Protestations en RussieVives réactions suite aux manifestations pro-Navalny
La France et les États-Unis critiquent la répression des manifestations, tandis que le Kremlin accuse Washington d’ingérence.

Près de 3’500 manifestants au total ont été arrêtés à travers la Russie, samedi lors des manifestations pro-Navalny.
Le Kremlin a accusé dimanche les États-Unis d’«ingérence», en dénonçant un communiqué de l’ambassade américaine à Moscou publié à la veille des manifestations de protestation en Russie pour exiger la libération de l’opposant Alexeï Navalny. La représentation diplomatique américaine avait appelé sur son site les Américains à ne pas se rendre à ces rassemblements samedi, précisant les lieux où ils se déroulaient.
Ces publications «constituent indirectement une ingérence absolue dans nos affaires intérieures», a réagi dimanche le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dans une interview à la chaîne publique russe Rossia 1, dont des extraits ont été publiés sur le site de la chaîne. «Peu de gens sont sortis, beaucoup de gens votent pour (le président russe Vladimir) Poutine», réélu avec plus de 76% des voix en 2018, a-t-il souligné, en dénonçant une tentative d'»ébranler la situation» dans le pays.
«Indirectement, cela constitue un soutien direct à l’infraction de la loi de la Fédération de Russie via le soutien des actions non autorisées», a estimé Dmitri Peskov. Si l’ambassade de Russie aux États-Unis avait agi de la même manière lors des troubles sur le territoire américain, «cela aurait sûrement provoqué une sorte de malaise à Washington», a-t-il ajouté.
Le ministère russe des Affaires étrangères avait déjà dénoncé le comportement de l’ambassade, dans un communiqué, en précisant que sa direction serait convoquée pour une «conversation sérieuse». Les États-Unis avaient «condamné fermement l’emploi de méthodes brutales contre les manifestants et les journalistes» lors des manifestations de samedi, dans un communiqué la nouvelle administration du président Joe Biden.
Atteinte «insupportable» à l’État de droit
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a quant à lui déclaré dimanche que la vague d’arrestations opérée la veille en Russie lors de manifestations à l’appel de l’opposant Alexeï Navalny constituait une «dérive autoritaire» et une atteinte «insupportable» à l’État de droit.
«Je trouve cette dérive autoritaire très inquiétante (…) La remise en cause de l’État de droit par ces arrestations-là, collectives et préventives, est insupportable», a-t-il dit dans l’émission «Questions politiques» de la radio France Inter, du groupe France Télévisions et du quotidien «Le Monde».
L’Union européenne a également condamné la répression des manifestations en Russie, alors qu’Amnesty International a accusé la police d’avoir «battu sans discernement et arrêté arbitrairement» des manifestants.
Près de 3’500 arrestations
Pour rappel, près de 3’500 manifestants au total ont été arrêtés à travers la Russie, samedi en marge des manifestations pro-Navalny, a indiqué dimanche l’ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des rassemblements de protestation.
«Je trouve aussi que le succès des manifestations sur l’ensemble du territoire russe est impressionnant», a relevé le chef de la diplomatie française. Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans une centaine de villes russes, de Moscou à Vladivostok (Extrême-Orient), pour réclamer la libération de Alexeï Navalny, l’ennemi juré du Kremlin et pourfendeur de la corruption.
«La démarche (d’Alexeï Navalny) mérite beaucoup de respect. Il a l’audace de ses actes», a ajouté Jean-Yves Le Drian, interrogé sur la décision de l’opposant de rentrer le 17 janvier en Russie, après cinq mois de convalescence en Allemagne suite à un empoisonnement présumé dont il accuse le Kremlin, en sachant qu’il serait arrêté dès sa descente d’avion.
«Une dérive très préoccupante»
La répression des manifestations pèse sur le dialogue engagé par le président Emmanuel Macron avec la Russie depuis 2019, même s’il reste nécessaire, a pointé Jean-Yves Le Drian. «C’est une dérive très préoccupante et qui remet un peu en cause la volonté de confiance et de sécurité que l’on peut avoir à l’égard de la Russie», a-t-il dit.
«Malgré tout la Russie ne va pas déménager (…) la géographie est têtue, la Russie est notre voisin et nous avons des questions de sécurité et de confiance» à discuter avec elle, a-t-il poursuivi. Il faut que des «formes de discussions puissent avoir lieu tout en étant extrêmement clair et extrêmement ferme sur la dérive autoritaire que nous constatons», a insisté le ministre, reconnaissant au passage que «ça n’avance pas beaucoup» en la matière depuis 2019.
Les dirigeants européens ont sanctionné en octobre plusieurs hauts responsables russes pour l’empoisonnement de l’opposant afin de manifester clairement leur volonté de faire respecter le droit international. Plusieurs d’entre eux ont par ailleurs demandé l’adoption de nouvelles sanctions contre la Russie si les appels à libérer l’opposant restent lettre morte. «Il faut rendre opératoires» celles qui ont été décidées en octobre, s’est contenté d’observer Jean-Yves Le Drian, alors que les ministres des Affaires étrangères de l’UE doivent se pencher lundi sur la question.