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FootballXamax, une exclusion en questions

Le retrait de la licence SFL à NE Xamax est une mesure sans précédent. Elle suscite son lot d'interrogations.

par
Mathieu Aeschmann
NE Xamax est à terre. Que lui réserve l'avenir?

NE Xamax est à terre. Que lui réserve l'avenir?

Keystone

Le football suisse moderne a connu son lot de faillites, qu'elles fussent lointaines et méconnues (Wettingen en 1993, Lugano en 2003) ou traumatisantes de proximité (Lausanne-Sport en 2003, Servette en 2005). Or aucun de ces épisodes fâcheux ne peut servir de grille d'analyse pour interpréter l'avenir immédiat de Neuchâtel Xamax. La raison en est simple: le club neuchâtelois n'est pas (encore) en faillite. Il est ainsi devenu hier le premier club de l'histoire du football professionnel helvétique à se voir retirer sa licence de jeu sans que sa société anonyme ni son association ne se trouvent contestées. Devant cet état de faits inédit, les questions se bousculent. La Super League comptera-t-elle cette saison un club relégué directement? Les joueurs xamaxiens sont-ils libres de s'engager sous de nouvelles couleurs? Ou encore y a-t-il une infime chance de voir NE Xamax affronter le LS samedi 4 février? Tour d'horizon pour lever les doutes.

1. Xamax a-t-il une chance de reprendre le championnat?

Théoriquement, une chance existe. Mais elle est si infime que la raison impose de la considérer comme nulle. Selon les statuts de la SFL, Xamax possède en effet cinq jours pour faire recours de la sanction qui le frappe. Or ce recours n'est pas suspensif au nom de «l'intérêt supérieur du football» ce qui signifie que la mesure entre en force sauf avis contraire. «Ce sera au Tribunal de recours de dire si la sanction est justifiée, a expliqué hier Claudius Schäfer. Mais il n'est pas tenu de rendre un verdict dans des délais rapides. Si ce dernier venait à déjuger la commission de discipline au-delà du 4 février, on trouverait alors un moyen de réintégrer Xamax.» Autres pistes de recours: le TAS puis la justice civile comme l'évoquait avant-hier déjà l'avocat du club Pierre Toffel.

2. Dans quelle ligue évoluera Xamax la saison prochaine?

«Aujourd'hui, NE Xamax n'est plus membre de la SFL, expliquait hier son CEO Claudius Schäfer. Cela signifie qu'il n'est pas en mesure de demander une licence de jeu en Super League ou en Challenge League pour la saison 2012-2013.» En d'autres termes, le club neuchâtelois a subi une relégation administrative en 1e?ligue promotion. Mais sa présence dans cette nouvelle catégorie de jeu dépendra bien évidemment de la santé économique de sa SA. «Si une faillite devait être prononcée, le club repartirait au niveau de sa meilleure équipe junior, reprenait Schäfer. Soit en deuxième ligue interrégionale.» Une lourde chute qu'un homme se propose d'adoucir. «Si la chose est possible, la première équipe de Serrières pourrait parfaitement laisser sa place à Xamax en 1e?ligue, assure son président Jean-Marc Rohrer. Ainsi le club phare de la région gagnerait une année dans son processus de remontée.» Proposition anticipée mais élégante.

3. Quelles conséquences sur les championnats?

La première a dû provoquer un gros ouf de soulagement dans les chaumières valaisannes et vaudoises. «Il n'y aura aucun relégué direct de Super League en Challenge League. Et le championnat de Super League va se poursuivre à neuf en conservant le total des points acquis lors du premier tour.» Le FC Sion et le LS se livreront donc un duel à distance pour éviter la place de barragiste contre le deuxième de Challenge League. Une catégorie de jeu qui a eu le plaisir d'entendre hier que son terrible printemps sera adouci par la rétrogradation de NE Xamax. «En l'état actuel, la Challenge League reversera cinq équipes reléguées en 1e?ligue promotion au lieu de six.» Une information qui va sans doute gonfler le moral des formations romandes à la lutte pour rester dans l'antichambre de l'élite.

4. Les joueurs xamaxiens sont-ils libérés de leur contrat?

Première vérité utile à rappeler: les joueurs xamaxiens ne sont pas libres. L'exclusion de leur club de la SFL ne les libère pas automatiquement de leurs obligations contractuelles. Par contre, cette sanction semble entrer dans la catégorie des «justes motifs» que le joueur peut invoquer pour rompre unilatéralement son contrat de travail. «Le timing est idéal pour qu'ils résilient leur contrat, confie un avocat spécialisé dans les affaires du football. Car le club vient d'être rétrogradé dans une ligue qui n'accepte pas les contrats pro.» Le trio Basha, Facchinetti, Wüthrich, annoncé du côté de Tourbillon a-t-il déjà entamé cette démarche? Peut-être. Toujours est-il que l'équipe de Victor Muñoz disputait hier un match amical à Dubaï contre la sélection olympique irakienne (0-1). A son terme, l'entraîneur espagnol a salué l'état d'esprit de son groupe tout en indiquant qu'il solliciterait rapidement un entretien avec Bulat Chagaev. Car lui aussi pourrait bientôt se retrouver sur le marché.

5. La SFL doit-elle faire face à un manque à gagner important?

Une Super League à neuf équipes a pour effet premier de limiter le nombre des rencontres hebdomadaires. Elles ne seront plus que quatre avec une équipe condamnée chaque week-end au repos forcé. Comment vont réagir les autres clubs de l'élite qui voient ici un neuvième de leur billetterie du printemps s'envoler? Et surtout, comment Teleclub et Bluewin TV - principaux diffuseurs d'images - vont-ils avaler une pilule qui limite leur offre d'un cinquième? «C'est une bonne question, tenta d'abord de botter en touche Claudius Schäfer. Il faut que l'on discute avec nos partenaires. A l'heure actuelle, personne n'a émis une quelconque prétention car il semble que tous ont conscience du caractère exceptionnel de la situation. Mais en effet, c'est une discussion que nous devrons mener.»

6. La SFL risque-t-elle quelque chose dans cette affaire?

Pour répondre à cette question, il faut distinguer justice sportive et justice ordinaire. Sur le plan des procédures sportives, la SFL semble ne rien avoir à craindre tant elle a pris ses précautions pour juger «le cas Xamax» dans un respect scrupuleux des statuts. «Je félicite Daniele Moro pour son travail, s'est emporté Heinrich Schifferle. Les procédures ont pris du temps car nous vivons dans un état et représentons une association respectueuse du droit.» Reste à savoir si lors d'une éventuelle procédure de faillite, la SFL pourrait se voir inquiétée pour «responsabilité indirecte»? Car selon certains observateurs son excès de zèle ou de lenteur a également contribué à péjorer la situation financière de Xamax et, donc, celle de ses créanciers.

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