EcomartyrsTués pour avoir voulu sauver la planète
En 2017, près de 200 personnes ont été tuées pour avoir voulu protéger l’environnement. Première responsable: l’industrie agroalimentaire.
- par
- Alexandra Brutsch
Esmond Martin, 76 ans, a été retrouvé mort, poignardé au cou, dans sa maison de Nairobi (Kenya) le 4 février dernier. Le géographe américain, figure de la lutte contre le trafic d’ivoire, enquêtait depuis des décennies sur le commerce illégal de cornes de rhinocéros et de défenses d’éléphant, plus précisément sur la demande du marché asiatique. Ironie du sort, au même moment, la Chine puis Hongkong décidaient d’interdire ce commerce.
Si Esmond Martin était un expert de renommée mondiale, de nombreux anonymes paient également de leur vie leur engagement pour l’environnement. En 2017, 197 activistes, leaders indigènes, scientifiques ou simples villageois ont été tués pour avoir tenu tête à des trafiquants, à des entreprises ou à des gouvernements. Soit près de quatre par semaine, souligne l’ONG Global Witness, qui effectue ce macabre décompte chaque année depuis 2002.
Certains tentaient d’empêcher que leurs terres ne soient accaparées pour être transformées en plantations de café, en mines de cuivre ou en projets immobiliers, tandis que d’autres luttaient contre le braconnage ou encore le pillage des ressources forestières.
L’industrie minière dépassée
Depuis 2015, le bilan avoisine chaque année les 200 homicides, et l’Amérique latine reste le premier théâtre de ces meurtres, principalement commis dans les montagnes et les forêts reculées. Global Witness attire toutefois l’attention sur un renversement qui s’est opéré en 2017: pour la première fois, le business de l’agroalimentaire a dépassé l’industrie extractive pour devenir le secteur le plus lié aux homicides d’activistes. En cause? La croissance massive de la demande en soja, en huile de palme et en viande de bœuf, qui pousse les exploitants à convoiter de plus en plus avidement les terres indigènes et les lopins des petits paysans.
«C’est particulièrement le cas en Amazonie, où l’abondance des ressources est inversement proportionnelle à la sévérité des lois de protection de l’environnement, explique Billy Kyte, chargé de campagne pour l’organisation. On constate le même phénomène sur l’île de Mindanao, aux Philippines, dotée de richesses considérables mais où les exploitants jouissent d’une quasi-immunité en raison de la loi martiale instaurée dans la région pour contrer un soulèvement islamiste.»
Deux meurtres en Espagne
Quant à l’Europe, on dénombre deux victimes: deux gardes forestiers, abattus en Catalogne alors qu’ils approchaient un chasseur soupçonné d’utiliser un fusil sans permis. Global Witness reconnaît toutefois que sa base de données est incomplète. «De nombreux meurtres ne sont pas rapportés, et seule une minorité fait l’objet d’une enquête, rapportait l’ONG au Guardian, partenaire dans la publication du décompte. Et, dans les pays situés dans des zones de conflit, il peut être difficile de confirmer qu’un homicide est lié à l’activisme de la victime.»