LégislationUne claque aux pays fesseurs
Mercredi, la France va se faire taper sur les doigts parce qu'elle n'interdit pas les châtiments corporels sur les enfants. En Suisse, on ne fait pas mieux.
- par
- Michel Pralong

Même si le Conseil de l'Europe est opposé aux châtiments corporels, il s'apprête à tirer les oreilles à la France. Mercredi, il va rendre publique une décision disant que le droit français «ne prévoit pas d'interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels». C'est une association britannique, Approach, qui avait déposé une réclamation dans ce sens, déclarée recevable en juillet dernier par le Comité européen des droits sociaux.
Cette décision n'a rien de contraignant pour la France, mais sa portée symbolique est importante. Elle pourrait même ouvrir la voie à une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme. En France, si les violences faites aux enfants sont réprimées, le droit coutumier tolère un «droit de correction» au sein des familles. Et un amendement antifessée à la loi sur les familles, déposé en mai par les Verts, avait été retiré par les députés pour être renvoyé à plus tard.
Les Romands sont gifleurs
La France n'est pas la seule à figurer parmi les pays réfractaires à une interdiction explicite des châtiments corporels donnés dans le cadre familial. Vingt des 47 pays membres du Conseil de l'Europe sont dans son cas. Dont la Suisse. Plusieurs initiatives allant dans le sens d'une interdiction ont été balayées, malgré le fait que des études et les pédopsychiatres démontrent que les châtiments ne sont ni pédagogiques ni éthiquement défendables. Une étude de 2013 montrait que 37,1% des Romands avaient recours aux punitions corporelles, contre 28,1% des Tessinois et 23,4% des Alémaniques.
La Suisse, membre du Conseil de l'Europe, a-t-elle donc osé blâmer la France qui fait pareil qu'elle? «Non, parce que la Suisse ne siège pas au Comité des droits sociaux», répond la conseillère aux Etats, Liliane Maury Pasquier (PS/GE), qui fait partie de la délégation helvétique au Conseil. «Notre pays est l'un des deux seuls à ne pas avoir ratifié la Charte sociale européenne. Donc, pour punir la France, nous n'avons dit ni oui ni non, bien au contraire.»
C'est également pour cette raison que l'association Approach n'a pas déposé une réclamation contre notre pays. Si quelqu'un veut le faire, il faut passer par l'ONU puisque la Suisse a ratifié à ce niveau la Convention des droits de l'enfant. D'ailleurs, elle reçoit régulièrement des recommandations d'agir, auxquelles elle ne donne pas suite.
A l'école, ça fonctionne
C'est en 1978 que la Suisse a abrogé le droit explicite des parents à donner une correction à leurs enfants. Mais si elle ne le permet plus, elle ne l'interdit pas formellement non plus. Et si la France a banni les punitions physiques à l'école, la Suisse ne l'a pas fait au niveau national. Ce sont des lois cantonales ou des règlements scolaires qui gèrent les cas. Sauf qu'ici le consensus est plus général. Si un enfant se fait frapper par ses parents, comme lui ne peut pas porter plainte, ce ne sont pas ses parents qui vont le faire à sa place. En revanche, s'il se fait maltraiter par un membre du corps enseignant, il sera beaucoup plus enclin à le dire à ses parents qui vont réagir très vite. Donc le contrôle social fonctionne beaucoup mieux.