Droits de l’hommeVarsovie condamnée pour avoir accusé une star de blasphème
La chanteuse polonaise Doda avait dit que la Bible avait été écrite par «une personne défoncée au vin et à l’herbe». Strasbourg estime qu’il n’y a ni «discours de haine», ni «intolérance religieuse».

L’interview contenait certes «des déclarations de nature à choquer ou inquiéter certaines personnes», concède la Cour, mais les opinions exprimées «sont protégées dès lors qu’elles n’incitent pas à la haine ou à l’intolérance religieuse».
REUTERSUne pop star polonaise, jugée dans son pays pour «blasphème» après avoir déclaré que la Bible avait été écrite par «une personne défoncée au vin et à l’herbe», a fait condamner, jeudi, Varsovie, par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), à Strasbourg.
La requérante, la chanteuse Doda, «a formulé les déclarations en cause en réponse à des questions sur sa vie privée, sur un ton léger et dans un langage coloré destiné à ses jeunes fans», des propos qui ne relèvent ni du «discours de haine», ni de «l’intolérance religieuse», indique la Cour, qui juge cette condamnation «pour blasphème contraire à la Convention» européenne des droits de l’homme.
Poursuivie pour «atteinte au sentiment religieux»
Interrogée en 2009 sur sa religion par un site web, Dorota Rabczewska, connue en Pologne sous le nom d’artiste de Doda, avait déclaré croire en une «puissance supérieure», mais se disait plus convaincue par les découvertes scientifiques, et non par les «histoires bibliques incroyables» écrites par «une personne défoncée au vin et à l’herbe».
La justice polonaise, saisie par deux particuliers, l’a alors poursuivie «pour atteinte au sentiment religieux», infraction réprimée par l’article 196 du Code pénal» en vigueur en Pologne, pays très catholique. En 2012, Doda fut condamnée à une amende de 5000 zlotys (un peu plus de 1000 francs), au motif que ses déclarations étaient «délibérément insultantes et méprisantes à l’égard des croyants», indique la Cour.
«La requérante a formulé les déclarations en cause en réponse à des questions sur sa vie privée, sur un ton léger et dans un langage coloré destiné à ses jeunes fans.»
Tous les recours de la chanteuse devant les tribunaux polonais ont échoué. Ces derniers n’ont pourtant «pas justifié, par des motifs suffisants, l’ingérence par la chanteuse dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression», pointe la CEDH dans son jugement.
Pas d’incitation à la violence
L’interview contenait certes «des déclarations de nature à choquer ou inquiéter certaines personnes», concède la CEDH, mais les opinions exprimées «sont protégées par la convention, dès lors qu’elles n’incitent pas à la haine ou à l’intolérance religieuse». Personne n’a évoqué, durant la procédure, «l’argument consistant à dire que les déclarations» relevaient d’un «discours de haine», notent les juges européens.
Il n’a pas été établi non plus que les déclarations de Doda «aient été de nature à inciter à la violence, la haine ou l’intolérance ou à justifier pareils comportements», estime encore la juridiction européenne, qui a condamné Varsovie, à verser à la chanteuse 10’000 euros (9600 francs) pour dommage moral.