FootballQue deviennent les «Rougets» partis à l’étranger?
De Zeqiri à Lotomba en passant par Toma, Ndoye ou Rüegg, plusieurs jeunes internationaux suisses ont quitté leur cocon à l’intersaison. Tour d’horizon.
- par
- Brice Cheneval

Jordan Lotomba s’est immédiatement imposé à l’OGC Nice.
La formation suisse a le vent en poupe. Ces dernières années, elle a produit de nombreux talents, que les résultats récents des M21 n’ont fait que mettre en lumière. La bande à Mauro Lustrinelli s’est qualifiée pour le prochain Euro après avoir remporté neuf de ses dix matches en phase qualificative, dans un groupe où figurait la France. Dans cette catégorie, aucune autre équipe helvétique n’avait fait mieux, pas même la génération Shaqiri, finaliste de l’Euro Espoirs 2011.
Cette réussite a séduit au-delà de nos frontières. À l’intersaison, plusieurs jeunes internationaux suisses ont cédé aux sirènes de l’étranger. Et pas des moindres: Andi Zeqiri a signé à Brighton et rejoint la prestigieuse Premier League, Jordan Lotomba et Dan Ndoye ont filé du côté de Nice, Bastien Toma s’est envolé à Genk, en Belgique, tandis que Kevin Rüegg, Simon Sohm et Darian Males ont relevé un challenge en Italie, respectivement au Hellas Vérone, Parme et au Genoa.
Ces départs, pour des joueurs âgés de 19 à 22 ans et qui connaissent leur première expérience loin de leur cocon suisse, invitent forcément à se poser des questions. «S’ils partent, ça veut dire qu'ils se sont montrés à leur avantage et qu’ils se sont fait remarquer, donc la première réaction est positive, confie Mauro Lustrinelli. Mais la grande interrogation, c’est: est-ce qu’ils vont jouer? Chaque cas est différent. Certains doivent partir car ils ont déjà tout vu en Suisse et d’autres prennent un risque plus important.»
Les sept «Rougets» cités plus haut n’ont pas tous connu le même sort lors de leurs premiers mois.
Ils ont fait leur trou
Peu de personnes conserveront un bon souvenir de l’année 2020. Pour Jordan Lotomba (22 ans), en revanche, elle s’est révélée resplendissante. Champion et vainqueur de la Coupe avec Young Boys, le latéral vaudois a été transféré à Nice pendant l’été. Promis au banc, il a immédiatement acquis la confiance de son entraîneur, Patrick Vieira, qui l’a tout de suite installé dans le onze titulaire. «Son grand avantage, c’est qu’il peut jouer à plusieurs postes, commente Mauro Lustrinelli. Il a une grande capacité d’adaptation. Et Nice a pas mal varié les systèmes.»
Ses performances lui ont permis de faire ses débuts avec la Nati, en octobre. Le licenciement de Vieira, remplacé par Adrian Ursea, n’a pas eu de conséquence sur son temps de jeu. Bien que Lotomba se montre moins rayonnant depuis quelques semaines, «Lustrigol» ne s’inquiète pas outre-mesure: «C’est normal car il a enchaîné beaucoup de matches. Jo paye aussi la méforme générale de l’équipe. Quand le collectif se sortira de cette situation, cela ira mieux.»
Après seulement une saison pleine en Super League, Simon Sohm (19 ans) a quitté le FC Zurich pour Parme, en Serie A. Un pari osé qu’il est en train de relever avec brio. Au sein d’une formation en difficulté (19e et deux victoires en 20 matches), le milieu de terrain est parvenu à tirer son épingle du jeu. Au total: 16 rencontres disputées, dont 13 en championnat. Titularisé avec parcimonie (sept fois), tantôt comme sentinelle, tantôt comme relayeur, il s’installe tranquillement et fait bonne impression. «Dans le jeu avec ballon c’est bien car il fait les bons choix, se montre précis, constate Lustrinelli. Il a aussi augmenté son nombre de courses dans les espaces. Maintenant, il doit surtout travailler dans le jeu sans ballon afin de devenir un joueur «box to box». C’est difficile car ce n’est pas son profil à la base.»
Début janvier, Fabio Liverani a laissé place à Roberto D’Aversa sur le banc. Depuis, Sohm joue un peu moins (169 minutes en 5 matches). Les semaines à venir s’annoncent donc cruciales pour le néo-international A.
De son côté, Bastien Toma (21 ans) a vécu des premiers mois agités à Genk. L’international M21 souhaitait sortir du confort dans lequel il s’était installé à Sion, il a été servi. «J’ai connu en quelques mois tout ce qu’un footballeur peut vivre dans une carrière», relevait-il récemment dans nos colonnes. Expulsé, pour la première fois de sa carrière, dès sa deuxième apparition, il a vu pas moins de trois entraîneurs se succéder. Laissé de côté à plusieurs reprises, en raison d’une blessure, du règlement sur les extracommunautaires ou d’une décision sportive, le milieu de terrain sédunois a connu une adaptation tronquée.
Celle-ci semble enfin terminée. Depuis le début de l’année, Toma n’a pas raté un match et n’a débuté qu’une fois comme remplaçant. Devenu titulaire à part entière, il a même ouvert son compteur buts face au leader, Bruges, le 24 janvier. «Genk est un très bon choix pour lui, félicite Mauro Lustrinelli. C’est un club qui se bat dans le haut du tableau, joue régulièrement l’Europe. Et il est utilisé dans un système qui lui convient parfaitement, où il peut montrer sa créativité ainsi que ses qualités dans le jeu entre les lignes, dans les intervalles, et peut donner de très belles passes à ses attaquants.»
Ils doivent s’armer de patience
Andi Zeqiri (21 ans) n’a pas choisi la facilité en rejoignant Brighton. Le début de son aventure anglaise se révèle délicat. «Passer de la Challenge League à la Premier League, c’est un très grand saut. Il savait qu’il jouerait peu dans l’immédiat et qu’il lui faudrait se montrer à la moindre occasion», relate son sélectionneur chez les M21. Les occasions, justement, sont pour l’instant réduites à peau de chagrin. L’ancien attaquant du Lausanne-Sport ne compte que cinq apparitions sous ses nouvelles couleurs: trois en Premier League (66 minutes au total) et deux en FA Cup.
Mais Zeqiri présente des circonstances atténuantes. Arrivé blessé, il est ensuite entré en quarantaine à cause de la Covid-19. Ces aléas ont parasité son intégration et sa progression. Depuis deux mois, il enchaîne enfin les entraînements avec l’équipe première et se montre convaincant. «Le staff est très satisfait de lui, se réjouit Lustrinelli. Le truc un peu négatif, c’est qu’il n’y a que trois changements en Angleterre. Avec les cinq, il aurait eu plus d'opportunités. Il ne doit pas se focaliser sur ses stats mais sur les petits détails, sur ce qu’il montre en match.»
Dan Ndoye (20 ans), lui, bénéficie d’un plus grand temps de jeu à Nice. Mais, contrairement à Lotomba, ce n’est pas dans un rôle de titulaire. Sur les 24 rencontres auxquelles il a participé, l’attaquant vaudois n’en a débuté que trois. Pour l’heure, il doit se contenter de fins de matches. «Il y a de la concurrence à son poste, ce n’est pas facile. Mais peu importe qu’il rentre 5, 10, 15 minutes. L’important, c’est de jouer et d’enchaîner car ça veut dire que tu fais partie des 15», encourage «Lustrigol».
L’ancien joueur du LS a en plus agrémenté ses entrées de trois buts et une passe décisive, un bilan prometteur. «Il ne faut pas non plus oublier qu’à Lausanne, il n’était pas toujours titulaire, rappelle le technicien tessinois. Il est encore dans l’apprentissage, ce qu’il montre est intéressant. En tout cas, les retours de son entraîneur sont bons.»
Kevin Rüegg (22 ans) part de plus bas. Après trois saisons pleines au FC Zürich, où il était l’incontournable latéral droit, l’international M21 ronge son frein au Hellas Vérone. Organisés dans un 3-4-3 immuable, les «Gialloblu» réalisent une saison satisfaisante (9e de Serie A) et s’appuient sur un onze solide, dont Rüegg est laissé en marge.
Devancé par le co-capitaine Davide Faraoni au poste de piston droit et blessé en novembre, le Zurichois n’a le droit qu’à des miettes: quatre matches disputés en championnat, à chaque fois en sortie de banc, et une titularisation en Coupe. «L’entraîneur est très content de lui et lui demande d’être patient, rassure Mauro Lustrinelli. Sa situation n’est pas optimale car il joue très peu mais il a fait de bonnes rentrées, cela veut dire qu’il est présent mentalement.»
Cet hiver, Christian Gross souhaitait l’attirer à Schalke 04 mais le Hellas n’a pas ouvert la porte. De bon augure pour la deuxième partie de saison?
Le cas de Darian Males (19 ans) est en revanche plus problématique. Après seulement six mois et 21 matches chez les professionnels à Lucerne, l’avant-centre des M20 suisses a quitté son club formateur pour rejoindre l’Inter Milan, qui l’a prêté dans la foulée au Genoa. Mais il n’a pris part qu’à une petite rencontre cette saison: 23 maigres minutes face à la Juventus Turin en Coupe, le 13 janvier. De quoi sérieusement s’inquiéter. «J’ai été étonné de son choix, que j’ai trouvé un peu précipité, confie Lustrinelli. Comme Zeqiri, il est arrivé blessé, puis il a enchaîné les tests positifs à la Covid-19, ce qui l’a éloigné longtemps de l’équipe.»
Désormais débarrassé de ses soucis, Males s’exprime enfin sur la continuité et devrait bientôt apparaître sur les feuilles de match. Pour le plus grand bonheur des sélectionneurs suisses. À moins qu’il ne change d’air. Ces dernières heures, un retour en Suisse et plus précisément à Bâle, sous la forme d’un nouveau prêt, semblait en bonne voie.