VaudViolences: le bodyguard qui se bat avec la chanteuse Sonia Grimm
Expert en autodéfense instinctive, le Vaudois Martial Vout publie un nouvel ouvrage. Il s'est adjoint la complicité de l'artiste Sonia Grimm, violée par son ex-mari et victime de violences conjugales.
- par
- Evelyne Emeri
Martial Vout a illustré son guide d'autodéfense avec la collaboration de la chanteuse Sonia Grimm, elle-même ancienne victime de violences. Le duo a également tourné une série de vidéos didactiques.
À 44 ans, Martial Vout a déjà connu plusieurs vies. Formé aux États-Unis, en France et en Suisse, ce professionnel de la sécurité a été le garde du corps de plusieurs grands patrons en Europe ainsi que de différentes personnalités du Moyen-Orient. Depuis plus de vingt ans, il dispense des cours d'autodéfense. L'expert se rend également régulièrement en Inde, à Mumbai et à Dehli, pour aider les femmes dont la situation est particulièrement précaire, soumises à une société patriarcale.

Spécialiste de l'autodéfense, Martial Vout enseigne principalement dans sa salle à Vevey (VD) et à la Maison de la Femme, à Lausanne. Il dispense également des cours ponctuellement ailleurs en Suisse romande.
Sur le plateau de Ruquier
En 2002, il publie un premier livre d'autodéfense instinctive, «Plus jamais victimes – Survival» aux Éditions Michel Lafon et se retrouve sur le plateau de Laurent Ruquier et de son émission de l'époque «On a tout essayé». Il y croise Isabelle Alonso, chroniqueuse et figure de proue des Chiennes de garde, et l'actrice et réalisatrice Isabelle Mergault. La première signera la préface de son ouvrage, la seconde participera aux photos d'illustration. Son deuxième livre en 2014 sera écrit en anglais: «I can defend myself», édité chez Zen. Le Vaudois veut intensifier sa présence sur le terrain en Inde et permettre aux ONG avec lesquelles il collabore de disposer d'un outil didactique. Dans la foulée, il crée l'association l'AMVAF, Association Martial Vout pour l'Autodéfense Féminine.
La chanteuse et le bodyguard
L'instructeur d'autodéfense signe aujourd'hui son troisième opus. En librairie depuis samedi 30 mars, «Autodéfense instinctive - Devenez votre propre garde du corps» est né de sa rencontre avec Sonia Grimm. L'auteure-compositrice-interprète de St-Cergue (VD) lui a prêté main-forte. La chanteuse pour enfants, violée par son ex-mari, sous son emprise totale durant des années, a publié en mars 2018 une bombe. Le récit ultrapoignant de sa vie parallèle avec son ancien compagnon, loin des paillettes et des robes de princesse. Son livre «Insoumise - Autopsie d'un amour destructeur» fonctionne si bien qu'il a été réédité en plusieurs langues. Dans quelque temps, elle le racontera en chansons, sur la scène et pour les plus jeunes, afin de les sensibiliser au plus tôt à toute forme de violences, y compris au harcèlement scolaire. Elle distillera son message dans un spectacle intitulé simplement: «Parle-moi!».
Martial Vout du tac au tac
A bientôt 45 ans, Sonia Grimm s'engage à fond dans ce combat contre les violences physiques et psychologiques. Elle préface l'ouvrage de Martial Vout, en fait la couverture et s'est prêtée au jeu des photos pour décrire les bons gestes et les bonnes prises à adopter en cas d'agression. Le duo a également créé l'association «Parle-moi»et donne des conférences partout en Suisse romande sur la thématique. Un concept pédagogique pour les écoles a aussi été adapté.
Auteur d'«Autodéfense instinctive - Devenez votre propre garde du corps», Martial Vout explique comment et pourquoi il a développé cette méthode d'autodéfense instinctive:
«Le chien a un maître, l'être humain a des maîtres. Le reptile, lui, n'a pas de maître et ne se soumet à rien. La clé est là.» C'est la phrase que vous mettez en exergue pour vous présenter. Expliquez-nous cette clé.
C'est une référence à notre instinct logé dans notre cerveau reptilien (ndlr. l'être humain a trois cerveaux: reptilien, mammifère, cortex supérieur). Ce cerveau, contrairement au cortex supérieur, est autonome, il œuvre pour notre survie, n'obéit à rien. Le mammifère humain est l'«animal» qui obéit le plus à l'autorité, à l'État, aux lois, à la mode, au patron, au conjoint, aux horaires, à la banque, à la doxa, etc, parce qu'il s'est bizarrement éloigné de sa nature profonde. Nous sommes devenus des zombies, consommateurs soumis. Au niveau de la défense physique, nous ne valons pas la chèvre ou le ragondin.
En quoi votre méthode d'autodéfense instinctive pour les femmes se distingue-t-elle vraiment des autres?
C'est du «prêt à l'emploi». Ce n'est pas un sport ou un art. Elle ne comprend pas de techniques, de chorégraphies, de mouvements à répéter, à entraîner régulièrement. Le problème des méthodes sportives et des arts martiaux, c'est de prétendre que ce que l'être humain a inventé est mieux que ce que Mère Nature (qui nous aime, qui nous a voulus puisque nous sommes nés et qui veut que nous assurions la pérennisation de sa création) a mis dans notre instinct. Je n'ai rien inventé, j'ai observé les enfants de moins de 2 ans dans les bacs à sable et j'ai cherché l'inné en moi. Je suis mon premier terrain d'investigation.
Une fois «passées dans vos mains», les femmes sont-elles vraiment à l'abri de toute agression? Ou doit-on plutôt considérer votre enseignement comme une base essentielle, de type premier secours?
On n'est jamais complètement à l'abri. L'important est que les femmes, les hommes et les enfants que j'entraîne se rendent compte de ce qu'elles/ils sont avant tout. Qu'avant d'être leur nom, leur job, leur état civil, leur nationalité ou leur signe astrologique (ces qualificatifs qui ne nous qualifient en rien), ils sont un mammifère humain femelle / mâle et qu'a ce titre, ils ont, en sommeil, au fond d'eux, un formidable arsenal inné de défense. Je leur réapprends ces coups et surtout cet état d'esprit, je réveille la bête. Évidemment, je leur enseigne également des frappes et réactions plus «douces». Il faut rester proportionnel dans nos réactions. Et la meilleure des défenses, c'est toujours la prévention et la fuite!
On entend régulièrement que si les femmes se font agresser, c'est parce qu'elles se comportent comme des victimes ou se sentent déjà victimes. Vrai ou faux?
Des femmes sont agressées parce que notre société est malade, parce que des hommes sont frustrés pour une multitude de raisons. Ce n'est pas aux femmes de changer mais aux hommes. À certains hommes. Il ne faut pas stigmatiser les hommes, la très large majorité des hommes se comporte bien! Je ne rejoins pas certains mouvements «extrémistes» anti-hommes, très à la mode et (trop) relayés dans les médias. D'ailleurs, nombre de femmes ne se reconnaissent pas dans celles auxquelles on donne souvent la parole. Il ne faut pas exagérer. À noter aussi que c'est tout de même en Occident qu'il fait bon vivre lorsqu'on est une femme. Tout n'est pas parfait, évidemment, il reste de nombreuses choses à faire.
Votre méthode prodigue les bons gestes pour se défendre contre un prédateur. Inclut-elle aussi toute la partie psychologique, liée précisément aux violences que l'on ne voit pas comme un œil au beurre noir ou des lésions corporelles?
Oui, la violence psychologique est tout autant de la violence et a des répercussions sur la santé physique et mentale des victimes. Les manipulateurs et les pervers narcissiques (PN) peuvent œuvrer et faire des dégâts d'une manière lancinante sans être inquiétés. J'aime travailler avec des victimes de manipulateurs et de PN car la méthode que j'enseigne est avant tout un état d'esprit. Dire NON et refuser toute forme de violence, ce qui inclut avoir la force de quitter un mari manipulateur. C'est d'ailleurs pour cette raison que tout instructeur d'autodéfense doit s'informer, lire sur le sujet et rencontrer psychologues et psychiatres.
Vos cours sont-ils ouverts à toutes, sportives, non sportives, jeunes et moins jeunes?
Oui, justement! Mère Nature (Dieu) nous a offert une méthode pour tous les âges. Il ne faut pas être esthétique, souple, acrobatique, jeune, endurant, grand ou musclé lorsqu'on est en danger. Si la dissuasion verbale échoue ou n'est pas possible, si la fuite est impossible, le premier ingrédient de votre survie est la sauvagerie. Faire mal à l'agresseur, avec la méthode que j'enseigne, est très simple. La difficulté est d'oser blesser (proportionnellement). D'autant plus que dans plus de 80% des cas, les femmes sont confrontées à un homme qu'elles connaissent! Dans mes cours, je travaille plus sur l'esprit, le mental que sur les gestes. Les autres mammifères n'hésitent pas à faire mal si c'est nécessaire pour sauver leur peau. L'être humain, lui, hésite, car il est domestiqué, «éloigné» de sa nature profonde à force d'obéir, de vivre dans un environnement synthétique et de manger de la viande sous vide.
Pensez-vous que l'affaire Weinstein (ndlr. du nom du producteur de Hollywood tombé pour avoir harcelé des actrices) et le mouvement #meetoo ont vraiment révolutionné la planète femme? Ou les femmes ont-elles - enfin - pris conscience qu'il faut parler, raconter, dénoncer et se mobiliser pour contrer tout type d'attaques, humiliations, menaces, injures…?
D'une certaine façon, oui. C'est bien de parler de ce sujet, sur le long terme, il ne faut pas que ce soit juste une mode. Mais il faut savoir aussi que certains hommes ont été injustement accusés, ont perdu leur job, leur femme. Certains sont en dépression, il y a eu des suicides. C'est tellement facile d'accuser en ligne. Bientôt les hommes n'oseront plus monter avec vous dans un ascenseur et encore moins vous draguer… Nous serons toutes et tous perdants. Quoi qu'il en soit, la libération de la parole des victimes, cette sortie du silence, est une bonne chose.
evelyne.emeri@lematin.ch
«Autodéfense instinctive - Devenez votre propre garde du corps», Martial Vout, Éditions Favre.