TélévisionThomas Wiesel construit son Comedy Club
Le show chaud de l'humoriste et de sa bande est vif et plutôt drôle. «Mauvaise langue» promet pour les semaines à venir.
- par
- Christophe Passer

Thomas Wiesel est convaincant en maître de cérémonie.
Il y a toujours une certaine nervosité à la RTS au sujet de l'humour: ces dernières années, la chaîne n'a pas toujours démontré, avant le succès de Vincent Kucholl et Vincent Veillon (les 100 samedis de «26 minutes»), qu'elle avait le nez creux pour faire se marrer les téléspectateurs romands. L'exercice est en effet extraordinairement funambule: l'humour, mais lequel? Celui des jeunes à reconquérir (qui regardent surtout ce genre de choses sur leur portable)? Celui des familles? Celui des tranches d'âges seniors qui suivent plus volontiers les rendez-vous fixes? Et on passe ces plaisanteries à quelle heure?
Pour Thomas Wiesel, bombardé depuis deux ans par ici comme l'un des comiques de la situation, ces difficultés s'additionnent donc d'un défi: occuper durant quelques mois d'intérim la «case humour» officielle, les deux Vincent étant partis pour un temps faire les guignols au théâtre.
«Mauvaise langue», dont le lever de rideau a eu lieu sur RTS1 vendredi, en deuxième partie de soirée, est dans ce contexte plutôt une réussite. «Je ne suis pas du genre perfectionniste, assure pourtant, sans rire, Thomas Wiesel. Je sais qu'il y aura pas mal de détails à peaufiner ces prochains temps.» On a envie de lui dire qu'on se réjouit, la première émission étant riche de promesses.
Un timing impeccable
Le principe est celui des «late shows» américains, format qui demeure pour Wiesel une forte source d'inspiration, de Jon Stewart à John Oliver. On commente ainsi les actualités récentes en balançant une blague ou une vanne toutes les cinq secondes. Thématiques de cette première: les cars postaux, la domiciliation fiscale de Pascal Broulis, Federer ou Lara Gut, la fusillade en Floride, par exemple.
Wiesel, en maître de cérémonie derrière son bureau, a gardé son look de geek à lunettes, hoody et T-shirt («On a fait des essais avec costard-cravate, ça plaisait aux copains, mais je n'étais pas convaincu»), et il est accompagné de Blaise Bersinger, qui fait le clown blanc dans le fauteuil à côté.
Celui que l'on entend notamment sur Couleur 3 donne dans la relance courte. «Quand on écrit les textes, des fois on met juste: ici, Blaise dit un truc débile, et ça marche. Je crois que ça peut fonctionner parce qu'on n'a pas le même humour, le sien est complètement décalé.» On confirme: l'OVNI Bersinger surprend à chaque sortie.
Une émission généreuse
Dans un décor chaleureux et un peu «grunge» (dixit Wiesel), les séquences se succèdent, c'est rapide, incisif. Il y a aussi un joli travail de réalisation: vignettes images qui apparaissent sans cesse au coin de l'écran, démarrage des vidéos qui commencent alors que Wiesel sort pile-poil la vanne qui va avec: le timing absolu reste la seule mère de l'efficacité humoristique, et le résultat en la matière tient la route.
Enfin, ou surtout, il y a le sentiment d'une bande, façon Wiesel Comedy Club, et elle est pour beaucoup dans la bonne humeur que «Mauvaise langue» dégage. Blaise Bersinger, bien sûr, mais aussi Marina Rollman (étonnante «Chronique du futur») ou Yann «Les Orties» Marguet: le barbu venu de Couleur 3, lui aussi, était très bon dans son numéro de Sainte-Crix.
Pour les émissions à venir, on retrouvera Nathanaël Rochat ou Yoann Provenzano, d'autres encore. Thomas Wiesel construit ainsi une émission réjouissante par son ton et généreuse dans son dispositif. Cet équilibre transforme ce qui pourrait ressembler à une sorte de «Fond de la corbeille» trash, pour faire référence à un ancien programme de la chaîne, en un moment qui sonne assez neuf.
Quatorze émissions de 25 minutes sont prévues pour l'instant, ce qui mènera «Mauvaise langue» jusqu'en juin. On souhaite à la bande à Wiesel d'en profiter à fond. «Il vous faudrait un bon petit scandale à cause d'une vanne», lui dit-on. «Peut-être pas avant le 4 mars, après on verra.» Les vendredis soir promettent des éclats de rire.