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PeopleYann Lambiel: «Oui, j'ai la trouille»

A 40?ans, l'imitateur valaisan cherche à se mettre en danger pour se dépasser. Il était sur scène hier soir au Québec, devant un public qui ne le connaît pas. Interview.

Didier Dana
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Didier Dana
Vendredi dernier à Beausobre, Yann Lambiel a présenté un spectacle autour de 50 ans de télé. Un show «exportable» en dehors de nos frontières.

Vendredi dernier à Beausobre, Yann Lambiel a présenté un spectacle autour de 50 ans de télé. Un show «exportable» en dehors de nos frontières.

Sabine Papilloud

?«Je ne vous le cache pas, j'ai la trouille.» Ainsi parle l'imitateur Yann Lambiel avant de s'envoler pour le Québec, où il s'est produit hier soir dans le cadre du Festival Grand Rire devant un public qui ne le connaît pas . Un vrai pari.

Pourquoi aller jouer à l'étranger sans vos imitations fétiches?

A 40?ans, je ressens le besoin de me mettre en danger. En Suisse romande, à part le Jurassien Jérôme Mouttet, je suis le seul. Alors est-ce que je me prélasse? Non, j'ai décidé de me dépasser et j'essaie tout. Cela fait 13?ans que l'on fait «La soupe est pleine». Toutes ces voix ont très bien fonctionné et je n'abandonne pas mon public, mais je ne souhaite pas m'enfermer dans la seule imitation suisse et la satire politique. Lorsque j'ai reçu des demandes de Belgique et de France, je n'ai pas pu les honorer, parce que justement je faisais Brélaz et Couchepin.

Ils ne sont pas exportables?

Non. Le public n'a aucune référence et, par exemple, les Français veulent qu'on leur fasse du Français.

Vous l'avez testé?

A Paris, au Théâtre des Deux Anes, il y a dix ans. Je me suis dit: «Je ne vais tout de même pas y aller pour imiter Bourvil et Cloclo». J'avais 20?minutes sur scène. Deux jours avant, la Suisse venait de perdre la Coupe Davis contre l'équipe de France. Eux savaient que la France avait gagné, mais ils ne savaient pas contre qui. Et j'ai pris un bide monumental. Le lendemain, avec Cloclo et Bourvil, les gens ont applaudi.

Etre imitateur, c'est un genre à part selon vous.

Oui. Car je ne suis pas un humoriste. Pour moi l'imitateur est un artiste de music-hall, dans la catégorie des ventriloques et magiciens. C'est un art et un subterfuge aussi qui me permet de faire rire.

Vous êtes drôle pourtant.

Non. Je ne sais pas raconter un gag. Pour ça, je suis zéro. Couchepin, si je l'imite et qu'il raconte une blague, ça va marcher. Mais le type Yann Lambiel, lui, n'est pas drôle.

Et Lambiel chanteur, c'est le même constat?

J'ai fait de l'orchestre comme batteur et chanteur lorsque j'étais plombier, mon tout premier métier. J'ai gagné la médaille d'or de la chanson en 1994, mais je ne suis pas un chanteur. Je n'ai pas une belle voix.

Il y a deux minutes, vous chantiez «Con Te Partiro» d'une voix superbe!

Non. C'est parce que j'imitais Andrea Bocelli. J'ai une puissance vocale lorsque je fais Johnny que je n'ai pas si je chante en Yann Lambiel. Je peux aller très haut avec Goldman, mais pas aussi haut avec ma voix. C'est très bizarre.

Avez-vous essayé de travailler le chant avec un prof?

Jamais. J'ai eu peur de dénaturer mes imitations en chantant juste. Le chanteur, lorsqu'il fait une imitation, fait tout le contraire du professeur de chant qui va dire à l'élève: «Ouvre-toi!» ( Il émet un son de voix grave et ample.) Pour Cloclo par exemple, il faut que je resserre tout. (Il parle du nez.)

Qu'allez-vous présenter au Québec pour les séduire?

Outre les voix de Bugs Bunny ou Rocky, j'ai cherché des points communs entre la Suisse et eux. «La poule aux œufs d'or» de Jean-Marc Richard, c'est un jeu qui a vingt ans au Québec et qu'ils connaissent bien. Je leur dis: «Vous avez exporté chez nous «La poule aux œufs d'or», mais vous auriez pu la garder. D'ailleurs, nous, on a exporté chez vous Alain Morisod. Et vous auriez pu le garder aussi!» ( Rires.)

Vous abandonnez «La soupe» le 24 juin pour rester auprès de votre fils tous les dimanches.

Oui, il a 4?ans et il commence l'école. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai souhaité arrêter. L'autre, c'est que les politiques se sont renouvelés. Il y a 12?ans, j'ai commencé à faire Couchepin qui était dans le paysage depuis presque 20?ans. Les gens l'avaient vu et entendu. Idem pour Claude Frey avec le fameux «écoutez». Tandis qu'un Alain Berset, vous savez la voix qu'il a? Non!

Pas encore mûr?

Le public n'a pas encore la référence vocale et politique des Berset, Burkhalter et Sommaruga. Berset va connaître des problèmes dans son département. Il va me titiller l'oreille. Je cherche sa voix. On a l'impression qu'il a un zézaiement et je pense qu'il a travaillé pour le gommer. Burkhalter, lui, sera toujours moins drôle que Couchepin et Blocher. Alors, je leur laisse deux ans. Et là, je reviens! ( Rires .)

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