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InterviewShy'm: «J'ai l'angoisse de devenir ringarde»

L'artiste de 33 ans se renouvelle à chaque album. Avec «Agapé», elle prend un virage à 180° et étonne son public ainsi que la critique. «Le Matin» a discuté avec la chanteuse avant sa venue à Genève.

Fabio Dell'Anna
par
Fabio Dell'Anna
La chanteuse sera en concert à l'Arena de Genève le 16 juin 2019.

La chanteuse sera en concert à l'Arena de Genève le 16 juin 2019.

Warner

Elle déroute, mais sait exactement où elle va. Shy'm fait partie de ces rares chanteuses françaises à toujours créer l'événement lors de la sortie d'un album. A chaque premier single, elle surprend. «Agapé» n'échappe pas à la règle.

Pour ce septième disque, elle dévoile un côté plus urbain, remet à sa place Damso sur le titre «La Go» et dévoile ses démons des années passées. «Il m'a fallu du temps pour en parler, mais aujourd'hui je n'ai pas peur d'en parler», nous dit-elle au téléphone. Juste avant son concert à l'Arena de Genève le 16 juin prochain, elle revient sur sa carrière et sur la personne qu'elle est devenue.

Il est difficile de se renouveler lorsqu'on s'apprête à sortir son 7e album. Finalement, c'est un pari réussi. Vous vous êtes fait plaisir avec ce virage à 180°?

Oui. Il y a forcément beaucoup de remises en question. Chaque disque est un renouvellement, afin de partir dans de nouvelles directions. J'ai aussi envie de surprendre le public. Sur cet album, je me suis mise un peu en danger car j'ai bossé avec des gens que je n'avais jamais rencontrés. Je savais que cela allait être différent, mais lorsque j'ai découvert les titres, cela a été une vraie claque. Oui, c'était un virage, mais il s'agit aussi de mon travail le plus personnel.

D'ailleurs, ça balance beaucoup sur vous!

C'est un peu mon tempérament. (Rires.) Il m'a fallu de la maturité pour dire les choses de cette façon. Ainsi que l'aide de mes collaborations. Toute seule, je n'aurais pas eu la force et le courage de parler de moi.

Pourquoi ne pas avoir voulu continuer sur la même lignée pop que d'habitude?

J'ai aussi la peur et l'angoisse de devenir ringarde. Je n'ai pas envie que l'on dise de moi que je reste dans les mêmes codes et que ça ne fonctionne pas. Déjà pour moi-même.

Dans votre titre «Du Mal», vous chantez: «J'aurais préféré finir aphone que faire la promo que j'ai faite sur certains albums.» C'est-à-dire?

Je ne parle surtout pas de regrets. Il y a des choses que l'on fait car on est dans un mode robotique à cause du surplus de travail. Dans ce cas, je n'avais juste pas de recul pour envisager certaines promos qui arrivaient. Il y a certaines choses que j'ai dû faire car il le fallait. Je n'ai pas été très performante, car je n'étais pas à l'aise ou peut-être trop timide.

Timide? Vous l'êtes encore après tout ce temps sous les projecteurs?

Oui, bien sûr. Même si j'ai fini par la dompter cette timidité. Pendant des années, cela a été compliqué pour prendre du plaisir tout de suite sur scène ou à la télévision. Tout m'angoissait: la multitude de gens sur le plateau, le fait de devoir parler devant des personnes ou juste de présenter mon projet. Aujourd'hui, ça n'existe plus. Cela a même été thérapeutique. Mais même si je me sens mieux, ma personnalité reste la même. Dans la vie de tous les jours, il y a plein de gens que je risque de ne pas rencontrer à cause de cette timidité.

Et votre passion pour la musique a toujours été intacte?

Malgré les doutes, malgré les moments où on se sent un peu perdu, j'ai toujours eu la passion. Elle revient dans des moments très anodins. Par exemple, lorsque l'on regarde un clip à la télévision. Traîner sur Twitter ou Instagram peut aussi raviver quelque chose en moi. Même lorsque je me suis éloignée de mon métier et de Paris. Quand je suis partie au Cap pendant presque un an. Il y a toujours des moments qui vous renvoient à cette passion. C'est rassurant de voir que j'ai envie de retourner en studio, de chanter et de monter sur scène.

Durant cette pause d'un an, vous aviez fait quoi?

J'ai vécu. Je me suis retrouvée. Je sortais d'un tourbillon médiatique et je me sentais étouffer. J'ai voulu partir loin de mes repères. J'ai rencontré une nouvelle culture, de nouvelles personnes. J'ai fait le plein d'aventures, comme du saut à l'élastique, du saut en parachute, du camping sauvage, j'ai dormi dans un van et dans des auberges de jeunesse. C'était juste dingue de me retrouver dans une ville où personne ne me connaissait. Cela m'a permis de revenir inspiré.

Revenons à votre album. Avec «Puerto Rico», vous surfez sur la vague latino. C'est un style de musique que vous écoutez particulièrement en ce moment?

J'écoute vraiment de tout. Cela va de la chanteuse brésilienne Maria Gadú, à Rosalia jusqu'à Drake. J'ai vraiment une culture musicale qui est très large. Je crois que les inspirations qui viennent en studio vont aussi avec ce que vous écoutez au quotidien.

Avec «L'Amour à l'envers», vous chantez que l'on peut tous s'aimer malgré nos différences. Pensez-vous que ce monde manque cruellement de tolérance aujourd'hui?

Bien sûr, même si notre société évolue petit à petit. Je pense par exemple à Bilal Hassani qui a représenté la France à l'Eurovision. Je suis très contente de le voir sur scène, car il y a des années c'était inimaginable. J'ai aussi une pote trans qui a été invitée chez Thierry Ardisson pour parler de la sortie de son livre. Mais n'oublions pas qu'il reste des gens qui ont encore un regard trop négatif.

Avec les réseaux sociaux et tous ces haters, vous n'avez pas l'impression que l'on va parfois à reculons?

Oui. Ces personnes isolées chez elles, qui sont racistes, transphobes ou homophobes, se rendent compte grâce aux réseaux sociaux qu'il y a beaucoup de gens qui leur ressemblent. Malheureusement, des communautés finissent par se former. Sur le Web, on parle beaucoup trop vite et cela en devient dangereux. Surtout pour les jeunes.

On vous retrouvera sur scène le 16 juin à l'Arena de Genève. Votre ancienne tournée était plus intimiste, comment s'annonce celle-ci?

C'était un choix de me retrouver seule derrière mon micro avec les musiciens. Je ne voulais pas me cacher derrière l'artillerie. Et aujourd'hui ça me manque. J'ai envie de mettre cet album en scène avec des lumières, des danseurs, des chorégraphies... Cela s'annonce comme un gros show! Un retour à mes premiers amours.

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