ScandaleVoilà ce que vous mangez
Les chevaux roumains qui ont fini en lasagnes sont vieux et ont souvent été maltraités. C'est leur abondance qui a fait chuter le prix de leur viande.
- par
- Victor Fingal

Le constat est affligeant. Les chevaux roumains sont conduits à l'abattoir après une existence sans ménagement de bêtes de somme ou de trait. Ils sont tués une fois au bout du rouleau. C'est leur viande qui a fini dans des lasagnes vendues «pur bœuf». En Roumanie, il n'y a pratiquement pas d'élevages spécifiques de chevaux destinés à la boucherie. Mais pour expliquer la ruée des traders sur la viande de canasson roumain, une seule explication s'impose: son prix.
Le prix des chevaux dégringole
«Une loi en vigueur depuis 2009 interdit la présence de chevaux sur les routes principales», explique José Bové, député d'Europe Ecologie à Bruxelles. Même si elle n'est pas partout respectée, cette loi a considérablement fait augmenter la masse de bêtes destinée à la boucherie. Conséquence: les prix ont dégringolé. «Un cheval se vend actuellement entre 300 et 400 euros, poursuit le député, c'est moitié moins qu'il y a trois ans.» Résultat pour les traders: la viande de cheval est vendue entre 50 centimes et 1 euro le kilo, contre 3,50 à 4 euros pour la viande de bœuf.
Mais sur le fond de la fraude, José Bové ne croit pas à la mauvaise foi des Roumains. «La Commission européenne est arrivée à la conclusion que l'étiquetage était correct à la sortie des abattoirs», relève-t-il. Un avis qui rejoint les propos de Julian Cazacut, directeur de l'abattoir Doly-Com montré du doigt dans le nord de la Roumanie: «Nous avons vendu du cheval, quelqu'un sur le trajet a changé l'étiquette.»
Scènes révoltantes
Reste que les conditions d'existence de ces bêtes sont souvent révoltantes. «J'ai vu une jument qui venait de mettre bas et que l'on obligeait à tirer un lourd chariot. Quant au poulain, il avait été jeté vivant par-dessus la marchandise transportée», souligne Susanna Wachtl, de la Fondation Susanna-Eleonora à Coppet (VD) qui tente de soulager les souffrances des chevaux du nord de la Roumanie. Des scènes de ce genre, elle en a vu des centaines. «Partout nous sommes confrontés à la maltraitance. Les chevaux proviennent de l'est de l'Europe, cela va du pur-sang vieillissant à l'animal de trait», ajoute-t-elle. Et ce sont ces mêmes animaux qui ont fini en lasagne.
Pour leur venir en aide, des membres de la fondation sillonnent le pays avec une «clinique roulante», un break qui contient une petite équipe composée d'un chauffeur, d'un vétérinaire et parfois d'un maréchal-ferrant. «Dans cette région proche de la Moldavie, le marché des chevaux est essentiellement entre les mains des Roms. Il n'y a pas d'élevage spécifique pour l'abattage», poursuit la membre de la fondation.
C'est vrai. Même dans le reste du pays l'élevage de chevaux destiné uniquement à la boucherie est quasi inexistant. La raison? Le grand nombre de chevaux utilisés encore comme aide aux travaux des champs ou aux transports dans un pays pauvre où les routes sont encore souvent en terre battue.