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JUSTICEWeb: mâchez vos mots!

Une blogueuse française a récemment été condamnée pour avoir vertement critiqué un restaurant. En Suisse aussi, il vaut mieux jouer la prudence pour éviter les ennuis.

par
Cléa Favre
Juger sur Internet un repas dans un resto ne se fait pas à la légère. Des règles doivent être respectées.

Juger sur Internet un repas dans un resto ne se fait pas à la légère. Des règles doivent être respectées.

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 Ambiance peu chaleureuse, prix ciblant les pigeons, serveur détestable ou propreté aléatoire… Il est tentant de critiquer restaurants et hôtels sur la Toile. Ne serait-ce que pour se défouler ou aider son prochain à séparer le bon grain de l'ivraie. Or cet exercice n'est pas sans risque. C'est la leçon que vient de prendre une blogueuse française. Attaquée par le restaurant qu'elle avait vilipendé sur Internet, elle a été condamnée en référé le 30 juin à 1500 euros de dommages et intérêts et 1000 euros de frais de procédure par le Tribunal de grande instance de Bordeaux.

Certes, celle qui se fait appeler «L'Irrégulière» n'y était pas allée avec le dos de la cuillère (lire ci-contre), publiant un article au titre sans équivoque: «L'endroit à éviter au cap Ferret». Elle décrit joyeusement une «harpie en gilet fluo» qui saute sur le paletot pour houspiller ses clients, ou encore une patronne qui «se prend pour une diva». Verdict: coupable de dénigrement selon la justice française. «Le bouche-à-oreille, amplifié par Internet, a toujours existé et doit rester un moyen fondamental pour les consommateurs de se forger une opinion», regrette Mathieu Fleury, secrétaire général de la FRC. En Suisse, pourrait-on être condamné? «En théorie, oui, car le dénigrement – allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes à l'endroit des produits ou prestations d'autrui – existe aussi», explique Nicolas Capt, avocat spécialiste des nouvelles technologies. L'internaute peut aussi être poursuivi pénalement pour diffamation, calomnie ou violation de la loi fédérale contre la concurrence déloyale, encourant ainsi une peine de prison de 3 ans.

Néanmoins, selon l'avocat, il faut relativiser la portée de cette décision. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme va d'ailleurs plutôt dans le sens contraire et privilégie la liberté d'expression. Olivier Di Natale, directeur de GeneralMedia, propriétaire de la plate-forme iTaste, n'est pas inquiet non plus. Après trois litiges avec des restaurateurs, qui se sont réglés à l'amiable, il est convaincu que les professionnels doivent prendre en main leur e-réputation. «Réagir en justice n'est pas la bonne réponse. Cela ne fait que donner une grande visibilité à un petit commentaire. Il vaut mieux que les professionnels utilisent les blogs et sites d'évaluation en répondant aux critiques. La transparence est toujours très appréciée par les internautes.»

Vérité, et pas d'excès

Pour se mettre à l'abri, en tant que critique amateur, il est impératif de dire la vérité et rien que la vérité, et de ne pas se montrer excessif. Et, évidemment, de ne pas être rémunéré par un tiers pour vanter ou descendre un établissement (astroturfing). Malgré tout, la limite entre liberté d'expression et atteinte à l'honneur est à la libre appréciation des juges et se joue au cas par cas.

Le texte incriminé

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