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UkraineUn an après Maïdan, l'UE tire les leçons de ses tâtonnements

La Commission européenne n'a pas saisi la portée géopolitique de l'Accord d'association qu'elle était en train de négocier avec l'Ukraine, selon des experts.

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Kiev doit chercher à convaincre la Cour internationale de Justice lundi que Moscou soutient le «terrorisme». (Lundi 5 mars 2017)

Kiev doit chercher à convaincre la Cour internationale de Justice lundi que Moscou soutient le «terrorisme». (Lundi 5 mars 2017)

Keystone
Le FMI et l'Ukraine sont parvenus à un accord préliminaire pour verser une nouvelle aide à ce pays en proie à la crise et à la violence. (Samedi 4 mars 2017)

Le FMI et l'Ukraine sont parvenus à un accord préliminaire pour verser une nouvelle aide à ce pays en proie à la crise et à la violence. (Samedi 4 mars 2017)

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Un pompier dégage des débris à la suite des bombardements des forces pro-russes. (Image du 25 février 2017)

Un pompier dégage des débris à la suite des bombardements des forces pro-russes. (Image du 25 février 2017)

AFP

Il y a un an, l'Ukraine renonçait à s'associer avec l'Union européenne sous la pression de Moscou, déclenchant la révolution de la place Maïdan et prenant de court une UE qui n'avait, selon les experts, ni mesuré la portée de ce rapprochement ni anticipé l'agression russe.

«On est allé au clash sans presque s'en rendre compte», résume Vivien Pertusot, responsable de l'Institut français des relations internationales (Ifri) à Bruxelles.

«Même les experts, les universitaires qui suivaient cela de près ont été surpris», souligne-t-il. «Personne n'a prévu la chaîne de réactions, peut-être même pas les Russes», confirme l'une de ces spécialistes, Giselle Bosse, professeure assistante à l'université de Maastricht.

Déjà 4300 morts en Ukraine

Le 21 novembre 2013, lors d'un sommet à Vilnius, le président pro-russe Viktor Ianoukovitch avait renoncé à la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne au profit d'une coopération accrue avec la Russie. Ce refus avait déclenché plusieurs semaines de manifestations pro-européennes et provoqué la fuite de M. Ianoukovitch après un bain de sang parmi les manifestants en février, suivie de l'annexion de la Crimée par la Russie début mars.

Le conflit dans l'est de l'Ukraine, déclenché en avril par des séparatistes prorusses, a fait plus de 4300 morts à ce jour.

L'Union européenne, qui s'était promis d'apporter paix et stabilité à l'Europe, a-t-elle semé les graines de la sécession voire de la guerre en empiétant sur la sphère d'influence d'une Russie souhaitant restaurer son ascendant sur d'anciens pays du bloc soviétique?

«La Commission européenne n'a pas saisi la portée géopolitique de l'Accord d'association qu'elle était en train de négocier» avec l'Ukraine, souligne M. Pertusot, rappelant que ce pays de 45 millions d'habitants devait «servir d'exemple» et illustrer les bienfaits de son «soft power».

Associée à l'Otan

Les experts et fonctionnaires européens se sont concentrés sur les aspects techniques, alors que politiquement, la Pologne et les pays baltes, espéraient «marquer ainsi une frontière clairement irréversible» avec la Russie, qu'ils «ne voulaient laisser naviguer seule dans ces pays», selon le chercheur.

«L'UE a peut-être déclenché quelque chose sans le vouloir», admet Mme Bosse.

Elle a «été de plus en plus associée à l'Otan dans la perception russe et quand le Partenariat oriental a accouché d'une offre concrète sous forme d'accords d'association et de libre-échange, la Russie a adopté une position ouvertement conflictuelle vis-à-vis de l'UE», écrivent les chercheurs Laure Delcour et Hrant Kostanyan dans une note du Centre for European Policy Studies (CEPS).

Une Russie agressive

Moscou a voulu faire pièce en lançant une union douanière et une Union économique eurasiatique, qui réunit déjà le Kazakhstan, le Belarus et l'Arménie et entrera en vigueur le 1er janvier 2015.

La crise du gaz avec l'Ukraine début 2009 ou la guerre éclair menée par la Russie en soutien aux républiques séparatistes en Géorgie quelques mois plus tard ont montré qu'elle pouvait se montrer bien plus agressive.

C'est dans ce contexte que le partenariat oriental, doté de centaines de millions d'euros d'aide par an, a été conclu par l'UE en mai 2009 avec l'Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et le Belarus. Les trois premiers ont finalement signé en juin un accord d'association et de libre-échange avec l'UE, ce qui représente un rapprochement économique, social et politique sans précédent avec Bruxelles, mais exclut toutefois une adhésion pleine et entière.

Réaction russe

En parallèle, et faute de consensus entre les 28, l'UE a laissé s'enliser le «partenariat stratégique» qu'elle appelait de ses voeux avec la Russie.

Le Partenariat oriental ne peut toutefois être blâmé seul pour avoir déclenché les interventions russes en Ukraine depuis le mois de mars. «Cela est beaucoup plus lié à une défense des intérêts de sécurité de la Russie, alors que l'Ukraine est stratégique pour elle», estime Mme Bosse.

Après la fuite du président Ianoukovitch, la Russie, qui a basé en Crimée une grande partie de sa flotte, «devait réagir» face à l'avènement imminent d'un pouvoir proeuropéen. Elle a alors «étendu sa zone de sécurité» en annexant la Crimée et en soutenant les rebelles séparatistes dans l'Est, explique la chercheuse.

A l'avenir et pour construire une vraie politique à l'Est, «l'UE ne devrait pas oublier que l'Otan est son ombre, elle doit être consciente» qu'elle est perçue ainsi en Russie.

(AFP)

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