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cyclismeTour d'Espagne: gagner deux Grands Tours d'affilée, mission impossible? (PAPIER D'ANGLE)

Par Jean DECOTTE Burgos (Espagne), 8 sept 2015 (AFP) - Remporter deux Grands Tours consécutifs était l'ambition d'Alberto Contador et Chris Froome cette saison, mais ni le vainqueur du Tour d'Italie ni celui du Tour de France n'ont réussi cet exploit rare, que plusieurs coureurs et suiveurs du Tour d'Espagne jugent désormais chimérique.

Environ quatre semaines entre le Giro et le Tour, puis entre le Tour et la Vuelta, c'est très court pour les prétendants à la double couronne. Surtout dans le cyclisme moderne où la préparation d'une course de trois semaines peut débuter des mois à l'avance. Si l'Espagnol Alberto Contador a dominé le Giro en mai, il a payé ses efforts au Tour de France en juillet (5e). Et le Britannique Chris Froome, qui a survolé la Grande Boucle, a eu des coups de fatigue inhabituels sur la Vuelta, qu'il a quittée jeudi après une fracture à un pied. Après nombre de doublés tout au long du XXe siècle (Coppi, Merckx, Hinault...), l'Italien Marco Pantani reste le dernier coureur à avoir réussi un tel enchaînement avec sa razzia Giro-Tour en 1998. Mais son directeur sportif de l'époque, Giuseppe Martinelli, n'envisage plus qu'un seul type de doublé: Giro en mai puis Vuelta en août-septembre, comme l'avait réussi Contador en 2008. "Giro-Tour la même année, c'est impossible et Contador l'a montré cette saison", a expliqué à l'AFP le manager de l'équipe Astana sur la Vuelta. "C'est le plus grand champion capable de réussir un tel doublé mais il s'est heurté à de grandes difficultés." Quant au doublé Tour-Vuelta, il semble encore plus ardu en raison d'une pression "décuplée" sur l'épreuve française, fait valoir Didier Rous, directeur sportif de l'équipe française Cofidis. "Un vainqueur du Tour est tellement sollicité pendant l'épreuve et après... Obligatoirement, il y a un phénomène de décompression", souligne l'ancien double champion de France. Le doublé, c'est aussi dans la tête: après trois semaines sous haute tension, recommencer un mois plus tard requiert beaucoup de fraîcheur physique et mentale. "Quand le psychologique commence à être un peu entamé, le physique va moins bien", prévient Didier Rous. "Mentalement, c'est dur", confirme le coureur français Sylvain Chavanel (IAM), qui s'est lancé cette saison le "défi personnel" de courir les trois Grands Tours. De telles courses, "ce sont quand même quatre semaines loin de la maison (à compter du début du rassemblement de l'équipe, NDLR). Pour l'équilibre familial, c'est pesant." Il s'agit aussi de bien calibrer l'entraînement pour arriver en forme aux moments requis. "C'est déjà assez difficile de trouver son pic de forme, alors d'en trouver plusieurs...", sourit Chavanel. A l'image de Froome, victime d'une chute dans la 11e étape du Tour d'Espagne, des incidents de course peuvent soudainement tout ruiner. Et les parcours du Giro et de la Vuelta, de plus en plus exigeants pour assurer le spectacle, rendent un doublé d'autant plus aléatoire. "Sportivement, au niveau du relief, c'est le Giro le plus dur", estime Rous. "La Vuelta comporte moins de pression mais c'est la fin de saison et il y a plus de fatigue." Cette usure explique peut-être l'hécatombe de chutes observée cette année sur l'épreuve espagnole: outre Froome, Tejay van Garderen (BMC) ou Dan Martin (Cannondale-Garmin) ont jeté l'éponge après être tombés. Et Vincenzo Nibali (Astana), venu sauver sa saison en Espagne, a été exclu pour s'être accroché à sa voiture après avoir été distancé sur chute. En outre, le plateau de chaque course semble plus relevé que par le passé, avec davantage de vainqueurs potentiels. La compétition n'en devient que plus nerveuse: "On ne peut plus prendre les courses à la légère", prévient Chavanel. "Dès le départ, il faut avoir le couteau entre les dents." Enfin, réussir un doublé implique d'avoir à disposition deux équipes successives autour du leader. Sans doute la formation Tinkoff-Saxo de Contador a-t-elle été trop peu remaniée entre Giro et Tour, tandis que le Gallois Geraint Thomas (Sky), épatant aux côtés de Froome sur le Tour de France, dispute la Vuelta dans un relatif anonymat. "Comme dans le foot ou le rugby, aujourd'hui c'est le banc qui fait la différence", conclut Didier Rous. jed/dhe

(AFP)

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