InitiativeUne rente à vie pour tous ?
Travailleur ou pas, chacun devrait toucher 2500?francs par mois. Place à l'utopie.
- par
- Eric Felley

C'est un visuel qui rappelle le lancement du jeu Rento de la Loterie Romande, où un joueur chanceux est «condamné» à une rente à perpétuité. Dans le cas présent, la chance doit sourire à tout le monde. Un mouvement citoyen alémanique vient de lancer la récolte des 100?000 signatures pour soumettre au peuple une initiative philanthropique: garantir à tout citoyen, qu'il soit riche ou pauvre, qu'il travaille ou non, un «revenu de base inconditionnel» estimé entre 2000 et 2500?francs par mois.
A Bâle et à Zurich, ce collectif réunit des artistes, des cinéastes, des thérapeutes et aussi des politiciens socialistes comme l'ancien vice-chancelier de la Confédération Oswald Sigg ou la conseillère nationale bâloise Sylvia Schenker. En Suisse romande, l'initiative est portée par l'association BIEN-Suisse, fondée à Genève en 2001. BIEN étant l'acronyme de «basic income earth network». Sa secrétaire Elisabeth Di Zuzio, explique qu'elle s'est développée peu à peu au bout du lac: «A l'exception du président Albert Jörnimann de Zürich, nous sommes tous sur Genève. Au fil des ans, nous nous sommes réunis par affinités autour de la question de l'allocation universelle.» On y trouve également l'économiste Bernard Kundig, le trésorier du Parti socialiste genevois Gabriel Barta ou le jeune écologiste Julien Cart.
Inspiré de «L'Utopie»
Selon Albert Jörimann, président de BIEN-Suisse, l'idée d'un revenu de base minimal remonte à Thomas More dans «L'Utopie» (1516). Elle a été reprise au XXe siècle dans différentes théories économiques (dont celles du Prix Nobel Milton Friedman) et elle a été appliquée un tant soit peu en Alaska, au Brésil ou en Irlande. Pour Albert Jörimann, «la beauté de l'idée saute aux yeux: pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, une vie autonome et souveraine est à la portée de tous et pas seulement le privilège de ceux et celles qui bénéficient de grandes fortunes.»
En Suisse pourtant, l'idée d'un revenu minimal a toujours échoué devant les Chambres. Président de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique, le conseiller national Stéphane Rossini (PS/VS) a déjà eu l'occasion de débattre avec le président Jörimann: «Je ne vois pas comment mettre en œuvre un tel projet. C'est une réflexion théorique qui part de zéro. Les initiants n'expliquent pas comment faire la transition. Il vaut mieux harmoniser les prestations de minimum vital existantes comme l'AVS, l'AI, l'aide sociale, plutôt que de changer pour une hypothétique prestation, dont on ne connaît pas le financement.»
Sur ce point les initiants admettent qu'ils sont en train de discuter plusieurs modèles, comme la généralisation de la TVA ou de l'IFD. Avec un revenu de base qui absorberait, selon leur estimation, 30% du Produit intérieur brut (soit actuellement 180 milliards de francs), ils ne pourront pas faire l'économie d'une sage réflexion sur le chemin de l'utopie.