France«Suspendu» du FN, J-M Le Pen dénonce «une félonie»
Jean-Marie Le Pen est «suspendu de sa qualité d'adhérent jusqu'au vote d'une Assemblée générale extraordinaire». Ce dernier promet la guerre.

Le leader historique de l'extrême droite française Jean-Marie Le Pen.
Chef historique du Front national pendant près de 40 ans, Jean-Marie Le Pen, suspendu lundi 4 mai par les instances du parti d'extrême droite présidé par sa fille, a contre-attaqué en dénonçant une «félonie» de celle-ci et n'exclut aucun recours.
Après un mois de conflit avec sa fille Marine Le Pen, le bureau exécutif du parti, la plus haute instance dont Jean-Marie Le Pen lui-même fait partie habituellement, a annoncé sa décision à 20h30 par un communiqué : Jean-Marie Le Pen est «suspendu de sa qualité d'adhérent jusqu'au vote d'(une) Assemblée générale extraordinaire» dans les trois mois.
Ce vote devrait entériner le souhait de Marine Le Pen et du bureau exécutif, acquis à sa cause, de retirer des statuts du parti le titre du président d'honneur dont Jean-Marie Le Pen a, selon l'avis de sa fille, abusé.
Provocations
Répétition de sa vision plusieurs fois condamnée par la justice des chambres à gaz, «détail» de l'Histoire, défense du maréchal Pétain, du «monde blanc» et critique en règle de la démocratie comme système politique: le président d'honneur du parti a multiplié les provocations début avril, au lendemain de départementales plutôt réussies pour le FN.
Marine Le Pen voulait dès lors que les propos de Jean-Marie Le Pen ne puissent plus «engager» le FN, à deux ans d'une élection présidentielle qu'elle pense pouvoir gagner, alors même que les déclarations récentes de son père se distinguaient plus par leur répétition que par leur nature, lui qui a toujours vu la «provocation» comme un ascenseur électoral.
Que Marine lui «rende son nom»
Mais face à l'imprévisible Jean-Marie Le Pen, il n'y a guère de bonnes options: «On ne peut (le) museler ni dedans ni dehors», avait d'ailleurs observé lundi matin Louis Aliot.
Sa réaction épidermique lundi soir l'illustre: évoquant auprès de l'AFP une «félonie», il a demandé à sa fille de lui «rendre son nom».
«Elle a la possibilité de le faire en se mariant soit avec son concubin, soit avec quelqu'un d'autre, après tout, pourquoi pas M. Philippot», a-t-il très violemment attaqué, visant le compagnon de Marine Le Pen, Louis Aliot, qu'il apprécie peu, et le numéro deux du FN, qui a été le plus virulent à son égard dans la crise interne.
Il a aussi prévenu les instances du FN qu'«ils doivent s'attendre à tous les moyens» et recours. «Ce n'est pas impunément qu'on m'attaque, même dans le dos».
Soutien des adhérents
Alors qu'un congrès extraordinaire par correspondance devra donc entériner les décisions de sa fille, Jean-Marie Le Pen s'est prévalu du soutien des adhérents frontistes. Le soutien de la base, «ça a été vu l'autre jour lorsque je me suis présenté place de l'Opéra. J'ai rassemblé un accueil sans équivoque», a assuré Jean-Marie Le Pen, qui s'était invité sur la tribune le 1er mai juste avant que sa fille ne s'exprime, et qui avait été applaudi.
«Je n'ai pas volé ce soutien, je ne l'ai pas reçu en héritage non plus», a-t-il aussi taclé, dans une critique à peine voilée envers sa troisième fille, qu'il a même dit «répudier» sur Europe 1, alors qu'il a déjà rompu tout lien avec l'aînée, Marie-Caroline, partie avec les mégrétistes dans la scission de 1998.
Mais si le FN comptait 22'403 adhérents à jour de cotisation lors du congrès de Tours de 2011, 42'100 ont été comptabilisés lors du dernier congrès, fin novembre à Lyon: un large renouvellement de la base frontiste.
Même «pas de débat» sur J-M Le Pen
Lundi, le bureau exécutif du FN a tranché après trois heures et demie de réunion. «Le débat portait essentiellement sur le peaufinage du communiqué et la façon d'envisager l'avenir», a assuré à l'AFP le trésorier du FN Wallerand de Saint Just. Car sur le cas de Jean-Marie Le Pen, il n'y a selon lui «pas eu débat compte tenu du bureau politique» plus tôt dans la journée, «où il n'a rien cédé».
Jean-Marie Le Pen avait décidé de bouder l'instance disciplinaire, à laquelle il avait pourtant été convoqué par sa fille. Le co-fondateur du FN en 1972 avait préféré assister à la première réunion de la matinée du parti, un bureau politique, pour livrer sa version de l'affaire.
Entre le père et la fille, dans le huis clos de la salle de réunion au siège du parti à Nanterre, des échanges «tendus» à «très tendus» ont eu lieu, selon les sources.
«Succès total en interne pour Marine Le Pen»
Marine Le Pen avait pourtant écarté une exclusion, mesure trop radicale à laquelle nombre de ténors frontistes se sont clairement opposés, Florian Philippot mis à part. «Ça ouvrirait les portes de l'enfer», prévenait un frontiste.
Au final, c'est donc par 7 voix contre 1, celle de Marie-Christine Arnautu, une vice-présidente du parti, que la décision du bureau exécutif a ensuite été adoptée, selon M. de Saint Just.
«Succès total en interne pour Marine Le Pen», a souligné celui-ci, faisant aussi savoir qu'une motion du bureau politique plus tôt dans la journée désapprouvant les propos de Jean-Marie Le Pen et demandant qu'il n'engage plus le FN par ses déclarations a été adoptée «à 41 voix contre trois et une abstention». A l'issue du dernier congrès du parti, en novembre, Marine Le Pen avait remodelé les instances à sa guise.
2017 en vue
Grâce à ce futur congrès extraordinaire, la patronne du FN va pouvoir opérer une «rénovation plus complète des statuts» du parti, prévient le FN. Avec 2017 en vue, le parti d'extrême droite sera un «mouvement modernisé dans son fonctionnement, perfectionné dans son organisation et pourra aborder les échéances électorales dans d'excellentes conditions et créer une dynamique majoritaire», veut croire le parti.
Longtemps rétive à condamner véritablement son père, Marine Le Pen espère engranger les voix en se séparant progressivement d'un boulet politique. Un sondage BVA est arrivé samedi à point nommé pour la conforter: près d'un Français sur trois (32%) souhaite qu'elle ait davantage d'influence dans la vie politique française - son record sur cet indicateur -, alors que Jean-Marie Le Pen a vu sa «cote d'influence» plonger à 2%.
Valls: les «thèses nauséabondes» font toujours consensus au FN
Le Premier ministre français, Manuel Valls, a estimé lundi 4 mai lors d'un déplacement à Poitiers que le «discours rance» tenu le 1er mai par la présidente du Front national, Marine Le Pen, «montre que le FN n'a en rien changé» et continue à soutenir des thèses «nauséabondes».
«Il n'y a pas de place dans notre pays pour l'invective, pour la violence, ce que nous avons vu le 1er mai dernier» lors du traditionnel défilé du Front national à Paris, a répondu Manuel Valls, interrogé sur le parti d'extrême droite en marge de la signature du contrat de plan Etat-région avec le Poitou-Charentes.
Mais outre les Femen violemment expulsées par le service d'ordre du parti et les équipes de télévision agressées par des militants FN, le Premier ministre a fustigé «surtout le discours de Marine Le Pen, un discours rance, un discours qui tourne le dos à l'avenir, qui tourne le dos aux valeurs de la République».
Pour Manuel Valls, ce discours de Marine Le Pen, qui a réaffirmé son opposition à l'Europe, à l'immigration et à «l'UMPS», «montre que le FN n'a en rien changé. S'il y a désaccord sur la stratégie électorale, il y a accord plein et entier sur le fond, sur les idées et sur les thèses les plus nauséabondes».