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AnniversaireTrente ans après, l'esprit Canal vit-il toujours?

Le 4 novembre 1984, Canal+, toute première chaîne de télévision à péage naissait en France. Trente ans plus tard, elle est de plus en plus concurrencée par le web.

par
cht
Les marionnettes des Guignols, ici PPDA et Jacques Chirac, dont les voix sont réalisées par l'imitateur Yves Lecoq, sont des incontournables de Canal+.

Les marionnettes des Guignols, ici PPDA et Jacques Chirac, dont les voix sont réalisées par l'imitateur Yves Lecoq, sont des incontournables de Canal+.

AFP

«Les Guignols», «Les Deschiens», «Groland», «La Connasse», «Bref», «Le Grand Journal», «Le Petit Journal», «Les Nuls»... L'esprit Canal, mélange d'insolence et de dérision, reste vivace sur Canal+ trente ans après mais il est concurrencé par internet, royaume de la transgression.

Pour conserver un «esprit Canal» modernisé, Canal+, plus que toute autre chaîne, va chercher ses nouveaux talents sur internet. «Dans nos talents d'antenne, la moitié vient du net et l'autre de la scène classique», explique le directeur général de Canal+ Rodolphe Belmer.

Un humour très reconnaissable

Les bagarres de farine et de miel entre Antoine de Caunes et Jango Edwards, DSK et son peignoir panthère, Jacques Chirac mangeant des pommes dans les Guignols, les publicités revisitées des Nuls, José Garcia en Lady Di, Philippe Vandel présentant sans tabou le journal du hard : Canal+ s'est démarqué des autres chaînes par ses programmes uniques au ton décalé.

«Il y a encore un esprit Canal. Je le définirais comme créativité, liberté, modernité et un ancrage dans les talents. Quand nous recrutons des talents, nous cherchons des gens avec un propos, créatifs, pas des animateurs de télévision qui créent seulement du rythme», a-t-il commenté en citant le duo de comédiens «Catherine et Liliane», Stéphane de Groodt ou Guillaume Gallienne.

«Nous allons les chercher dans les salles de spectacles y compris les plus obscures, et aussi sur le net où se trouve la jeune génération créative. C'est pour cela que nous avons acquis Studio Bagel (le collectif d'humoristes du net), comme un centre de détection. Nous avons même une séquence avec le Gorafi (site satirique de fausses nouvelles)», a-t-il poursuivi.

L'esprit Canal évolue

«L'esprit Canal évolue avec le temps car les figures qui l'incarnent se rajeunissent. Voilà pourquoi il y a l'esprit Canal du passé, dont on a la nostalgie, et celui d'aujourd'hui, qui est magnifique», estime-t-il.

«En 1984, Canal+ a voulu bousculer l'establishment télévisuel, être transgressif par rapport à la télévision publique. C'était le début des années 1980, il y avait un esprit libertaire. Et à l'abri du crypté, on pouvait faire plus de choses», rappelle Monique Dagnaud, directrice de recherche au CNRS, spécialiste des médias.

«Pour le politique, ils ont joué le décalage, une tonalité très nouvelle à l'époque. Canal a aussi permis la banalisation du porno». Mais à l'heure d'internet, il est plus difficile de surprendre un public blasé.

Infotainment

«Aujourd'hui, il reste les ingrédients de l'époque -dont le porno et la tonalité de l'information- mais internet est allé beaucoup plus loin que ce que Canal+ pouvait faire. Beaucoup de choses, comme la culture du lol, de l'infotainment, sont nées sur Canal et se sont amplifiées sur internet», a-t-elle souligné.

Les sketches du Petit Journal singeant les politiques, d'Action Discrète ou ceux de «La Connasse» sont-ils moins grinçants qu'avant ? «Canal+ est resté dans sa veine première mais la tonalité Canal + s'est banalisée sur internet. Les gens se sont habitués, il n'y a plus l'effet »comment ont-ils osé?«, répond Monique Dagnaud.

»Je ne suis pas sûre que les choses se soient édulcorées à la télévision. C'est la perception, la sensibilité des téléspectateurs qui s'est émoussée. Ce qui paraissait d'une audace incroyable à l'époque, aujourd'hui les gens en ont une perception beaucoup plus atténuée«, a-t-elle conclu.

»Aujourd'hui, la transgression c'est la téléréalité, lorsque l'on rentre dans le monde très intime, dans les souffrances, les passions, les excès des individus. On filme de manière très intrusive, on va sans cesse plus loin. Canal n'a pas pris cette voie«.

Bref revient

Le mini-format à succès «Bref», qui n'était resté qu'un an à l'antenne de Canal+ et s'était arrêté en juillet 2012, revient pour les 30 ans de Canal+, avec une dispositif en ligne qui permet à l'internaute de créer des épisodes uniques de la série et à l'infini.

Accessible depuis le site de la chaîne, canalplus.fr, ce genre de cadavre exquis propose «une série illimitée d'épisodes uniques de Bref à partir d'une combinaison d'algorithmes exponentielle», indique Canal+.

«L'internaute pourra choisir trois extraits parmi des archives de Canal+, comme les Deschiens, Groland, Jamel ou de Caunes, puis l'algorithme choisira aléatoirement un invité (parmi une centaine de stars) et créera un épisode unique, parmi des milliards de combinaisons possibles», a expliqué le producteur de My Box productions Harry Tordjman.

Le commentaire (la voix off) et la musique seront toujours les mêmes, seules changeront les archives -sélectionnées par l'internaute- et les invités, choisi par «le générateur de Bref».

(AFP)

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