PolémiqueRuth Dreifuss: la Suisse doit soigner les blessés ukrainiens
L’ancienne conseillère fédérale estime que le Département fédéral des affaires étrangères se cache derrière des «arguties juridiques» pour ne pas soigner les blessés qui viendraient d’Ukraine.

- par
- Eric Felley

Pour Ruth Dreyfuss: «L’obligation de soigner les malades et les blessés, militaires ou civils, qui ne peuvent l’être du fait d’une guerre, doit prévaloir sur toute autre considération».
Le «Tages-Anzeiger» révélait lundi que le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) avait refusé une demande d’un organisme lié à l’OTAN pour que la Suisse soigne des blessés venant d’Ukraine dans ses hôpitaux, qu’ils soient militaires ou civils. Malgré une consultation positive auprès des cantons et des hôpitaux suisses, le DFAE a décidé au mois de mai de ne pas entrer en matière pour des questions relevant de la neutralité helvétique.
Une «conclusion abusive»
L’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss regrette cette décision dans une tribune parue ce mardi dans «Le Temps»: «La réponse négative de la Suisse s’appuie sur des arguties juridiques. En tant que pays neutre, elle serait obligée de garantir que les militaires soignés en Suisse, une fois guéris, ne reprennent pas le combat. C’est en effet ce que stipule l’article 37 de la Première Convention de la Croix-Rouge. L’avis du DFAE en tire la conclusion abusive que la Suisse serait alors obligée d’interner ces militaires pour les empêcher de rejoindre l’armée ukrainienne. Les commentaires de l’article 37 précisent cependant que «chaque fois que cela est possible, les Puissances neutres doivent considérer d’autres solutions comme, par exemple, imposer aux personnes concernées de se présenter régulièrement à un poste de police ou de les assigner à résidence en les plaçant sous surveillance électronique».
«Particulièrement choquant»
Mais pour la socialiste genevoise, ce qui est encore moins compréhensible, c’est d’avoir étendu cette interdiction aux blessés civils: «Là où l’argument fédéral est particulièrement choquant, c’est lorsque le refus s’applique également aux civils. Ceux-ci, selon le DFAE, ne peuvent pas être clairement distingués des militaires, car certains d’entre eux pourraient avoir pris les armes pour défendre leur pays».
«Le message de Henry Dunant»
Pour Ruth Dreifuss, il n’y a pas à tergiverser dans une telle situation: «L’obligation de soigner les malades et les blessés, militaires ou civils, qui ne peuvent l’être du fait d’une guerre, doit prévaloir sur toute autre considération. N’est-ce pas là le message de Henry Dunant sur le champ de bataille de Solférino et du Comité international de la Croix-Rouge?» La Genevoise engage les autorités suisses à changer de position: «Et d’organiser le transfert des malades et des blessés d’un pays martyrisé vers un havre sûr où ils pourront être soignés».