Etats-UnisSous les voiles du Ku Klux Klan
Alors que le pays vient de célébrer le 50e anniversaire du discours «I have a dream» de Martin Luther King, le photographe Anthony Karen dévoile les dessous de l'organisation ségrégationniste.
- par
- Tom Granay - New York
Anthony Karen est un homme précis et nuancé. Le photographe qui s'est immergé depuis 2005 dans l'univers du Ku Klux Klan n'aime pas les qualificatifs réducteurs pour parler de la plus célèbre et violente organisation ségrégationniste américaine. Le KKK ne se résume pas à la haine des Noirs et de Barack Obama, explique l'ancien marine. «J'ai aussi remarqué une hausse des manifestations contre l'immigration illégale, contre le mariage gay, l'homosexualité et la fraude à l'aide sociale, ajoute-t-il. Le KKK demande aussi la publication du registre des délinquants sexuels et fustige la hausse de la criminalité chez les minorités.»
Organisation morcelée
Le portrait du Ku Klux Klan qu'a tiré Anthony Karen dans son livre «White Pride» (La fierté blanche) est d'une sobriété et d'une simplicité reflétant la vie de nombreux membres du Klan. Des bayous de Louisiane aux collines de la Virginie rurale, le photographe est parti à la rencontre d'une organisation morcelée et qui se bat pour garder son influence face à la montée en puissance des milices paramilitaires et néonazies outre-Atlantique.
Selon Heidi Beirich, la directrice des recherches au Southern Poverty Law Center dans l'Alabama, «le Klan est miné par les dissensions entre les groupuscules». Il n'aurait aujourd'hui plus que 5000 à 8000 membres. Anthony Karen explique avoir gagné assez rapidement la confiance d'une poignée d'entre eux. «Il faut donner de soi pour recevoir quelque chose, raconte-t-il. Je ne crois pas forcément en ce qu'ils croient, mais quand je suis chez quelqu'un, je fais en sorte d'observer sans juger.»
Rencontre historique
Le 31 août dernier, le Ku Klux Klan a fait les gros titres de la presse américaine en rencontrant pour la première fois de son histoire dans le Wyoming des représentants de la NAACP, la principale organisation de défense des droits des Noirs aux Etats-Unis. Les deux groupes ont discuté de la flambée de violence contre les Afro-Américains et la distribution de tracts du KKK incitant à la haine des Noirs dans cet Etat de l'Ouest américain.
Selon le quotidien Casper Star-Tribune, John Abarr, l'un des chefs du Klan dans le Wyoming, a affirmé pendant cette rencontre qu'il aimait passer pour un hors-la-loi aux yeux des gens. Mais il a aussi assuré être opposé à la violence contre les Noirs. «Certains vont me traiter de tous les noms pour avoir participé à cette rencontre», a encore déclaré John Abarr. Anthony Karen apporte des éléments de réponse à cette évolution surprenante du KKK. «Au sein du Klan, les questions raciales découlent de la haine du système bancaire qui est, selon certains membres du Klan, contrôlé et manipulé par les Juifs, avance le photographe. Cette question est plus importante pour le Klan que la couleur de peau des uns et des autres.»