SuisseUn président de la Confédération pour 4 ans?
Le politologue Claude Longchamp plaide pour l'élection d'un président par le peuple pour toute une législature. But: gagner en efficacité.
- par
- Christine Talos

Claude Longchamp lance une idée qui fait réagir.
Depuis le 1er janvier 2019, la Confédération est présidée par Ueli Maurer. L'UDC zurichois succède à Alain Berset et il laissera la place dans une année à Simonetta Sommaruga. Mais ce système de présidence tournante est remis en question par Claude Longchamp. Le politologue bien connu plaide en effet pour une présidence étendue sur 4 ou 5 ans, ce qui permettait une meilleure gestion des dossiers complexes.
«Cinq présidents de la Confédération ont négocié l'accord-cadre avec l'UE avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Ce n'est pas cohérent», critique-t-il vendredi sur les ondes de la RTS.
Comme dans les cantons de Vaud et Genève
Selon lui, avec le système actuel, le président n'a aucune compétence ou pouvoir pour faire avancer les choses. Pour des affaires qui doivent être réglées dans les six mois, cela ne joue aucun rôle de savoir qui est président. Mais pour des affaires comme l'accord-cadre, il faut des personnalités qui puissent conduire de tels dossiers à long terme, estime-t-il.
Pour Claude Longchamp, il faut donc créer un département présidentiel avec des tâches spécifiques, à l'image de ce qui se pratique dans les cantons de Vaud, Genève ou Bâle-Ville. Et pour que le ou la présidente puisse s'appuyer sur une certaine légitimité, il faudrait qu'il ou elle soit élu(e) par le peuple.
Fin du «primus inter pares»
Un seul président pour la durée d'une législature, le conseiller national Carlo Sommaruga (PS/GE), n'y est pas opposé. «Du point de vue des relations internationales qui ont aujourd'hui une dimension extrêmement importante, cela relève du bon sens», estime-t-il. «On aurait en Suisse un partenaire connu, continu pour une période de 4 ans. Je serais prêt à entrer en matière.»
Mais cela changerait la donne par rapport à la tradition politique de notre pays, relève toutefois le Genevois. «Actuellement, la tradition en Suisse veut qu'il n'y ait pas de personnalisation du pouvoir. La règle du "primus inter pares" (premier parmi les pairs) qui change chaque année va dans ce sens», souligne-t-il. «Mais dans la mesure où on est de plus en plus plongé dans le contexte international, une présidence de 4 ans serait bienvenue.»
Par contre, il s'oppose fermement à une élection du président par le peuple. «Soit on opte pour élection du Conseil fédéral par le peuple, avec toute une série de garanties pour la représentativité des minorités, soit l'ensemble du gouvernement est élu par le Parlement», explique-t-il. Il ajoute: «On aurait aussi un problème avec un président qui serait toujours élu par la majorité, soit toujours un germanophone, ce qui n'est pas acceptable. »
«Un régime présidentiel ne peut pas fonctionner»
Son collègue Laurent Wehrli (PLR/VD) partage en partie son point de vue. «Sur le fond, je n'ai pas d'a priori négatif, d'autant que j'ai fait partie des constituants vaudois qui ont œuvré pour la création d'un poste présidentiel pour le canton», rappelle-t-il.
Mais pour lui, la situation est différente au niveau fédéral car la Suisse doit se préoccuper de ses différences culturelles, régionales et linguistiques. «Et je ne suis pas sûr que l'on soit prêt, en terme de cohésion nationale, à avoir un président issu d'une seule région, d'une seule culture et d'une seule langue pendant toute une législature.» Augmenter le nombre de conseillers fédéraux de 7 à 9 serait bien plus prioritaire à ses yeux en ce moment pour faire avancer les dossiers en Suisse.
Quant à l'élection du futur président par le peuple, le syndic de Montreux y est autant opposé que son collègue genevois. «On n'a pas en Suisse un système présidentiel à la mode française ou américaine, car nous avons la démocratie directe avec la possibilité de lancer des initiatives, etc. Un régime présidentiel ne peut donc pas fonctionner. Ou alors il faudrait tout changer».
Laurent Wehrli pourrait entrer en matière pour une élection du président par ses pairs du Conseil fédéral. Mais il estime que ce n'est pas ça qui améliorerait vraiment la gestion des dossiers complexes comme l'accord-cadre avec l'UE. «Il ne faut pas se leurrer: si on a un problème avec cet accord, c'est parce qu'il y a un peuple, un parlement et des partis opposés derrière. Ce n'est pas parce qu'on a une présidence tournante.»