événement: «Spraye l'Espoir», en faveur des victimes du cancer

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événement«Spraye l'Espoir», en faveur des victimes du cancer

Touchée par la cause de l'ARFEC, l'association soutenant les familles d'enfants atteints d'un cancer, Katia Cid a imaginé et réalisé un projet à la fois novateur, original et ambitieux.

Kalina Anguelova
par
Kalina Anguelova

D'un côté des jeunes artistes urbains, révoltés. De l'autre des enfants touchés par le cancer. Deux mondes, aux réalités si différentes, qu'à priori rien ne prédispose à la rencontre. Pourtant, Katia Cid, directrice de la société Progesteam, a relevé le pari un peu fou de mobiliser 30 artistes pour réaliser 50 toiles bénévolement en faveur de l'ARFEC (l'Association romande des familles d'enfants atteints d'un cancer) au travers de son son projet «Spraye l'Espoir». Ces œuvres réalisées en plein air en mai dernier seront vendues aux enchères lors d'une soirée gala au Grand Casino de Morges, le 8 octobre prochain.

«L'idée du projet m'est venue après avoir rencontré Joan Gonzalez, un jeune en rupture de la société. Il m'a demandé de l'aider à créer son association pour être indépendant dans le domaine du Street art ainsi que de la promouvoir. Alors, je me suis dit qu'il devait y avoir d'autres jeunes pour lesquels l'art urbain représente un moyen d'exprimer leur identité, valeurs ou colères. Dans des moments de mal-être, on peut utiliser leur révolte pour générer une action positive. L'idée étant de les détourner de leurs problèmes en les impliquant dans des projets fédérateurs d'espoir», explique Katia Cid.

Le projet «Spraye l'Espoir» s'est articulé autour de trois grandes manifestations.

Il s'agissait dans un premier temps de sélectionner les graffeurs qui ont réalisé les toiles destinées à la vente aux enchères au Grand Casino de Morges. Pour ce faire, les artistes urbains ont réalisé, le 29 mai, des fresques sur deux immeubles (qui par la suite seront démolis): l'un à Marcelin, l'autre à Couvaloup (à Morges). Le lien avec le milieu hip-hop a été établi en partie grâce à Joan, qui par ailleurs a réussi à monter son organisation pour la promotion de l'art urbain: Art'Soce.

«Graffer officiellement des immeubles et être reconnus par les autorités communales, c'était exceptionnel pour les jeunes talents. Les passants, intrigués par leurs œuvres, s'arrêtaient pour les questionner. Ils les ont vus autrement que des délinquants et des liens intergénérationnels se sont tissés. Toutefois, ce n'était pas facile de les sensibiliser à la notion du bénévolat», explique avec enthousiasme Katia.

La deuxième grande étape s'est déroulée sur les quais de Morges, en plein cœur de la ville, le 29 août dernier. Les jeunes talents ainsi que les artistes reconnus ont réalisé au total 50 toiles. Parmi eux, on peut citer: Serval, Jasm, Meyk, Inso Mundo, Amjad, ou encore Torn.

De plus, 74 petites toiles ont été sprayées par des bambins. «Les artistes leur ont permis, le temps d'une journée, d'oublier la maladie ou l'expression de leurs parents inquiets», raconte Katia Cid. «Même les enfants en traitement lourd ont réussi à déconnecter de leurs soucis.»

«Quant aux jeunes artistes révoltés, ils sont devenus sensibles à la cause de l'ARFEC, déclare Katia. Ils avaient un rôle à jouer auprès de ces bambins malades et ont découvert une autre réalité que la leur. En somme, chacun a puisé ce qu'il devait au cours du projet, même si ce n'était que le plaisir de dessiner.»

«C'est précisément avec un projet de ce genre qu'on peut faire valoir notre cause. Je peux clairement dire qu'il a donné de la visibilité à l'ARFEC. De plus, il a réussi à casser le contexte d'isolement de la maladie», confie Alain Chanson, président de l'association. Pour rappel, ce sont des parents d'enfants malades qui ont fondé l'association en 1987. Aujourd'hui, l'ARFEC est membre fondateur de l'association Cancer de l'enfant en Suisse, membre de la CCI (Childhood Cancer International) et de l'ICCD (International Childhood Cancer Day). Son soutien s'exprime notamment par l'organisation d'hébergements proches de l'hôpital où l'enfant séjourne, par l'offre de cartes de parking ou encore par la proposition d'espaces de rencontres pour permettre aux parents d'échanger leurs expériences.

Ici Serval, le parrain du projet. Il représente une figure emblématique dans le milieu du graffiti suisse, qui, aujourd'hui vit de son art en exposant notamment dans des galeries. Contacté par Katia Cid, il a immédiatement adhéré au projet. «Nous les artistes, nous sommes relativement narcissiques. Ce projet «jeune pour jeune», c'était une occasion de mettre en avant autre chose que son nom. On dévie l'attention au profit d'une vraie cause: celle du cancer. On n'est plus à la recherche du profit, mais on se concentre à donner de la visibilité à une organisation.»

Pour rendre possible ce projet, Katia Cid s'est entourée d'une équipe solide: Serval, le parrain, Thibaut Weibet de Diapason GDS, responsable de la promotion, Joan Gonzalez, responsable des événements de graffitis qui ont eu lieu à Morges, Marie-Carmen de Quattro, responsable administrative, Rapilium, collectif de hip-hop et Immunitas coopérative sociale et culturelle.

«Un jeune, en réinsertion, a été assigné à prendre un polaroïd de chaque enfant avec sa toile. Du coup, il a vu une vocation naître en lui. Aujourd'hui, il se verrait bien travailler dans un domaine créatif ou participer plus souvent à de tels projets», raconte Katia.

«Il y a quelque chose d'extrêmement valorisant à imaginer et à réaliser un tel projet. Je me sens meilleure. Il y a sans doute une part égocentrique, mais au moins j'essaye de l'utiliser à bon escient. J'ai été profondément touchée par la cause de l'ARFEC. Rencontrer des gens qui se vouent aux autres, cela rend humble et permet d'avoir de bons exemples qui nous poussent à être meilleur», confie Katia.

Quid des craintes de se lancer dans un projet d'une telle envergure? «En réalité, j'en avais pas. J'ai eu l'idée, je l'ai évaluée et je me suis lancée. Evidement, qu'on a rencontré des pépins en cours de route, mais on a toujours trouvé des solutions. Progressivement, on apprend aussi à assumer ses déceptions et ses émerveillements. La réalisation de ce projet m'a pris énormément d'énergie. Si c'était à refaire, je referai, mais pas tout de suite», dit-elle en riant avant de continuer: «Ce que j'ai appris autour de ces événements, c'est qu'il faut aussi apprendre à se centrer sur soi.»

«J'espère que le 8 octobre, le jour du gala qui représente l'étape finale du projet, on arrivera à vendre toutes les toiles. Notre objectif est de récolter 15000 francs. Mais je peux d'ores et déjà affirmer que le projet est une réussite. Nous avons réussi: à faire parler de l'ARFEC, à tisser des liens intergénérationnels entre professionnels et non professionnels, à transformer la révolte d'artistes urbains en une action bénéfique pour autrui, à mettre en valeur les œuvres de talents en devenir, mais surtout à faire oublier à des bambins le temps d'une journée leur maladie», se félicite Katia. «Réussir à vendre les toiles, sera évidemment la cerise sur le gâteau.»

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