TémoignageTombé tout seul à vélo, il est amendé!
Un cycliste perd l'équilibre sur une plaque d'égout et chute sur le trottoir. Une «perte de maîtrise» facturée 130 fr., ce qui met le Neuchâtelois en colère.
- par
- Vincent Donzé

La chute est survenue sur une piste cyclable, entre Neuchâtel et Hauterive (NE).
Le vélo, c'est une passion pour Dominique Leuba (58 ans). «J'avale 5000 kilomètres par an», dit l'ancien sociétaire du Vélo Club Vignoble Colombier, qui s'est mesuré au champion Pascal Richard dans une épreuve avec handicap. D'où sa colère quand la police neuchâteloise lui reproche d'avoir perdu la maîtrise de sa bicyclette.
C'est un accident individuel survenu le dernier samedi de juillet qui lui a valu une amende de 130 francs, suite à une dénonciation de la police neuchâteloise. Dominique Leuba circulait sur la bande cyclable de la route des Gouttes-d'Or, à Neuchâtel, lorsque «suite à une inattention», selon la police, «il n'a pas remarqué une petite bosse ou l'emplacement d'un trou sur la chaussée».
Ce que le cycliste ne conteste pas, c'est que, «déstabilisé», il s'est retrouvé avec les coudes sur le guidon, comme le stipule la police. Selon la reconstitution, la roue avant de son vélo de course a d'abord heurté le bord du trottoir. «Après avoir heurté le trottoir avec la pédale de droite de son engin à plusieurs reprises, M. Leuba a une seconde fois touché le bord du trottoir avec la roue avant de son cycle, puis a lourdement chuté.»
Un recours qui coûte cher
Résultat: une commotion et des hématomes. «Quand j'ai repris connaissance, l'ambulance était là», raconte Dominique Leuba, qui a passé une nuit à l'hôpital. Le mardi suivant, il était au boulot. Mais la machine judiciaire était déjà lancée. «Je suis profondément choqué d'avoir reçu en guise de vœux de prompt rétablissement une amende mal libellée», fulmine ce gérant d'immeubles. «En quoi j'ai violé les règles de la circulation?» s'est-il interrogé, en stipulant n'avoir rien endommagé ni mis personne en danger. S'il fulmine, c'est aussi parce qu'en cas de recours, il risque de payer 425 francs de frais.
Jeudi, le chef de la police de circulation, Alain Saudan, a fait preuve de compassion: «Tout d'abord, j'espère que vous vous remettez de cet accident et je vous souhaite sincèrement un bon rétablissement.» Mais sur le plan juridique, il n'a rien cédé: selon l'art. 31 al. 1 de la loi sur la circulation routière (LCR), un conducteur «devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. Ceci également pour les cyclistes.» Avocat mandaté à Genève par Pro Vélo, Sébastien Voegeli a défendu des cyclistes plus sévèrement amendés: «La même infraction lui aurait valu 2000 francs à Genève, en vertu des directives du procureur général.» Contester des contraventions «excessives», c'est la mission qu'il s'est assignée, dans l'espoir d'une jurisprudence du Tribunal fédéral.
Un conducteur ne doit-il pas vouer «son attention à la route», comme le stipule la loi? «Une perte de maîtrise implique une inattention, ce qui n'est manifestement pas le cas de Dominique Leuba», soutient Sébastien Voegeli. Cet avocat n'est pas loin de rejeter la responsabilité de l'accident sur l'Etat. «Aucune faute ne peut être reprochée au cycliste, c'est l'Etat qui n'a pas nivelé la plaque d'égout et exempté la route de tout défaut!»