cette saucisse?

La saucisse à rôtir a marqué la campagne sur l'ouverture des shops qui se termine au coude-à-coude. Symbole de l'absurdité de la situation actuelle pour les uns, irrespect du personnel pour les autres.

par
Eric Felley
Christian Lüscher (PLR/GE) reconnaît que l'argument de la saucisse touche sans doute davantage les Alémaniques.

Christian Lüscher (PLR/GE) reconnaît que l'argument de la saucisse touche sans doute davantage les Alémaniques.

Laurent Crottet

Après une campagne placée sous le signe énigmatique d'une saucisse à rôtir, le sort de la modification de la loi sur le travail est plus que jamais indécis. Hier, à l'occasion de la première journée de la session d'automne des Chambres fédérales, partisans et adversaires ne se risquaient à aucun pronostic sur le vote du 22 septembre.

L'enjeu reste important, sur le plan symbolique en tout cas, car cette modification permettra la vente 24 heures sur 24 de toute la gamme des produits dans les magasins des stations-service sur les grands axes routiers. Aujourd'hui, seuls les produits préparés peuvent être vendus non-stop. C'est là qu'entre en scène la saucisse à rôtir, qui, puisqu'il faut encore la cuisiner, ne peut pas être vendue entre 1 h et 5 h du matin à cause de la loi sur le travail actuelle. D'où le slogan retenu par les partisans: «Légaliser les saucisses à rôtir». Pour les opposants, cette votation ne fera qu'ouvrir la porte à une libéralisation rampante des heures d'ouverture des commerces.

Absurdité

L'instigateur de cette modification est le vice-président du PLR, Christian Lüscher. Pour lui, l'affiche et sa saucisse révèlent «l'absurdité bureaucratique actuelle qui veut qu'on puisse vendre 24 heures sur 24 des cervelas prêts à être consommés, et pas une saucisse à rôtir». Pourquoi une saucisse? Parce qu'elle parle à «l'inconscient alémanique». Le Genevois regrette que, pour la Suisse romande, un aliment plus symbolique n'ait pas été choisi: «J'aurais bien vu une pomme, car elle aussi est interdite de vente entre 1 h et 5 h du matin.» Qu'importe, l'affiche a eu un effet positif: «Cela a amené les gens à se poser des questions et à comprendre les vrais enjeux.»

En face, la gauche et les syndicats ont créé un groupe d'opposition nommé l'Alliance pour le dimanche, qui combat l'extension des heures d'ouverture des magasins, dimanche compris. Pour la conseillère nationale Ada Marra (PS/VD), la saucisse trahit «le ton de la campagne: on se la joue rigolo, mais en réalité on change la loi sur le travail. C'est un manque de respect pour les employés. Je préfère parler de gens plutôt que de saucisses.» Même son de cloche chez son collègue syndicaliste Jean Christophe Schwaab (PS/VD): «C'est insultant pour le personnel. Moi, j'achète ma saucisse chez le boucher, qui a tout à perdre dans ce changement de loi. Et je n'ai pas besoin d'aller acheter un saucisson à 3 h du matin. Je crois que les gens ont compris que des produits ne peuvent pas être vendus tout le temps et que certains peuvent attendre le lendemain matin.» Partisane de la libéralisation, Céline Amaudruz (UDC/GE) regrette que «la gauche veuille faire croire que l'objet du débat est ailleurs, quand ce n'est qu'une adaptation logique. Bon, en Suisse romande, l'argument du cervelas à toute heure et pas la saucisse n'est peut-être pas très porteur. Il a fallu expliquer et réexpliquer. Il y aura peut-être un Röstigraben, aussi du fait que les cantons romands sont plus à gauche sur ces questions.»

A la mi-août, les sondages donnaient un court avantage au non. Mais hier, dans les deux camps, beaucoup s'attendaient à… une défaite. En espérant sans doute fêter la surprise d'une victoire autour d'un barbecue le 22 septembre.

Ton opinion