Procès du crash du Rio-ParisUn «quasi-accident» avait eu lieu avant la catastrophe
Mercredi, la cour est revenue sur un problème portant sur des sondes de vitesse d’un avion, problème qui avait eu lieu un an avant le crash du vol Rio-Paris.

Le 14 juin 2009, le vol Rio-Paris s’était abîmé en mer.
«Pas un incident, un quasi-accident»: l’ancien patron d’Air Caraïbes Atlantique est revenu, mercredi, sur sa prise en compte de la «gravité» en 2008, de deux givrages des sondes de vitesse, au cœur du crash l’année suivante du vol Rio-Paris. Le givrage de ces sondes a entraîné, le 1er juin 2009, la déconnexion soudaine du pilote automatique de l’AF447 et son passage en mode de pilotage dégradée, déstabilisant l’équipage.
Un peu plus de quatre minutes plus tard, l’avion s’est abîmé dans l’Atlantique, emportant avec lui ses 228 occupants. Après quelques hésitations, François Hersen, 72 ans, lunettes, cheveux immaculés et costume bleu nuit, revient à la barre sur deux pannes similaires survenues au sein de sa compagnie, fin août et début septembre 2008.
«On a tout de suite réagi»
Le premier événement, le plus «sévère», est arrivé lors d’un «vol d’entraînement», explique-t-il. «Ce qui nous a beaucoup aidés, c’est que celui qui a rencontré le phénomène était un instructeur (et) il était prévu ce jour-là de faire un entraînement sur le givrage en haute altitude.» «On a tout de suite réagi», avec un «débriefing», l’information de «l’équipage qui allait partir», puis l’envoi des rapports d’incidents aux autorités et l’information «le jour même» du constructeur.
Après le deuxième incident, Airbus leur a rappelé une «préconisation» datant de 2007: remplacer les sondes Thalès AA par un autre modèle, susceptible de moins geler, narre François Hersen en réponse aux questions du tribunal. Même si, quelques jours plus tard, «ils nous ont indiqué qu’il n’y avait pas tellement de différence», ce que la compagnie a «mal vécu», François Hersen décide de changer «immédiatement» toutes les sondes.
Après le premier incident, «dans quel état était l’équipage?» lui demande la présidente. «Paradoxalement, l’équipage a fait le job. C’est moi qui ai dit: «Il faut aller plus loin», parce que pour moi ce n’est pas un incident, c’est un quasi-accident», répond le témoin. «Il faut aussi écouter le récit du commandant de bord, il raconte que c’est difficile, c’est la nuit, ça «turbule», il y a le bruit de la grêle, des feux de Saint-Elme (ndlr: décharges électriques lumineuses)». «Ça doit être pris avec une très grande urgence», affirme-t-il. Car en haute altitude «la marge de manœuvre est très étroite, le temps de réaction très court.»
«Petite compagnie»
En septembre 2008, il écrit une lettre à la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), rappelle le tribunal. François Hersen explique avoir été «surpris» de constater que la recommandation visant à changer le modèle de sondes ne soit pas «obligatoire». «C’est une façon de montrer qu’on était quand même dans une situation inconfortable», commente-t-il.
La DGAC transmettra son courrier à l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA): celle-ci répondra le 30 mars 2009 qu’il n’y a pas lieu d’émettre une consigne obligeant à changer les sondes. Une décision que François Hersen ne «comprend toujours pas». Air France a-t-elle sous-estimé la gravité de la panne, par rapport à Air Caraïbes? La question surgit bientôt. Les notes de sécurité émises par les compagnies sont comparées. Celle d’Air France, diffusée le 6 novembre 2008, ne mentionne par la procédure à appliquer. Elle a été jugée «inopérante» par des experts et pilotes à la barre.
«Ce sont deux mondes différents»
Chez la compagnie reliant la Caraïbe, la note a aussi été distribuée dans les casiers des pilotes, mais «dans des petites compagnies, les gens se connaissent, souligne le témoin. Le matin, je croise des équipages qui arrivent, d’autres qui partent, c’est facile de communiquer.» «En gros, questionne Me Alain Jakubowicz pour les parties civiles, il vaut bien mieux voler sur une petite compagnie?» «On ne peut pas répondre à une question comme ça, ce sont deux mondes différents», estime François Hersen.
Un des conseils d’Air France, Me François Saint-Pierre, demande s’il a été informé d’autres événements du même type. Le témoin se rappelle avoir été informé d’incidents chez Corsair, XL Airways et Air France, mais il ne sait plus à quelle date. Car «Airbus n’a pas informé Air France», fait remarquer Me Saint-Pierre. Reprise jeudi à 13 h 30.