PortraitSon fils Léo est son héros
Professeur au Collège Calvin (GE), Pascal Jarnieu sort un «conte fantastique» où il se met dans la peau de son fils autiste.
- par
- Valérie Duby

En abordant l'autisme par la fiction, l'enseignant genevois espère toucher petits et grands.
«C'est vrai, le risque existe que les gens pensent que j'ai écrit un livre sur la pêche!» s'amuse Pascal Jarnieu. Ce professeur de français et d'anglais au Collège Calvin (GE) vient de sortir son premier roman intitulé «La carpe», aux Editions Amalthée.
Rien à voir pourtant avec une histoire de poissons. Dans ce roman d'aventures, ce conte imaginaire et fantastique comme il l'appelle, Pascal Jarnieu s'est mis dans la tête de son fils autiste, Léo, aujourd'hui âgé de 16 ans. «Ce roman est une fiction; l'autisme une réalité. Mais attention, je n'ai pas écrit un livre sur la maladie», prévient l'auteur.
«Ajouter ma pierre à l'édifice sur ce sujet aurait été superflu. Mais peut-on imaginer ce qui se passe dans cette tête fêlée? Pourquoi ne s'y cacherait-il pas un trésor d'imagination? Une mine insoupçonnée d'inventivité? Un monde coloré dans lequel il prospérerait à l'abri des institutions grises et des blouses blanches?» interroge le Genevois.
Récit à deux visages
Pour le papa de Léo, «on a déjà donné dans le pathos: Léo vit, dérange, déchire le silence de son cri. Moi, je le couronne personnage principal, narrateur et maître de son destin.» Le professeur nous explique que, comme Alice, son fils emmène le lecteur par la petite porte. Mais dans «La carpe», pas de lapin blanc, pas de fantaisie gratuite; à la place, un vieux sage et un oiseau qui guident le jeune homme dans un univers à deux visages, «offrant un cadre dans lequel Léo peut mettre un pied devant l'autre avant de se mesurer à son handicap».
Admirateur de «L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde», Pascal Jarnieu reconnaît aussi s'être «bien amusé» en écrivant. «J'ai donné libre cours à mon imagination en connaissant la maladie par cœur. Dans le livre, Léo grandit, passe des stades qu'il ne pourrait pas passer dans la société. C'est peut-être une thérapie avec une inavouable ambition littéraire», sourit le professeur de 55 ans. Ce projet, il l'a mûri pendant dix ans. Et puis un jour, il a pris la plume, passant de la troisième personne du singulier à la première. «Avec le «il», il y avait trop de distance.»
Puisque l'homme est un lève-tôt, il rédigeait à l'aube, laissant le soir à la relecture. Pudique, discret, Pascal Jarnieu n'a parlé qu'à sa maman, son épouse, Li, et sa fille, Emmy, de son projet. Pour trouver un éditeur, il a frappé à quelques portes en France, beaucoup se sont ouvertes. «Après, c'est une histoire d'échanges, de contacts», poursuit-il.
L'auteur – qui dédicace son roman à son fils «qui ne me lira pas» – vise un public d'adolescents. Mais pas seulement. «Il y a quand même des liens et des allusions mythologiques et littéraires qui devraient susciter la curiosité d'un public plus âgé!»