VaudViolée par son mari, Sonia Grimm chantera son vécu sur scène
Après le livre choc paru il y a un an, la chanteuse vaudoise poursuit sa lutte contre la violence psychique et physique que l'on tait. Elle a adapté son ouvrage pour la scène et pour les plus jeunes.
- par
- Evelyne Emeri
Sonia Grimm a osé écrire. Sonia Grimm a osé dénoncer. Après des années d'enfer vécu aux côtés de l'homme qui disait l'aimer, la quadragénaire – elle aura 45 ans en mai – a raconté son impuissance face aux pressions psychologiques, sa résignation face à l'emprise, son incapacité à dire non, sa folle culpabilité, son impossibilité à comprendre qu'elle était une victime. Les humiliations, les intimidations, la peur, le lien toxique qui la détruisait, la dépendance, la prison sans barreaux... Et cette nuit d'août 2014 où son mari la frappe, la martyrise, la menace de mort avec un couteau, risque de l'étrangler. Et la viole.
Divorcée de son bourreau
Son livre choc, «Insoumise - Autopsie d'un amour destructeur», a fait l'effet d'une bombe en mars 2018. Parce que jusque-là, Sonia Grimm n'était que princesse, paillettes et conte de fées pour les enfants. Elle chantait pour eux, tandis que son époux, son producteur, n'était plus le prince charmant qui la délivrait, mais bien le bourreau qui la domptait. La parole libérée de son ancienne conjointe, son agresseur ne la supporte pas. Qui plus est, lorsqu'elle est invitée au Salon du livre de Genève pour une table ronde autour de la thématique de la manipulation et du pervers narcissique. L'artiste vaudoise est crédible. Son écriture distille sobrement, factuellement, sa vie de couple diabolique.
Son récit est poignant et fait un carton. Son ancien compagnon tente de la museler par voie de justice et de faire interdire «Insoumise». Il est débouté en juin 2018. Juste après, il dépose une nouvelle plainte pénale – toujours pendante – tendant toujours à censurer le témoignage de l'artiste de Saint-Cergue (VD). Le plaignant s'estime lésé et reconnaissable, alors qu'il est anonymisé tout au long du livre. Pas de prénom, pas de nom. Juste «Tu». En décembre 2015, «Tu» a été condamné à 2 ans avec sursis pour lésions corporelles simples qualifiées, tentative de contrainte, contrainte, contrainte sexuelle et viol. «Elle», vient d'obtenir le divorce. Enfin libre, depuis quelques jours.
«Le silence permet aux agresseurs de continuer»
Depuis «Insoumise», malgré les dépôts de plainte récurrents de son mari violeur et en marge d'une reconstruction difficile, Sonia Grimm trouve la force de continuer son métier, sa passion. En décembre dernier, elle remonte sur scène, seule, sans enfants à ses côtés, et présente un opus tout public, «Noël 2.0». Les centaines de témoignages de femmes et d'hommes restés dans le silence qu'elle a reçus dès la parution de son livre la rendent plus forte et lui rendent confiance. Elle est dans le juste. De nombreux parents l'interpellent également et lui parlent de leur détresse à gérer la violence vécue par leurs enfants au quotidien ou le harcèlement scolaire dont ils sont victimes.
Encouragée par cet élan de solidarité et d'empathie, elle mûrit le projet d'adapter son livre sous une autre forme. Et de viser non seulement les adultes mais aussi son cœur de cible, les enfants et les jeunes: «Ca a mûri durant des mois, mais je ne savais pas sous quelle forme le réaliser. Ca m'a fait beaucoup de bien de trouver. J'ai pensé à un spectacle qui explique ce qu'est la violence, qu'on peut se défendre et que, ça, l'agresseur le sent. J'y évoque aussi comment prendre confiance en soi et pourquoi parler vous sauve la vie. Je donne des clés, je dis pourquoi on se laisse faire et on se tait. Le silence, c'est ce qui permet aux agresseurs de continuer.»
«La parole libérée doit s'étendre à l'enfance»
Treize chansons, «dont certaines déjà écrites à l'époque pour me donner du courage», précise l'auteure-compositrice-interprète, égrèneront cette nouvelle tranche de vie pour cette mère de deux adolescents, issus d'une précédente union: «Je ne suis plus une victime. Je veux ressortir du positif de mon histoire. Je veux la transmettre pour aider toutes ces personnes qui souffrent et qui ne peuvent identifier ce qui leur arrive, je veux prévenir, sensibiliser. La parole est en train de se libérer pour les adultes. Il est temps que ce mouvement s'étende à l'enfance. J'ai voulu un spectacle constructif, préventif et enthousiaste. Son titre est à la fois simple, clair et incitatif pour tous: «Parle-Moi!». La violence n'est pas un jeu.»
«Parle-Moi!», c'est un témoignage musical contre le harcèlement et les violences physiques et psychologiques. C'est aussi le nom d'une association que Sonia Grimm a montée avec Martial Vout, un professeur d'autodéfense, qui sort un livre en mars, intitulé «Autodéfense instinctive - Devenez votre propre garde du corps.» La chanteuse préface l'ouvrage, en fait la couverture et y mime les prises avec Martial Vout. Toujours sous ce même label, un concept pédagogique à l'intention des établissements scolaires a été mis sur pied. «J'ai aussi été beaucoup sollicitée par les écoles, y compris depuis la France. Je pourrai ainsi proposer des modules en classe pour les victimes et les éventuels agresseurs. La violence commence souvent par un mot, blessant. Le problème, c'est la solitude.»
evelyne.emeri@lematin.ch