EtudeSuicide: un tabou se fissure
Une étude nationale montre que 70% des Suisses plaident pour davantage de prévention et croient à ses effets.
- par
- Lise Bailat

La Suisse compte chaque année trois fois plus de décès par suicide que par accidents de la route. Les statistiques sont connues. Mais le tabou semble aujourd'hui se fissurer: une nouvelle étude publiée par la plate-forme Lean on Me indique que 80% des Suisses aimeraient que la société et les politiques se préoccupent davantage de la question du suicide et que 70% croient en l'efficacité de la prévention.
Sur la même longueur d'onde
Les acteurs touchés par la problématique sont ainsi rejoints dans leurs doléances par la population. Le directeur de Pro Juventute, Stephan Oetiker, a lui-même remarqué l'importance de la prévention sur le terrain, suite à la campagne nationale lancée cet automne sur la problématique du suicide chez les jeunes. «Beaucoup de personnes nous ont remerciés pour cette action. Elles étaient visiblement soulagées de pouvoir parler librement. Mais la sensibilisation présente encore des lacunes en Suisse. Et ça coûte cher. De nombreuses écoles nous ont demandé d'intervenir en classe et là, nous avons atteint nos limites financières.»
Le psychiatre Konrad Michel, expert de la question du suicide, cite l'exemple de l'Australie comme l'un des pays qui est parvenu à infléchir le nombre de passages à l'acte via la prévention. «Mais sans argent, on ne fait rien! Si l'on avait à disposition déjà la moitié des quelques millions investis chaque année dans la prévention contre le sida, je suis persuadé que l'on pourrait réduire le nombre de suicides», a-t-il indiqué en marge de la présentation de l'étude de Lean on Me hier à Berne. Il est rejoint par Barbara Weil, secrétaire générale d'Ipsilon, une initiative qui promeut la prévention du suicide en Suisse. «Quand on voit le peu qu'on reçoit de la Confédération et ce que les parlementaires sont prêts à donner à la prévention routière, c'est incroyable!» assène-t-elle. L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) est conscient des lacunes dans le domaine de la sensibilisation au suicide. «Mais il nous manque des bases légales pour agir davantage. Sans l'adoption de la loi sur la prévention, nous ne pouvons rien faire de plus que ce qu'on fait maintenant, à savoir collaborer avec les cantons sur des projets concrets», indique Salome von Greyerz, responsable de la section stratégie et politique de santé. Cette loi sur la prévention est toutefois en mauvaise posture aux Chambres fédérales. La session de juin pourrait l'enterrer. A moins que l'appel populaire ne soit entendu.