Londres 2012Usain Bolt: «J'ai montré que j'étais le meilleur»
Désormais quintuple champion olympique, le Jamaïcain peut légitimement prétendre au statut de «légende du sport» auquel il aspirait.
«Je suis venu ici à Londres pour devenir une légende et j'ai réussi. J'ai montré au monde entier que j'étais le meilleur, et je l'ai fait durant deux Jeux olympiques. C'est un immense bonheur.»
Autant que le résultat, il y a la manière. Bolt a avalé le virage à une vitesse étourdissante, avant de sembler planer dans la dernière ligne droite, tout en sachant serrer les dents sur la fin quand son jeune compatriote Yohan Blake, redoutable finisseur, a voulu fondre sur lui. Blake, comme sur 100 m samedi passé, doit «se contenter» de la place de dauphin (19''44).
Les Jamaïcains ont signé un triplé inédit pour eux, «à l'américaine», avec encore la médaille de bronze de Warren Weir (19''84). A 22 ans, celui-ci explose son record personnel pour parachever le triomphe de l'armada «jaune et vert» et sceller la défaite des Etats-Unis. Bolt, Blake et Weir ont de surcroît tous trois le même entraîneur, le «faiseur de miracles» Glen Mills (63 ans).
Bolt devient à 25 ans le premier athlète à décrocher quatre couronnes olympiques individuelles sur le sprint. Il dépasse d'une unité les Américains Carl Lewis et Archie Hahn. Il devient aussi le premier homme de l'histoire à réussir le «double doublé» 100-200 m aux JO, quatre ans après sa rafle de Pékin.
En attendant le relais 4 x 100 m de ce week-end, où il est aussi tenant du titre avec son pays.
La menace Blake
«Pour devenir une légende, il faut être capable de répéter ses exploits. Gagner une seule fois, d'autres hommes l'avaient fait avant moi», avait relevé Bolt après son 100m, sachant qu'il n'avait accompli que la moitié du chemin.
Contrairement à certains de ses prédécesseurs, il assortit chaque fois ses plus grands titres de chronos invraisemblables, ou de records du monde. Un Carl Lewis par exemple n'a jamais détenu le record du monde du 200 m.
En début de saison, une réédition du doublé individuel de Pékin et des Mondiaux 2009 à Berlin semblait tout sauf évidente. Bolt peinait à l'allumage dans ses courses, sa phase d'accélération péchait elle aussi et des problèmes de dos ainsi qu'aux ischio-jambiers l'avaient obligé à consulter plus d'une fois son médecin bavarois Hans-Wilhelm Müller-Wohlfahrt.
Il lui a fallu une piqûre de rappel, sous la forme d'une double défaite aux sélections jamaïcaines fin juin face à Blake, pour qu'il se remette à travailler sérieusement.
Sept titres en huit courses
Bolt a alors zappé la réunion de Monaco pour bosser dur, sous la houlette de Mills. Et il a fait venir tout exprès en Jamaïque, en exclusivité au prix de 4500 francs, les nouveaux starting-blocks développés par Omega, qu'il ne trouvait d'abord pas à son pied, pour s'entraîner avec et chasser la menace Blake.
Comme David Rudisha qui avait enflammé une heure avant lui le Stade olympique, Bolt est un talent précoce. A 17 ans, il courait le 200 m en 19''93. Il fut aussi le plus jeune champion du monde juniors de l'histoire, avec son titre sur 200 m en 2002 à l'âge de 15 ans.
Avec désormais déjà sept titres en huit courses (il en serait probablement à huit sur huit sans sa disqualification sur 100 m aux Mondiaux de Daegu) sur les trois derniers grands rendez-vous planétaires que furent les JO 2008 et 2012 et Mondiaux 2009, il prouve à quel point les plus grands défis le stimulent.
Son triomphe de jeudi, et au-delà le triplé jamaïcain, ne pouvaient pas mieux tomber pour son pays, qui fête cette semaine les cinquante ans de son indépendance. «Quand je cours, il n'y a plus de crimes dans les rues de Kingston», a déclaré la superstar récemment dans L'Equipe...