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Lieux publicsTolérance zéro pour les odeurs

Dans les transports, les musées ou la rue, nous avons les senteurs fortes dans le nez. Et le vent ne va pas tourner.

Sébastien Jost
par
Sébastien Jost
Le parfum d'un kebab dans les transports publics peut donner lieu à de sacrés conflits.

Le parfum d'un kebab dans les transports publics peut donner lieu à de sacrés conflits.

Cat Gwynn/Gettyimages

Une famille pauvre virée récemment du Musée d'Orsay, à Paris, parce que son odeur dérangeait les autres visiteurs; une conductrice de tram à Bâle qui arrête son véhicule la semaine dernière parce que les effluves du kebab dévoré par une voyageuse l'importunaient; les CFF qui annoncent lundi que des fragrances de pomme vont être diffusées dans les toilettes des trains. La chasse aux mauvaises odeurs est ouverte.

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'aujourd'hui les émanations d'aisselles, de clope ou de latrines ne sont pas en odeur de sainteté. «Dans le monde aseptisé et valorisant la jeunesse dans lequel nous vivons, les odeurs fortes nous indisposent, explique la psychosociologue Christine Marsan. Partout, il y a des désodorisants, des diffuseurs de fragrance. On cherche à généraliser une ambiance florale. Les odeurs nous font peur, elles renvoient, faussement, à l'idée de mort et de maladie.»

Selon cette spécialiste des conflits, notre monde moderne a les émanations corporelles particulièrement dans le nez. «En raison du tabou qui entourait jusqu'à il y a peu tout ce qui concerne la chair, note la psychosociologue. Et aussi parce que, devenus pour la plupart des citadins, nous avons perdu tout contact avec la nature.» Et que, si nous supportons allègrement les gaz d'échappement, ceux des vaches nous donnent la nausée.

En ce qui concerne la nourriture, Christine Marsan souligne que les attaques sur le fumet de tel ou tel plat peuvent s'expliquer par le rejet de l'autre. «La radicalisation qui apparaît dans certains pays européens contre la diversité peut se reporter sur les odeurs. Les plats exotiques, épicés sont souvent pris pour cible.» Alors que la fondue peut paisiblement distiller son incomparable parfum. En Suisse, en tout cas. Dans le domaine olfactif, la mode aussi a une influence. Avec l'interdiction de fumer, l'odeur de clope est aujourd'hui pestiférée. Impensable il y a 20 ans.

Si tout le monde possède sa propre odeur, chaque individu réagit différemment aux stimuli subis par son odorat. Un sens aussi subtil que performant puisque, chez l'humain, il est capable de détecter 10'000 substances. Et dans ce domaine, les femmes sont plus performantes que les hommes. Mais quel que soit le sexe, les réactions face à la puanteur sont souvent violentes, comme le montrent les événements récents. «Les odeurs, en particulier corporelles, sont un tabou dans nos sociétés, explique l'auteure de «Gérer et surmonter les conflits». Nous n'avons donc pas les mots pour dire les choses. On réagit soit en contournant le problème, soit en adoptant une attitude agressive.» La meilleure manière pour que les autres nous aient dans le nez.

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