Conseil de sécuritéUne résolution sur les femmes ne passe pas à l’ONU
Cette résolution portée par Moscou et Pékin était jugée très faible et sans plus-value par une majorité de membres du Conseil de sécurité de l’ONU.

Il fallait neuf voix à Moscou pour faire adopter la résolution, point d’orgue de sa présidence du Conseil de sécurité en octobre, sans utilisation d’un droit de veto par l’un des membres permanents de cette enceinte.
La Russie, soutenue par la Chine, a échoué vendredi à faire adopter au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution sur la représentativité des femmes dans les sphères du pouvoir et dans les processus de paix, le texte ne recueillant lors d’un vote que 5 voix sur 15.
Le projet contenait des recommandations pour que les États membres de l’ONU améliorent la condition des femmes. Il a été jugé très faible et sans plus-value par une majorité de membres du Conseil – dont les États-Unis et l’Europe – et même constitutif d’un retour en arrière comparé aux textes adoptés depuis 20 ans. Il fallait neuf voix à Moscou pour faire adopter la résolution, point d’orgue de sa présidence du Conseil de sécurité en octobre, sans utilisation d’un droit de veto par l’un des membres permanents de cette enceinte.
Les cinq membres à avoir voté en faveur de la résolution sont la Russie, la Chine, l’Indonésie, l’Afrique du Sud et le Vietnam. Les dix autres membres du Conseil se sont abstenus, infligeant un revers cinglant à Moscou et Pékin. Sur le sujet des femmes, comme sur celui de la lutte contre le terrorisme, cible d’un veto américain en août à un texte indonésien, «c’est incroyable qu’il n’y ait pas d’unité mais de vraies divisions» au sein du Conseil de sécurité, a déploré un diplomate sous couvert d’anonymat.
Les détracteurs du texte ont souligné que lors des négociations une mention relative aux droits humains avait été purement et simplement gommée. Le texte manque de références sur le rôle crucial de la société civile pour promouvoir les droits des femmes, ont aussi souligné plusieurs diplomates occidentaux. Selon l’un d’entre eux s’exprimant sous couvert d’anonymat, alors que la première version du texte semblait représenter une bonne base de départ, il a été durci au fur et à mesure des discussions sous l’impulsion principalement de la Chine.
Défis et acquis
Pour l’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, le rejet du texte «est une nouvelle preuve d’une tendance inquiétante: la tentative de certains d’établir un monopole sur la protection des droits des femmes, tout en refusant à d’autres le droit de prendre part au débat».
«Comme écrit par la Russie, avec le concours de la Chine, ce projet de résolution avait vocation à saper et revenir sur les progrès accomplis depuis vingt ans, avec une utilisation abusive flagrante du Conseil de sécurité des Nations Unies pour faire avancer leurs propres agendas», a rétorqué son homologue américaine, Kelly Craft. Dans un communiqué, la Chine a affirmé «avoir participé à la négociation de manière constructive, contribuant à l’amélioration du texte et l’établissement d’un consensus», laissant entendre que cela n’avait pas été le cas des Occidentaux.
Le projet «ne correspond pas aux défis et à l’ambition qui s’imposent», a résumé l’ambassadeur français à l’ONU, Nicolas de Rivière. «L’empressement à adopter cette résolution avant la fin de ce mois n’aura pas permis de nous rassembler autour d’un texte consensuel», a-t-il ajouté. Sur la lutte contre la pandémie de Covid-19, le projet russe «ne reflétait pas le rôle dirigeant» assumé depuis le début de l’année par les femmes, a renchéri son homologue belge, Philippe Kridelka.
«Résolution inutile et dangereuse»
Pour Christoph Heusgen, ambassadeur allemand, si le texte avait été adopté, il «aurait affaibli les acquis» obtenus depuis l’adoption en 2000 de la résolution 1325 qui avait constitué une étape fondamentale pour définir un cadre pour l’amélioration des droits des femmes. «Il n’y a pas de monopole sur les droits humains des femmes», a-t-il dit, balayant les critiques russes.
Un point de vue partagé par l’Estonie et l’ambassadeur britannique par intérim, Jonathan Allen. L’adoption du texte «aurait miné les réalisations significatives» obtenues et «les efforts continus de tant de militantes des droits des femmes», a jugé le diplomate britannique. Dans un communiqué, Grant Shubin de l’ONG Global Justice Center a estimé que les pays ayant été contre cette «résolution inutile et dangereuse», qui revenait sur 20 ans de progrès, «devraient être félicités».