Crise sanitaire«Sauver notre métier, c’est votre santé»
Yoga, Pilates, CrossFit… Les cours collectifs de sport sont fortement impactés par la crise sanitaire. Des acteurs se mobilisent pour demander des mesures plus cohérentes.

- par
- Florian Müller

José Lara est le patron du CrossFit Lausanne. «A ce rythme, on va bientôt tous mettre la clé sous la porte», déplore-t-il.
La phrase fait mouche: «Sauver notre métier, c’est votre santé». C’est le nom du mouvement lancé par des professionnels des cours collectifs de sport dans le canton de Vaud.
Depuis le 2 décembre, ces derniers sont à nouveau autorisés, avec toutefois des limitations drastiques: «La pratique du sport sans contact en groupe (entraînements et cours collectifs) est autorisée jusqu'à maximum cinq personnes à l'intérieur, coach compris», dit le texte.
«On nous autorise à travailler, histoire de ne pas avoir à nous indemniser, mais pas suffisamment pour être rentables»
Pour les profs de yoga, Pilates, pole-dance ou autre CrossFit, c’est à ne rien y comprendre. «Quelque soit la surface de notre salle, cinq personnes sont tolérées au maximum, lance Viviane Huber, qui dirige des cours de yoga et de Pilates à Vevey. On nous autorise à travailler, histoire de ne pas avoir à nous indemniser, mais pas suffisamment pour être rentables.»
Au contraire des commerces, où on calcule un nombre de mètres carrés par client, pour le sport, c'est le chiffre maximal de quatre élèves qui a été arrêté par le Conseil d'Etat vaudois, peu importe la taille des infrastructures.
«Ils ont pris des mesures à la hache, s’insurge José Lara, patron du CrossFit Lausanne. J’ai une salle de 650 mètres carrés, avec six mètres de hauteur de plafond. Et là, je ne peux mettre que quatre élèves et un coach. Comment voulez-vous qu’on s’en sorte? A ce rythme, on va bientôt tous mettre la clé sous la porte.»
Des métiers de la santé
L’incompréhension de la profession est d’autant plus grande que ces métiers sont jugés comme non-essentiels, alors qu’ils participent pourtant au bien-être collectif. «Dans le canton de Vaud, les jeunes de moins de 16 ans sont autorisés à continuer à pratiquer leur activité sportive, explique Mathias Freymond, qui dirige avec son frère le Myama CrossFit à Yverdon. Pour justifier cette exception, les autorités invoquent que le sport est essentiel à la santé psychologique des jeunes. A mon sens, l’argument est aussi valable pour les adultes.»
Car les cours collectifs n’ont rien avoir avec les fitness traditionnels, où chacun des participants fait ses exercices dans son coin. Ici, il est question d’une pratique encadrée et collective, où la santé et le bien être de chacun est au cœur du projet.
«Les gens ne mobilisent plus leur corps et c’est un enjeu de santé publique à moyen terme»
«Avec le télétravail, on assiste à une sédentarisation des personnes et de leurs activités, prolonge Viviane Huber. Les gens ne mobilisent plus leur corps et c’est un enjeu de santé publique à moyen terme. Nos activités représentent pour de nombreuses personnes une bouffée d’air dans la semaine, sans parler du lien social qui est essentiel dans certains cas.»
Et de reprendre: «Le pilates est par exemple prescrit par les physiothérapeutes dans les phases de réadaptation après un accident ou encore une grossesse. Pouvoir dispenser notre coaching est essentiel, car ces personnes ont besoin d’un encadrement pour préserver leur mobilité.»
Des indemnisations qui traînent
La colère des milieux sportifs se conjugue au fait que les concepts de protections mis en place ont démontré leur efficacité. «On a le nom du participant, ses coordonnées complètes, on sait exactement à quelle heure il est arrivé dans la salle et à quelle heure il l’a quittée, illustre José Lara. On désinfecte complètement nos surfaces entre chaque cours, chaque élève a 15 mètres carrés que pour lui ainsi que son propre matériel: toutes les mesures barrières sont respectées.»
«Avant la crise, on nous disait qu’on était des partenaires santé. Désormais, on est des laissés pour compte»
Seule indemnité proposée jusque-là par les autorités: deux semaines de loyer. «C’est un premier pas, concède José Lara. Mais pour vous faire une idée, ça représente à peine 1% de mes charges annuelles.»
De nombreuses salles de cours sont par ailleurs désavantagées par le système d'indemnisation des cas de rigueur. Pendant les fermetures, certaines d’entre-elles ont suspendu les abonnements de leurs clients. Leur perte de chiffre d'affaires est différée sur 2021. Elles ne répondent donc pas au critère des cas de rigueur qui stipule une perte de 40% du chiffre d'affaires en 2020.
Le collectif a envoyé plusieurs courriers au Conseil d’Etat, sans réponse jusque-là. «Avant la crise, on nous disait qu’on était des partenaires santé, regrette José Lara. Désormais, on est des laissés pour compte.»