Tennis«Timea est la preuve qu’il faut toujours y croire»
La guerrière de Belmont a rangé sa raquette vendredi. Plusieurs personnalités qui ont côtoyé Timea Bacsinszky à travers sa carrière reviennent avec nous sur son parcours hors du commun.

- par
- Thibaud Oberli

Timea Bacsinszky en conférence de presse avec ses coéquipières lors de la Fed Cup à Bienne, le 6 février 2020;
"Merci pour les moments durs, les sourires, les larmes, les doutes mais surtout les enseignements que tu as pu me transmettre" écrivait Timea Bacsinszky, en s’adressant à son sport au crépuscule de sa carrière dans le tennis professionnel. Durant ces 18 ans de carrière, la Vaudoise a avancé à son rythme pour finalement s’offrir le plus beau palmarès du tennis féminin romand. Des émotions qui ont marqué le public, mais aussi le microcosme du tennis romand et suisse, comme nous l’ont raconté Claudio Mezzadri, Heinz Günthardt, Jean-François Collet et Christiane Jolissaint, qui ont tous côtoyé la joueuse de Belmont:
Claudio Mezzadri (Ancien joueur de tennis, maintenant Journaliste et commentateur sportif, spécialisé dans le tennis à la RSI)
Ce qui m’a le plus marqué, c’est la manière avec laquelle elle a réussi à arriver à son meilleur niveau. C’était assez tard, aux alentours de 25 ans. Timea avait beaucoup de problèmes, sur le court comme en dehors, avec des blessures. Elle avait même décidé d’arrêter de jouer. C’était vraiment triste de voir tous ces problèmes.
Ensuite, elle a réussi à résoudre la situation et immédiatement, elle jouait la demi-finale à Roland-Garros, qu’on a vécu (ndlr: il l’a commenté pour la télévision tessinoise).
C’était fantastique, et comme je l’avais vécu, cela allait au-delà du résultat. J’étais vraiment content de voir qu’après tous ses sacrifices et ses problèmes, elle a réussi à avoir une énorme satisfaction. Plus qu’une récompense, c’était une sorte de justice qui lui était rendue pour ce qu’elle avait donné et qu’elle n’avait jamais reçu en retour.
Elle a donné l’image d’une joueuse qui n’abandonne jamais, qui veut toujours essayer de changer les choses. C’est la preuve qu’il faut toujours y croire, même quand les choses semblent impossibles. C’est un exemple important dans la vie. C’est aussi un exemple de joueuse toujours souriante, disponible, douce aussi.
Maintenant, c’est à elle de décider comment elle veut continuer sa vie. Elle a une très bonne image. Elle est capable de très bien parler en public. Je ne sais pas ce qu’elle voudra faire, mais à mon avis, elle dispose de beaucoup de possibilités. Ce n’est pas toujours le cas chez les sportifs. Je la vois autant dans le monde du tennis qu’en dehors.
Heinz Günthardt (Ancien joueur de tennis, sélectionneur de l’équipe de suisse de Fed Cup depuis mars 2012)

Timea Bacsinszky en pleine discussion avec le capitaine de l’équipe suisse Heinz Günthardt alors qu’elle affronte la joueuse française Kristina Mladenovic lors du premier tour de la Fed Cup entre la Suisse et la France à Genève le 12 février 2017
Je suis capitaine de l’équipe de Fed Cup, donc j’étais sur la chaise plusieurs fois lorsqu’elle a joué des matches très serrés. C’était extraordinaire de voir comme elle se battait. C’est une grande compétitrice. Mais avec l’équipe, elle était encore capable de donner plus. Cela a créé une atmosphère. Tout le monde pensait que tout est possible. À l’entraînement aussi elle était très importante dans l’équipe. Une sorte de locomotive pour les autres.
Pour moi les moments les plus marquants étaient donc en Fed Cup, puisque j’étais sur le court. Mais pour elle, le moment le plus spécial est peut-être la demi-finale de Roland Garros contre Serena Williams (ndlr: en 2015). Elle a joué un match extraordinaire. Elle a eu la possibilité de gagner Roland-Garros deux fois, mais sa performance dans le match contre Serena était super.
Elle a engrangé énormément d’expérience et c’est une compétitrice extraordinaire. Elle connaît aussi très bien le jeu. Elle sait ce qu’il faut faire. J’espère qu’elle va rester dans le tennis et je suis optimiste par rapport à cela. En plus, elle a de «bons yeux» pour le tennis, par rapport à la stratégie notamment, elle est très forte Elle a annoncé qu’elle aidera à Lausanne, avec des jeunes dans une école. Ce serait très intéressant, pour elle comme pour les jeunes. Après il faut voir toutes les possibilités qui vont s’offrir à elle.
Christiane Jolissaint (Ancienne joueuse de tennis, présidente adjointe de Swiss Tennis et capitaine de Timea Bacsinszky en Fed Cup avant 2012)

Timea Bacsinszky et la Capitaine Christiane Jolissaint, alors que la Suisse se mesurait à la Suède à la Fed Cup , le 17 avril 2011.
Sa première demi-finale à Roland-Garros était un moment très fort, qui l’a poussé vers le haut de la pyramide. Ça lui a peut-être permis de gagner de la confiance, importante pour la suite.
Pour moi, Timea est une guerrière. Quand elle entre sur le terrain, c’est pour gagner, donner le meilleur d’elle-même, trouver les solutions quand ça ne va pas. Elle ne lâche rien jusqu’à sa dernière balle. Elle a aussi beaucoup de respect pour ce que les gens lui ont donné.
C’est quelqu’un qui aime beaucoup la vie. Elle aime partager, elle a beaucoup de charme, elle est charmante et charmeuse. Elle aime aussi être avec les gens. C’est quelqu’un que je verrai bien dans la communication, où alors dans un endroit où elle peut-être avec des gens.
D’un autre côté, je pense que c’est important qu’elle puisse partager ses connaissances, qu’on ne peut acquérir que par l’expérience en tant que joueuse de tennis. Elle pourrait le partager avec les meilleures joueuses et joueurs. J’insiste sur les joueuses, car nous manquons beaucoup de femmes entraîneurs en Suisse. Peut-être que pendant quelque temps cela ne l’intéressera pas, elle aura peut-être envie de faire un break par rapport au tennis. C’est vivre une autre vie. Moi j’avais arrêté pendant 11-12 ans, avant de me relancer dans le monde du tennis en devenant entraîneur.
Si elle pouvait, peut-être à moyen terme, partager ses connaissances, ce serait vraiment bien pour apporter encore quelque chose de plus que ce qu’elle a déjà apporté au tennis suisse.
Jean-François Collet (Fondateur de Grand Chelem Management, en charge du Swiss Open Gstaad (ATP) et du Ladies Open Lausanne (WTA)).

Jean-François Collet, au Swiss Open de Gstaad, le 24 juillet 2016
Elle a été notre ambassadrice depuis le début de notre aventure dans la WTA, au début du tournoi de Gstaad et à Lausanne. De mon côté, ce qui m’a le plus marqué était la finale qu’elle avait disputée à Gstaad (ndlr: en 2018, alors qu’elle évoluait en double avec l’Espagnole Lara Arruabarrena. Elles s’étaient inclinées contre Alexa Guarachi et Desirae Krawczyk).
Pour moi ses plus belles qualités, qui sont rares dans le monde du sport, sont que c’est une personne loyale, franche et sincère. Avec elle et les gens qui s’occupaient de sa carrière, nous avons toujours pu avoir des discussions sincères, trouver des solutions. C’était une athlète rare, aussi dans ce sens-là, ce qu’elle est toujours d’ailleurs! C’est une personne sincèrement attachante.
Elle fait partie des athlètes qui ont marqué le tennis féminin! Avoir été 9e mondiale, avec aussi les résultats qu’elle a décrochés, notamment à Roland-Garros, ce n’est pas quelque chose qui arrive tous les jours. Si vous prenez Marc Rosset et Stan, Timea fait partie des trois athlètes qui ont le plus marqué le tennis romand, voir Suisse.
Maintenant, elle peut faire tellement de choses! Je ne sais pas si elle a envie de coacher, si c’est son truc de suivre des joueuses aux quatre coins de la planète. Mais elle peut faire plein de choses: capitaine de l’équipe de Fed Cup, participer à l’organisation de grands tournois féminins. Elle a aussi beaucoup d’entregent.