Xamax relancéUn pied dans la moyenne, l'autre dans le surnaturel
Les deux faces des Neuchâtelois avancent de concert, laissant la porte ouverte à un nouvel exploit.

- par
- Florian Vaney

Il fallait se trouver à la Swissporarena pour se rendre compte de la charge psychologique qui a pesé dans les têtes xamaxiennes l'espace d'un instant. La scène? D'un côté, les joueurs neuchâtelois en possession du ballon aux abords de la surface du FC Lucerne. De l'autre, Stéphane Henchoz, hurlant à pleine bouche d'utiliser cette balle pour adresser un centre. Le cas de conscience qui se posait n'avait rien de simple: quatre Lucernois gardaient fermement leurs seize mètres, prêts à bondir sur le premier ballon aérien, pour un seul neuchâtelois, qui plus est totalement excentré sur la droite: Raphël Nuzzolo. Oui, la consigne grondée par le Fribourgeois paraissait incompréhensible, si ce n'est presque absurde.
L'hésitation des joueurs rouge et noir a ainsi duré une poignée de secondes, avant que, au dixième rappel de Stéphane Henchoz, Musa Araz ne finisse par piquer un ballon par-dessus la ligne défensive lucernoise. Et là, la magie a opéré. L'arrière-garde locale s'est oubliée un instant, Raphäel Nuzzolo a tenté une volée dans une position impossible et la sphère, bien aidée par une faute de main du gardien Marius Müller, a terminé sa course au fond des filets. Ouverture du score.
Destin forcé
À partir de là, trois possibilités. Soit le schéma était travaillé à l'entraînement, ce dont on peut fortement douter au vu de la spécificité de la situation. Soit Stéphane Henchoz est un visionnaire, ce qui est déjà un peu plus vraisemblable au regard de son parcours et de son expérience, mais qui n'enlève rien à l'incongruité de l'ordre qu'il commandait. Soit NE Xamax est à nouveau porté par une force bien plus grande que la somme de ses individualités. Comme il a parfois semblé l'être en fin de saison dernière. Comme il l'avait été lors du match retour des barrages contre Aarau.
En fait, les «rouge et noir» semblent jongler entre classique et paranormal, l'un en même temps que l'autre. Une vérité dit que Xamax propose son football de toujours depuis son ascension en Super League, généreux mais fragile. Ce football qui peut lui permettre de réaliser de vrais jolis coups, mais qui lui fait le plus souvent regretter ses moments d'égarement, ses occasions gâchées, et qui le rapproche inexorablement de la culbute. L'autre vérité dit que cette équipe renaît de ses cendres à chaque fois qu'elle semble perdue et que rien ne peut la faire disparaître. Sa situation serait devenue impossible si elle était repartie de Lucerne avec un seul point? Elle a forcé son destin pour en obtenir deux de plus et garder les portes d'un nouvel exploit entrouvertes.
Henchoz, le facteur X
Maintenant, la question est de savoir quel part de mérite revient à Stéphane Henchoz là-dedans. Parce qu'après tout, l'ancien défenseur de Liverpool semble agir comme le facteur X à la Maladière. Il a été l'homme du «miracle du Brügglifeld». S'il ne se trouvait pas non plus sur le terrain dimanche, il a donné de la voix pour les 16'000 sièges vides de la Swissporarena. Dans une situation «normale», on n'est pas certain que sa propension à tout diriger depuis le banc passerait aussi bien auprès de l'intégralité de ses hommes. Sauf que Xamax est dos au mur et qu'il a besoin d'un leader ferme pour lui montrer la voix. Quand on ne lui met pas de bâtons dans les roues et qu'on est prêts à adhérer à sa méthode, Stéphane Henchoz sait y faire mieux que personne dans ce domaine.
Son bilan comptable depuis son retour sur le banc neuchâtelois? Une victoire, deux nuls, une défaite. Un rythme certes légèrement meilleur que celui suivi jusqu'ici par NE Xamax, mais qu'il convient aussi de relativiser par rapport aux équipes affrontées: Zurich (6e), Thoune (8e), Sion (9e) et Lucerne (5e). En soi, l'équipe n'avance pas plus vite qu'avant. Ses qualités et ses défauts sont d'ailleurs précisément les mêmes qu'auparavant. Xamax fait toujours du Xamax, le déplacement de dimanche n'a pas dérogé à la règle. Il peut enflammer un match et sombrer droit derrière. Il peut inscrire une réussite splendide puis encaisser un énième but sur balle arrêtée dans la foulée.
La différence, peut-être, c'est qu'il existe à nouveau ce petit quelque chose en plus. La hargne insufflée par le technicien fribourgeois, traduite par ce duel aérien supplémentaire remporté ou ce tacle glissé pour couper une passe, peut participer à l'expliquer. Mais cela ne fait pas tout. En fait, il reste la partie qu'on ne peut cerner. Celle qui fait le charme de ce Xamax, et toute sa dangerosité pour ses adversaires.