GenèveUn activiste du climat conteste son amende
Un militant pro-climat doit répondre de dommages à la propriété sur un bâtiment de Credit Suisse. Il s'oppose à son ordonnance pénale, voulant un débat public sur sa cause.

L'avocate du prévenu, Laïla Batou, a une nouvelle fois plaidé l'état de nécessité.
Le second procès climatique de Suisse a eu lieu mardi devant le Tribunal de police de Genève. Un militant pro-climat du collectif Breakfree Suisse a comparu pour dommages à la propriété sur un bâtiment de Credit Suisse (CS). Son avocate a plaidé l'état de nécessité.
«Il serait obscène de condamner des jeunes pour laisser des banques détruire la planète», a souligné l'avocate du prévenu, Laïla Batou, au terme de sa plaidoirie. Un acquittement permettrait de protéger le droit et la foi en la justice des jeunes militants, faute de quoi ils pourraient être poussés à agir de manière bien pire que lors de l'action «mains rouges», a-t-elle mis en garde.
Les faits remontent au 13 octobre 2018, dans le cadre de la première grande Marche pour le climat. Une quinzaine de manifestants ont apposé leurs mains couvertes de peinture rouge sur des pages du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et sur le siège genevois de CS, afin de symboliser les victimes du réchauffement climatique.
Interpellé à la fin de l'action, le prévenu, âgé de 23 ans, a été condamné par ordonnance pénale à 20 jours-amendes à 30 francs avec sursis. Il s'y est opposé pour obtenir un débat public, à l'instar des douze militants poursuivis pour violation de domicile pour avoir mimé une partie de tennis dans les locaux de CS à Lausanne et dont le procès retentissant a eu lieu en janvier à Renens.
«Avenir très incertain»
«L'action visait à toucher à l'image du CS, pas à créer un dommage», a expliqué mardi le prévenu. Par la suite, des groupes écologistes se sont positionnés contre les banques et leurs investissements dans les énergies fossiles, a-t-il précisé, tout en se disant étonné que le CS lui réclame 2250 francs de frais de nettoyage: «Nous avions choisi des peintures lavables.»
Plaidant l'acquittement, Me Batou a invoqué l'état de nécessité. Elle s'est basée sur les rapports du GIEC pour démontrer l'urgence climatique: «On est bien face à un danger immédiat qui menace des biens juridiques individuels» comme la vie et la santé, tant physique que psychique. Son client a abandonné ses études d'ingénieur agronome, n'arrivant pas à se projeter dans un avenir qu'il juge «très incertain».
Alors que le prévenu est végétarien, ne prend plus l'avion et se déplace en transports publics, «CS et ses semblables mettent en échec tous les efforts des citoyens», a relevé l'avocate. Depuis 2015, date de la signature de l'Accord de Paris qui exige que les flux financiers soient compatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique, la banque a augmenté ses investissements dans le secteur de l'exploitation des énergies fossiles extrêmes.
Rôle d'arbitre
De son côté, la Confédération n'a pas concrétisé cet accord dans la législation suisse. Les particuliers n'ont donc pas de moyen de se défendre. Pire encore, selon Me Batou, le Conseil fédéral mise sur une autorégulation du marché liée à la réputation des établissements: «Il permet aux banques de se gaver au détriment des générations futures.» Or CS génère indirectement 22 fois les émissions de gaz à effet de serre de la Suisse. «La riposte ne peut qu'être collective et graduelle», a fait valoir l'avocate. Selon elle, l'action «mains rouges» a été efficace car visuelle. Elle a aussi contraint CS à sortir de sa tour d'ivoire et permis une recomposition du Parlement fédéral en octobre. «Depuis Renens, jamais la pression sur CS n'a été aussi forte. Il ne s'agit pas d'instrumentaliser la justice, mais de l'inciter à jouer son rôle d'arbitre.»
Contrairement au procès vaudois, le Ministère public et CS étaient représentés mardi. Ils ont demandé au Tribunal de police de confirmer la condamnation initiale. Pour le premier, le débat doit être politique. Quant à l'avocate du CS, elle a relevé que sa cliente «comprend parfaitement la cause défendue par les activistes», sans tolérer les dommages à la propriété. Le verdict sera rendu jeudi.