JuraTermites: une espèce tropicale fait des ravages au cœur de Delémont
Les insectes qu’une locataire croyait venir d’un noyer ont grignoté sa véranda en toute discrétion. Les dégâts sont aux frais de la propriétaire.
- par
- Vincent Donzé
Des insectes ailés posés par nuées sur les rideaux de la véranda, c’est le spectacle stressant qui s’est présenté à la locataire d’un appartement de Delémont, dès son installation dans un cinq pièces de l’avenue de la Gare, avec sa mère et son fils. «Certains soirs, c’était l’invasion. Pouah!» disent-ils.
Des insectes, mais lesquels? «Avec leurs ailes, on les croyait venus du grand noyer situé devant nos fenêtres», racontent la locataire Marie-Christine Amstutz et sa mère Jeanine Savary.
Première mesure: fermer les fenêtres, même en plein été. Bénéfice obtenu: zéro! «Les bestioles volaient dans notre véranda, qui sert de bureau à mon fils Thomas et de buanderie. C’était d’autant plus bizarre que la véranda du dessous n’était pas infestée», rapporte Marie-Christine Amstutz. À l’étage du dessus, la propriétaire de l’immeuble n’a rien constaté non plus, mais l’an dernier, la régie immobilière a été informée.
Nouveau type
Après deux ans de location qui viraient au cauchemar, la décision qui convenait a été prise: appeler un désinfestateur. Quand Patrick et Ute Sauvain ont débarqué au deuxième étage, ce couple de spécialistes s’est trouvé face à un envahisseur d’un nouveau type: un termite de bois sec particulièrement xylophage.
En creusant des tunnels, les termites que l’ont dit «antillais» se nourrissent exclusivement de cellulose, sans apport d’eau. «De l’intérieur, ils effleurent la surface d’un meuble ou d’un parquet sans jamais apparaître, sauf pour les vols nuptiaux: ils ne sortent du bois que pour s’accoupler et former une nouvelle colonie», constate Patrick Sauvain. Son constat: «C’est pire que les vers à bois»!
Totalement démontée
«Regardez, les œufs sont posés! Il y a des larves qui, sans notre intervention, deviendraient des nymphes en quête de nourriture», indique Patrick Sauvain en soulevant une latte du parquet avec un pied-de-biche. Le chantier de démontage de la totalité des boiseries s’est déroulé la semaine dernière. «Un chantier aussi conséquent, c’est une première suisse!» affirme le patron de «Sauvain Désinfection».
Dans la véranda, l’armoire centrale à deux faces a disparu. Le plancher a suivi, le plafond aussi, pour ne laisser que le coffrage bétonné, imprégné d’un produit fatal pour les termites qui oseraient revenir.
La plus dommageable
Au contraire du Service jurassien de l’environnement, l’organisation internationale Cabi (Center for agricultural bioscience international) sise à Delémont a compris l’urgence du problème: informée un vendredi à 17 heures, elle a donné sa réponse le samedi à 1 heure. Celui qui a identifié l’intrus sous les traits du cryptotermes brevis, le 13 juin dernier, c’est l’entomologiste Marc Kenis. Son constat: la véranda de la rue de la Gare a été infestée par «l’espèce de termite de bois sec la plus commune dans le monde et la plus dommageable».
«C’est une espèce tropicale parfois importée en Europe. Il y a déjà eu quelques cas en France ou en Allemagne», a précisé Marc Kenis.
Souvenir de vacances
Comment un termite sud-américain a-t-il pu s’implanter près de la gare de Delémont? Les avis sont unanimes: «Le cryptotermes brevis est entré en Suisse dans un souvenir de vacances. Une sculpture en bois comme un masque ou une poupée…», résume Patrick Sauvain.
D’origine italienne, le locataire précédent n’a pas été contacté dans sa nouvelle patrie, la Tunisie. Locataire de l’appartement pendant trois décennies, sans doute a-t-il importé un objet en bois acheté en Italie, pays relais des termites sud-américains, avec une reine nichée à l’intérieur.
Une preuve de l’origine des termites étant impossible à établir avec certitude, la propriétaire de l’immeuble n’a pas contacté l’ancien locataire. Les travaux seront à sa charge, les termites n’étant pas inclus dans la liste des nuisibles par les assurances helvétiques.