États-UnisUn double meurtre vieux de 65 ans résolu grâce à l’ADN
La police a découvert qui avait tué une jeune femme de 16 ans et son petit ami de 18 ans en 1956: c’est la plus ancienne affaire éclaircie grâce à cette technique.

- par
- Michel Pralong

Patricia Kalitzke, 16 ans, et Lloyd Duane Bogle, 18 ans, ont été tués près de Great Falls, dans le Montana.
Depuis l’arrestation du Golden State Killer en 2018, les résolutions de cold case grâce aux recherches d’ADN sur les banques de données se multiplient aux États-Unis. Le bureau du shérif du comté de Cascade, dans le Montana, a annoncé mardi avoir éclairci un mystère datant de 1956. Cela en fait la plus ancienne affaire élucidée grâce à ce procédé, selon la «Great Falls Tribune».
Ce 3 janvier 1956, trois garçons se promènent près de la Sun River, à l’ouest de la ville de Great Falls. C’est alors qu’ils découvrent le corps de Lloyd Duane Bogle, 18 ans, Il gît près de sa voiture, qui a le moteur qui tourne et le frein à main serré. Il a les mains attachées dans le dos par sa propre ceinture et a reçu une balle dans la tête.
Le jour d’après, c’est le cadavre de Patricia Kalitzke, 16 ans, qui est découvert à quelques kilomètres de là. Elle a été violée avant d’être également abattue d’une balle dans la tête. Les deux victimes étaient en couple et parlaient même déjà mariage, même si Patricia était encore au lycée de Great Falls. Lloyd, lui, était un pilote d’avion venant du Texas et stationné la base militaire de Malmstrom, proche de Great Falls. C’est là qu’il avait rencontré Patricia.
Un spermatozoïde sur le corps de la victime
De nombreux suspects ont été envisagés, dont James Joseph «Whitey» Bulger, un criminel notoire qui se trouvait dans la région au moment des meurtres. Mais rien de concluant. En 2001, l’un des policiers du bureau du shérif du comté de Cascade, qui travaillait dans la salle des pièces à conviction, envoie au labo une lame de microscope d’un prélèvement vaginal effectué sur le cadavre de Patricia Kalitzke. On découvre alors un spermatozoïde qui ne venait pas de Bogle donc devait appartenir à son violeur.
C’était une pièce à conviction, mais qui n’a d’abord servi qu’à innocenter 35 suspects dans cette affaire, sans désigner le coupable. Tout a changé en 2018 avec l’arrestation du Golden State Killer grâce à l’utilisation de la généalogie médico-légale: comparer l’ADN découvert sur des lieux de crime à celui de bases de données généalogiques pour trouver des liens. En 2019, les policiers du Montana font donc appel à Bode Technology, le plus grand laboratoire privé de police scientifique des États-Unis, spécialisé dans ces recherches liées à l’ADN.
Un voisin de Patricia
Et cela fonctionne: la piste généalogique mène jusqu’à Kenneth Gould, né et qui a grandi à Great Falls. L’homme, âgé de 28 ans à l’époque, vivait près du domicile de Patricia Kalitzke. Il se promenait souvent à cheval dans la région. En 1952, alors qu’il avait 24 ans, il avait épousé une jeune femme de 16 ans. Le couple a notamment eu une fille, née un mois avant les meurtres, mais qui est décédée en 1960, à 4 ans, de maladie. Après les meurtres, la famille Gould a déménagé plusieurs fois avant de s’installer dans le Missouri en 1967, sans jamais revenir dans le Montana.

L’ADN retrouvé sur les lieux du crime a permis de remonter jusqu’à Kenneth Gould, décédé en 2007.
Le détective John Kadner, qui a repris l’affaire en 2012, a dû approcher les enfants survivants de Gould pour leur demander des échantillons d’ADN puisque leur père est décédé en 2007, à 79 ans et que son corps a été incinéré. Le policier explique avoir craint leur réaction lorsqu’il allait devoir leur expliquer que leur père était suspecté d’un double meurtre, mais ils ont pleinement collaboré. Et les résultats permettent aux enquêteurs de déclarer aujourd’hui que Kenneth Gould est «plus que probablement» l’auteur de ces crimes et que le dossier est désormais bouclé.
Aucun lien avec les victimes
Gould n’avait aucun antécédent criminel, n’a jamais été suspecté ou interrogé dans le cadre de cette affaire et n’avait apparemment aucun lien avec ses victimes avant de les abattre. Les policiers n’ont pu relier Gould à aucun autre crime connu. Il est donc décédé sans jamais avoir été inquiété. Mais pour les membres survivants des familles des victimes, c’est toujours un soulagement de pouvoir donner une réponse à un tel mystère.
Cette technique de recherche généalogique à partir d’ADN découverts sur les scènes de crime permet de résoudre de plus en plus d’anciennes affaires. Le 2 juin dernier, un homme de 76 ans a ainsi été démasqué et arrêté pour le meurtre dans l’Illinois d’une jeune fille de 15 ans, poignardée à plusieurs reprises. Et fin mai, c’est un homme de 69 ans qui a été arrêté pour un mystérieux double meurtre perpétré en 1982 dans une station de ski du Colorado.