PréventionRéagir face au cybermobbing
Pro Juventute lance aujourd'hui une campagne contre le harcèlement virtuel. Un phénomène en hausse qui touche beaucoup les jeunes.
- par
- Albertine Bourget

L'affiche de la campagne. Pour les victimes, la souffrance ressentie peut être immense.
«Le suicide d'Amanda Todd aurait pu survenir en Suisse comme n'importe où ailleurs. La question n'est pas si mais quand un tel drame arrivera en Suisse.» Ce cri d'alarme est lancé par Stephan Oetiker, directeur de Pro Juventute. Amanda Todd est cette Canadienne de 15 ans victime de «cybermobbing» depuis des mois qui a mis fin à ses jours après avoir posté une vidéo où elle appelait à l'aide via des pancartes.
Pour éviter un tel drame en terre helvétique, Pro Juventute lance aujourd'hui une campagne nationale par le biais d'affiches, d'un spot télévisé et avec l'appui de personnalités comme Diego Benaglio ou la chanteuse Heidi Happy. Par cybermobbing, également appelé harcèlement virtuel ou cyberintimidation, il faut comprendre des insultes ou des photos compromettantes envoyées sur des sites, mais aussi directement à la victime par e-mails ou SMS. Un phénomène grandissant en Suisse.
«De plus en plus d'appels concernent le cybermobbing», souligne Stephan Oetiker. Le 147 reçoit deux ou trois appels liés à cette problématique par semaine. La fondation s'est décidée à agir lorsque l'étude qu'elle a fait réaliser par l'institut Gfk a montré la méconnaissance du grand public. «70% ne savent pas où trouver de l'aide et seul un Suisse sur deux (51,9%) sait ce qu'est le cybermobbing.» Une méconnaissance qui atteint trois personnes sur quatre en Suisse romande. Enfin, une étude tessinoise a montré qu'un jeune sur dix en serait victime en Suisse. Ces «chiffres sont effrayants.»
Facebook, «plate-forme idéale»
Les jeunes sont en première ligne parce qu'Internet fait partie intégrante de leur vie, notamment les 13-16 ans. Un site comme Facebook est une «plate-forme idéale, avertit Stephan Oetiker, car il demande peu d'investissement et permet de toucher un maximum de gens en un minimum de temps». Des attaques qui restent difficiles à imaginer pour les parents. «Ils ne se rendent pas compte de l'importance du monde virtuel pour leurs enfants, parce que le monde physique, réel, reste beaucoup plus important pour eux.»
Alors, faut-il priver les ados de leur connexion? Une telle mesure est irréaliste, avertissent les experts. Il faut surtout que chacun prenne conscience de la gravité du cybermobbing. Ce qui est pour l'agitateur une blague sans conséquence peut s'avérer dévastateur, et les jeunes qui appellent le 147 feraient souvent part de leur envie d'en finir.
Harcèlement invisible
L'inhibition des agresseurs est d'une part plus faible, car ils peuvent être anonymes ou changer d'identité (voir ci-dessous); d'autre part, le harcèlement peut se poursuivre 24 h sur 24, en silence, à l'insu de la famille ou du corps enseignant.
Paradoxalement, les agresseurs ne se rendraient souvent pas compte du calvaire infligé à leur victime. «Ils ont les compétences technologiques, mais pas sociales», insiste Stephan Oetiker. Il est vrai qu'ils font aussi preuve d'insouciance quant à ce qu'ils postent d'eux-mêmes. Récemment, un policier s'est rendu chez un jeune auteur de commentaires malveillants sur Facebook pour lui poser des questions: le garçon en a été extrêmement surpris.
Il n'est pas à exclure que, avec l'utilisation toujours plus grande du Web, les adultes soient de plus en plus concernés. La Suisse a connu ces dernières années des cas où des adolescents s'en sont pris à des adultes et ont été dénoncés à la justice. En 2008, aux Etats-Unis, c'est la mère d'une élève qui avait été inculpée suite au suicide de Megan Meier, 13 ans, pour avoir harcelé l'ado via un faux compte sur Myspace. Stephan Oetiker, lui, dit avoir été frappé par le fait que sur sa dernière pancarte Amanda Todd disait qu'elle était seule. «C'est cette solitude de la victime qu'il nous faut absolument combattre.»
Le numéro d'appel d'urgence de Pro Juventute 147 est ouvert 24 h sur 24.
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