JO de TokyoTimea Bacsinszky: «Jouer aux JO pour l’or, c’est génial»
La Vaudoise estime que Belinda Bencic a besoin d’enchaîner des matches pour se mettre en confiance. Elle est aussi très heureuse pour sa copine Viktorija Golubic.

- par
- Christian Maillard

À Rio en double, avec Martina Hingis, Timea Bacsinszky avait aussi disputé la finale.
À l’instar d’une majorité d’Helvètes ce jeudi matin, Timea Bacsinszky a forcément vibré devant son poste de télévision lorsque Belinda Bencic, tout d’abord en simple, avant d’enchaîner en double avec Viktorija Golubic, s’est qualifiée pour la finale olympique de tennis. Cinq ans après avoir donné beaucoup de bonheur aux Suisses en remportant avec Martina Hingis une médaille d’argent à Rio, Timea Bacsinszky s’est mise à la place de ses deux copines de Fed Cup qui vivent une histoire tout aussi belle au Japon.
Timea, comment avez-vous vécu ce jeudi de folie et ces deux qualifications suisses pour la finale olympique de tennis?
Je n’ai pas pu voir, malheureusement, la fin du dernier jeu du simple de Belinda Bencic en direct mais j’ai revu des images et surtout le reste du match où elle a super bien joué. Que ce soit Belinda ou Viktorija, on sent que cela leur fait du bien de sortir de cette pression du circuit. Même s’il n’y a pas de public, l’ambiance des JO est complètement différente et le prestige est tout aussi important qu’un Grand Chelem, surtout avec les circonstances spéciales du Corona. C’est une immense motivation d’évoluer à ce niveau autant en simple qu’en double, c’est fantastique. Elles savent déjà qu’elles ont une médaille mais de pouvoir jouer aux Jeux pour l’or, c’est encore plus grisant. C’est chouette surtout pour Vicky que je connais bien pour avoir joué souvent à ses côtés en double en Fed Cup. C’est une fille absolument géniale. À vrai dire, Belinda aussi, les deux méritent ce qui leur arrive.

Le sourire de Viktorija Golubic et de Belinda Bencic après leur qualification pour la finale ce jeudi.
On voit à leur sourire qu’elles ont énormément de plaisir sur le court, d’être à ces JO de Tokyo. Comme vous à Rio avec Martina, c’est la première fois qu’elles jouent ensemble à ce niveau. C’est la magie des Jeux?
Oui, tout à fait. Quand on doit être au coude à coude, il n’y a pas d’autres options, surtout quand on n’est que deux dans le tennis suisse à représenter notre sport et notre pays. Aux Jeux, il y a cette atmosphère spéciale que nous avions aussi ressentie avec Martina. À la base, on devait être une grande équipe de six avec en plus Roger Federer, Stan Wawrinka, Viktorija Golubic et Belinda Bencic. Mais au final, nous nous étions retrouvées que les deux. On s’était dit gentiment mais c’est qui ces «lâcheurs». Comme ils étaient blessés, on avait fait en sorte que le tennis suisse soit fier de nous. Parce qu’aux JO, on ne représente pas uniquement la Suisse, mais notre discipline à l’intérieur du pays, c’est une fierté sachant qu’il y a énormément de protagonistes pour une si petite nation. On s’était inspirées du passé pour aller le plus loin possible, jusqu’en finale.
‹‹Les rencontres de double ne sont pas hyper longues et Belinda Bencic reste une joueuse qui a besoin de rythme, d’enchaîner des matches.››
Contrairement à Viktorija Golubic, Belinda a enchaîné depuis quelques tours deux matches par jour: où puise-t-on cette énergie alors qu’il n’y a pas de public?
Je pense que cela s’appelle une médaille! C’est amplement suffisant comme motivation. Maintenant, l’effort en double n’est pas le même qu’en simple. Il ne faut pas oublier non plus qu’il y a cinq ans, avec Martina, en double, nous jouions trois sets complets. Il n’y avait pas, comme cette année à Tokyo, un super tie-break au 3e. Avec un set de moins, cela a fortement raccourci le temps de jeu. Les rencontres de double ne sont pas hyper longues et Belinda Bencic reste une joueuse qui a besoin de rythme, d’enchaîner des matches. C’est ce qui lui permet de prendre confiance dans les moments importants. Comme si cela la rassurait de taper la balle. Si on regarde les rencontres qu’elle a disputées, les scores étaient serrés mais les échanges n’étaient pas très longs. Je pense que la forte chaleur en est la raison, les joueuses font tout pour abréger les échanges. Mais c’est mentalement qu’elles doivent bien rester dans le match et c’est là que c’est le plus compliqué mais elles le font très bien.
‹‹Moi aussi, quand je perdais mon service, je savais que je pouvais le reprendre derrière et qu’un match était encore assez long pour breaker.››
Comment expliquez-vous que Belinda Bencic perde autant son service? Est-ce à cause de la chaleur, de la fatigue ou de la pression inhérente à la médaille?
Je pense qu’il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte. Que ce soit face à Anastasia Pavlyuchenkova ou Elena Rybakina, Belinda s’est retrouvée face à des excellentes retourneuses. Alors, quand on est au service, face à de telles joueuses, on prend forcément un peu plus de risques. Aux journalistes qui ont tendance à nous comparer hommes et femmes, j’ai envie de dire que «messieurs, mesdames, le tennis féminin n’a pas les mêmes caractéristiques que le tennis masculin». Alors oui, il y a des filles qui servent hyper bien et d’autres qui ne sont pas des spécialistes, mais derrière, elles retournent très bien. Idéalement, il faudrait que les deux soient parfaits, mais, que ce soit chez les hommes ou les femmes, personne n’est parfait dans tout. Quand Belinda n’arrive pas à bien servir, je n’ai pas trop peur. Moi aussi, quand je perdais mon service, je savais que je pouvais le reprendre derrière et qu’un match était encore assez long pour breaker. C’est dans les mœurs de dire que le service on doit le gagner, mais non, le tennis a évolué ces dernières années, les femmes renvoient souvent les balles à 200 à l’heure. Ce n’est pas aussi simple de servir, surtout lors d’un tel événement où on force toujours un peu. Quand on est pris par les émotions, la main tremble un peu parfois.

Que ce soit avec Belinda Bencic (2e depuis la gauche) ou avec Viktorija Golubic (à sa droite), Timea Bacsinszky a passé de bons moments en Fed Cup.
Vous qui étiez à la place de Belinda Bencic et de Viktorija Golubic il y a cinq ans à Rio, quels conseils pouvez-vous leur donner avant leur finale?
Je sais comment cela se passe quand on arrive à ce stade de la compétition dans un grand tournoi. Avec le décalage, comme à Rio, le téléphone est probablement surchargé de messages. À ce moment-là, on ne répond qu’à ses proches pour garder de l’énergie. Maintenant, Belinda, qui est déjà allée loin dans de grands tournois, sait très bien ce qu’elle doit faire. Je n’ai pas de conseil à lui donner, si ce n’est juste qu’elle profite, qu’elle vive chaque instant à fond et qu’elle soit fière d’elle surtout. Il y a tellement de personnes qui disaient qu’elle n’y arriverait pas. Quand on était en Fed Cup, je lui répétais qu’elle était tellement jeune que ce n’était pas le plus important de remporter 5 Grand Chelem à 22 ans. Qu’elle devait surtout avoir du plaisir tous les jours et de vivre des émotions, peu importe qu’elle arrive ou pas à devenir numéro un mondiale à la fin de sa carrière. Il fallait surtout qu’elle donne son maximum pour être fière d’elle. Et là, elle peut être fière d’elle, comme Viktorija Golubic…