Festival: Wardruna: «Il y a de vieux poèmes plus brutaux que le metal»

Actualisé

FestivalWardruna: «Il y a de vieux poèmes plus brutaux que le metal»

Rock Oz'Arènes débute ce mercredi à Avenches. Si vous aimez les vikings, ne manquez pas, dimanche, Einar Selvik et son groupe qui font résonner la culture nordique à travers le monde. Interview.

par
Laurent Flückiger
Le Norvégien Einar Selvik a collaboré pour les séries TV «Vikings» et «Norsemen».

Le Norvégien Einar Selvik a collaboré pour les séries TV «Vikings» et «Norsemen».

Getty

Sa barbe tressée semble nous ramener tout droit à l'époque des vikings. Et c'est justement où nous plonge Einar Selvik avec Wardruna. En vrai nerd, comme il se définit, il fait revivre la culture et l'histoire nordique à travers ce projet musical lancé en 2002 qui a des adeptes partout à travers le monde. Il est même derrière certaines des musiques de la série TV «Vikings», que diffuse la RTS.

Avant de donner, dimanche 18 août, un concert forcément particulier dans les arènes d'Avenches, l'homme nous répond depuis l'est de la Norvège, où il vit paisiblement avec sa famille.

Il y a quinze ans, vous étiez encore batteur dans le groupe de black metal Gorgoroth. Quand avez-vous commencé à vous intéresser à l'histoire et la culture des vikings?

J'ai été exposé à la culture nordique depuis l'enfance mais aussi à différents styles de musique, au metal bien sûr mai aussi à la musique traditionnelle, à la musique classique. J'avais déjà en tête à l'adolescence d'avoir un projet comme Wardruna. J'ai joué dans plusieurs groupes mais c'était un travail. J'avais besoin que ça corresponde à mes intérêts personnels. En 2001, j'ai commencé à faire beaucoup de recherches et j'ai construit des instruments. En 2004, j'ai décidé de quitter tous les groupes dont je faisais partie et de créer quelque chose de nouveau.

Qu'est-ce qui vous a attiré dans la culture viking?

Ce n'était pas la culture viking. Aujourd'hui encore, ce n'est pas l'époque des vikings qui m'intéresse le plus mais l'époque juste avant, la période des migrations. L'âge de bronze me fascine. Je me souviens qu'enfant, dehors lors de promenades ou en vacances, j'étais toujours à l'affût d'histoires. Je crois que ça a créé des images en moi et en vieillissant j'ai découvert qu'elles étaient toujours là.

Voyez-vous des similitudes entre Wardruna et le black metal de Gorgoroth?

Il y en a, dans l'état d'esprit. Le black metal des débuts a des similitudes avec la world music. Pas telle qu'on la connaît aujourd'hui, mais la world music des temps anciens. La signification derrière les sons y est aussi importante que les sons eux-mêmes. C'est quelque chose que j'ai gardé avec moi dans Wardruna.

Wardruna est programmé dans des festivals de metal, comme le Hellfest il y a deux ans, par exemple. Comment l'expliquez-vous?

Il y a plusieurs raisons. La plupart des fans de metal sont conservateurs; la nature, l'histoire et la mythologie ont toujours été des sources d'inspirations pour le metal; enfin, la musique nordique traditionnelle est plutôt sombre et mélancolique, et ça parle à beaucoup de gens.

Les autres membres de Wardruna sont-ils aussi passionnés par la culture nordique que vous l'êtes?

Tout le monde s'y intéresse mais aucun n'est aussi nerd que moi! (Rires.) Mais un des musiciens, Eilif Gundersen, qui joue les instruments à vent traditionnels comme le corne de bouc et le lur, est très calé en histoire.

Vous-même avez d'ailleurs construit vos propres instruments.

Oui. Quand j'ai commencé, très peu de gens s'y connaissaient. Alors soit je construisais moi-même mes instruments, soit je demandais à quelqu'un de le faire. Aujourd'hui, c'est différent: l'intérêt pour ce genre de choses a explosé. Dimanche, à Avenches, nous en emmènerons quelques-uns qui sont très spéciaux. Certains ressemblent à des instruments traditionnels suisses, comme le cor des Alpes. C'est le cas du lur, qui est une copie de ce qui existait il y a 3000 à 5000 ans. Nous aurons aussi différents instruments à cordes et plein d'autres choses.

Pour vous, Wardruna est-il un groupe de musique ou un projet en ethnomusicologie?

Les deux. Même si mon envie n'est pas de copier la musique de plusieurs époques différentes, ça demande beaucoup d'études en ethnomusicologie. Et d'un autre côté, c'est de l'art, c'est prendre quelque chose de vieux pour en faire quelque chose de nouveau qui résonne avec les auditeurs contemporains.

Comment en êtes-vous venu à composer pour la série «Vikings»?

Les producteurs avaient de la peine à trouver les bonnes musiques pour la saison 1. Ils m'ont alors contacté pour que je les autorise à utiliser les chansons de Wardruna. Ils en ont pris sept ou huit. Puis ils m'ont recontacté avant la saison 2 pour me demander de collaborer avec les compositeurs de la série – ils voulaient aussi utiliser d'autres chansons de Wardruna. C'était une super expérience. J'étais aussi consulté à propos des rituels, des cris de guerre, etc. Faire partie d'un projet de cette envergure m'a beaucoup appris.

La saison 6, qui va prochainement être diffusée, sera la dernière. Vous verra-t-on à l'écran?

Non, on n'a pas réussi à trouver une date qui arrangeait tout le monde. Mais j'ai joué deux fois dans la série.

Vous collaborez sur d'autres projets du même style?

Oui, pour «Norsemen». Ils ont utilisé une partie de ma musique et j'ai aussi fait quelques voix. C'est une série que j'adore!

Votre musique est parfois un peu terrifiante. Que raconte-t-elle?

J'essaie de mettre en perspective le passé avec le présent. Ma musique parle de trois choses: la relation entre l'humain et la nature, les relations entre les humains et la relation entre l'humain et quelque chose de plus grand, peu importe si c'est spirituel ou philosophique. La nature est très centrale. C'est le cas dans toutes les civilisations anciennes. Je pense que toutes les cultures et les traditions viennent de la nature. Et oui, c'est sombre, lugubre même et mélancolique. Certains vieux poèmes sont plus brutaux que les paroles qu'on entend dans le metal aujourd'hui! (Rires.)

Dimanche, vous jouerez dans des arènes romaines datant du IIe siècle. Les endroits historiques ont-ils une résonance particulière pour votre musique?

Bien sûr! C'est le genre d'endroits que nous privilégions, car quand le lieu où vous jouez est complémentaire à votre musique, ça renforce l'expérience à la fois pour les artistes et pour le public. Personnellement, je pense que les lieux naturels ou historiques en plein air sont ce qu'il y a de mieux pour écouter Wardruna.

Ton opinion